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L'amer après-Bouhadja

par Mahdi Boukhalfa

Ce sera fait aujourd'hui: la confirmation d'un historique tour de passe-passe à l'Assemblée nationale pour désigner son nouveau président, alors que le «partant» n'est ni mort, ni incapable d'exercer sa fonction, encore moins «incompatible» par rapport au règlement de l'institution. Les députés de la majorité parlementaire, FLN en tête, auront finalement eu la tête du président de l'APN, Saïd Bouhadja, poussé vers la porte de sortie par une violente charge autant du SG du FLN que de ses alliés à l'Assemblée nationale, le RND, le MPA et Taj.

Les événements actuels à l'APN ont montré une piètre image d'une grande partie des représentants du peuple qui n'hésitent pas à violer la légalité constitutionnelle pour satisfaire des appétits politiques. Le président légitime de l'APN sera officiellement destitué ce mercredi par un vote devant désigner son successeur, mais au mépris des lois de la République, celles pourtant que les députés putschistes devaient faire respecter, des députés de la majorité parlementaire, qui se sont mis hors la loi, alors qu'ils sont les garants de la bonne marche des institutions républicaines. Cette charge contre le président légitime de l'APN, qui va partir sans laisser beaucoup de regrets cependant au sein de l'opinion publique, montre à quel point s'est creusé le fossé entre les élus du peuple et les Algériens.

La destitution du président de l'APN montre surtout à quel point le Parlement a été affaibli par des postures et des comportements condamnables, beaucoup plus soucieux des intérêts de clans, de partis que des intérêts du pays et du peuple. Car Saïd Bouhadja ou un autre au perchoir, le fond du problème reste le même, à savoir que la seconde chambre du Parlement, comme le Sénat d'ailleurs, a depuis longtemps perdu toute crédibilité auprès de l'électorat. Et les tristes événements de ces dernières semaines au sein de l'Assemblée nationale, avec des portes «cadenassés» et «enchaînées», ne sont rien moins qu'une confirmation logique que le Parlement algérien a perdu désormais toute son aura, sa crédibilité, son importance dans la vie de la nation. Plus que jamais, le Parlement algérien donne cette déplorable image d'une chambre de résonance, oubliant les promesses électorales, trahissant les Algériens, les électeurs qui ont eu le courage d'aller à l'isoloir choisir leurs représentants.

Faut-il pour autant désespérer de ce Parlement ? Peut-être que non, car en face, au sein de l'opposition parlementaire, il y a beaucoup de courage, d'espoir que les choses ne peuvent indéfiniment aller à contrecourant de la volonté populaire. Que l'espoir est permis d'avoir non pas un Parlement inféodé aux partis du pouvoir, mais une institution républicaine où est défendue la démocratie et dénoncée la gabegie. Mais, pour le moment, les inquiétudes quant à une dérive dangereuse du Parlement, otage des intérêts de clans et de lobbies politiques, sont réelles. C'est en fait ce que dénoncent les députés du RCD pour qui les turpitudes actuelles au sein de l'APN sont «une mise à nu en règle des pratiques d'un système politique réduit à gérer ses contradictions et ses urgences sur la scène publique». Et, cette démonstration de force des partis de la majorité parlementaire a une autre signification, encore plus inquiétante, celle d'une accélération de la déliquescence des institutions républicaines. Après ce scénario, impensable il y a juste un an, à quelle autre comédie se dirige l'APN, peu soucieuse de restaurer une crédibilité largement entamée ?