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Prorogation de six mois du mandat de la Minurso: Washington pour un règlement rapide du conflit

par Yazid Alilat

La reprise en main du dernier dossier de décolonisation en Afrique, celui du Sahara Occidental, par les Etats-Unis, semble faire avancer le processus de règlement du conflit, enlisé depuis 2010 et l'arrêt sine die par Rabat des négociations de Manhasset. Mercredi en fin de journée, le Conseil de sécurité a, comme attendu par les observateurs, appelé le Maroc et le Front Polisario à reprendre les négociations sans pré-conditions et de bonne foi «en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental». Le Conseil de sécurité de l'ONU a, dans sa résolution prorogeant de six mois (jusqu'à fin avril prochain) le mandat de la Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara Occidental (Minurso), souligné l'importance pour les deux parties «de s'engager à nouveau pour faire avancer le processus politique dans la perspective d'une cinquième série de négociations».

La résolution portant prorogation du mandat de la Minurso de six mois du Conseil de sécurité a été adoptée par 12 voix contre trois abstentions (Bolivie, Russie et Ethiopie), alors que le vote est intervenu après deux jours de tractations sur le texte présenté par les Etats-Unis. En fait, le Conseil de sécurité de l'ONU a estimé que le «statu quo» au Sahara Occidental est «inacceptable», et qu'il est important que «les négociations progressent afin d'améliorer la qualité de vie du peuple du Sahara Occidental». En outre, l'organe décisionnel des Nations unies a donné son plein appui au secrétaire général de l'ONU et à son envoyé personnel, Horst Köhler, qui veulent relancer le processus de négociations entre le Maroc et le Front Polisario avant la fin de l'année.

En attendant, le Front Polisario et le Maroc, ainsi que les pays observateurs (Algérie et Mauritanie) ont répondu favorablement aux invitations de l'envoyé personnel du SG de l'ONU à une première table ronde à Genève les 5 et 6 décembre. Pour l'ambassadeur adjoint des Etats-Unis Jonathan Cohen, la réunion de décembre ne sera pas «un événement unique», car, a-t-il dit, elle «doit marquer le début d'un processus de négociations directes».

Pour lui, cette réunion représente «une première étape cruciale «dans ce processus durant laquelle le Maroc et le Front Polisario doivent rester attachés aux négociations jusqu'à l'aboutissement du processus. Il a expliqué d'autre part la nouvelle position américaine sur la Minurso, relevant que les Etats-Unis s'étaient lancés dans une nouvelle approche «concernant cette mission onusienne». Plus concrètement, le diplomate américain a affirmé que «premièrement, il ne peut plus y avoir de statu quo au Sahara Occidental. Deuxièmement, nous devons apporter tout notre soutien à l'envoyé personnel Köhler dans ses efforts pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permettra l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental.» «La prorogation du mandat de la Minurso de six mois témoigne de notre détermination de voir les négociations progresser rapidement, de bonne foi et sans conditions préalables», et «énonce également clairement que le Conseil de sécurité ne laissera pas le Sahara occidental et la Minurso retomber dans l'oubli», a encore précisé le diplomate américain. De son côté, et à la suite de cette résolution du Conseil de sécurité, le ministère des Affaires étrangères a indiqué que «l'Algérie prend acte de la résolution 2440 (2018) que le Conseil de sécurité vient d'adopter, par laquelle il a, une fois de plus, consacré l'exercice par le peuple du Sahara Occidental de son droit inaliénable à l'autodétermination comme la seule voie à même de mettre un terme définitif au conflit, qui oppose depuis plus de quarante ans le peuple du Sahara Occidental au Royaume du Maroc».

Le ministère des Affaires étrangères a précisé dans le même communiqué que l'Algérie a accepté l'invitation de l'Envoyé personnel du SG de l'ONU de prendre part, en sa qualité d'Etat voisin, à la table ronde prévue les 05 et 06 décembre prochains à Genève», et «demeure convaincue que seule une négociation directe, franche et loyale entre le Royaume du Maroc et le Front Polisario, est de nature à conduire à une solution définitive de la question du Sahara Occidental, conformément à la légalité internationale, à la doctrine et à la pratique des Nations unies en matière de décolonisation».

Le représentant du Front Polisario à l'ONU a affirmé qu»'il incombe maintenant au Conseil de sécurité de peser de tout son poids pour faire avancer les négociations directes entre les deux parties en vue de permettre à notre peuple d'exercer librement et pleinement son droit inaliénable à l'autodétermination et à l'indépendance.» Il ajoute que le Front Polisario «prend acte de l'appel lancé par le Conseil de sécurité aux deux parties au conflit (le Maroc et le Front Polisario) pour reprendre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, sans conditions préalables et de bonne foi en vue de parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable, qui pourvoit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental.

Le représentant sahraoui à l'ONU, qui a insisté pour que «le Conseil de sécurité maintienne sans ambiguïté le statut juridique du territoire et préserve son intégrité territoriale», rappelle que «le Front Polisario, dont la raison d'être est de défendre les droits inaliénables du peuple sahraoui et ses aspirations nationales, n'acceptera rien d'autre que le plein respect du droit inaliénable de notre peuple à l'autodétermination et à l'indépendance.» «Il est donc essentiel que le Conseil de sécurité veille au plein respect des termes de l'accord de cessez-le-feu et de l'accord militaire No 1, qui font partie intégrante du plan de règlement des Nations unies et constituent donc les piliers du processus de paix des Nations unies au Sahara Occidental», a-t-il souligné.

Il a également appelé à ce que        «le Conseil de sécurité demande au Maroc de s'abstenir de toute action déstabilisatrice dans les territoires occupés et de mettre fin au pillage des ressources naturelles du Sahara Occidental. La présidence de la République Arabe Sahraouie a affirmé par ailleurs et à l'occasion de la commémoration du 43e anniversaire de l'invasion marocaine du Sahara Occidental le 31 octobre 1975, qu'il n'y aura «ni reddition, ni capitulation» et que «le combat se poursuivra avec plus d'unité et de volonté sous la direction de l'unique et légitime représentant du peuple sahraoui, le Front Polisario, pour arracher ses droits sacrés au recouvrement de la souveraineté de son Etat». Si les Etats-Unis, initiateurs de la résolution, ont décidé de ne proroger que de six mois le mandat de la Minurso contre une année auparavant, c'est surtout, selon les observateurs, pour maintenir la pression sur les parties au conflit dans le dossier de décolonisation au Sahara Occidental, pour qu'elles fassent de vrais progrès dans le sens de son règlement rapide, démocratique et conforme à la légalité internationale.