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Filière céramique: La bataille des importations

par Yazid Alilat

L'industrie de la céramique a traversé des moments difficiles, une situation qui a mis en péril, au début de cette année, 18 unités de production et menacé de mettre fin à plusieurs dizaines de milliers d'emplois directs, c'est ce qu'a déclaré, hier, lundi, M. Moncef Bouderba, président de l'Association des céramistes algériens.

Il a expliqué, dans une intervention à la Radio nationale, qu'à la suite de la suppression de l'importation de la matière première, incluse dans la liste des 871 produits interdits d'importation, quelque 50 petites et moyennes entreprises du secteur de la céramique, étaient menacées de fermeture et de licencier leurs salariés.

«Cela a été fait en janvier dernier, on s'est réveillé avec cette interdiction d'importer la matière première», a-t-il souligné, ajoutant que « nous avons alors saisi le ministre pour défendre notre industrie, les 18 unités, avec 26.000 emplois directs». «Nous faisons vivre environ un million d'Algériens», a expliqué M. Bouderba, qui a précisé que : «ensuite, la situation a évolué favorablement, le climat s'est apaisé.» «Nous avons eu des discussions difficiles, on a été confrontés à la défense de cette industrie, et on table sur l'installation d'une quinzaine de nouvelles unités de production, fin 2018», indique le président de l'Association des céramistes algériens selon lequel le taux d'intégration de la production nationale est de 95%. «Nous n'importons que 5% de notre produit. Actuellement, on a pu arracher, au ministère, les fameuses licences qui nous ont permis d'éviter la fermeture de nos usines, et on est arrivé à l'élaboration d'une liste», ajoute-t-il, avant de relever que : «c'est paradoxal, c'est la première fois que le ministère nous donne une autorisation d'importer sous le régime des licences, une matière première créatrice d'emplois et de richesse». «Nous avons accepté, parce que c'était cela ou la fermeture. Nous n'avions pas le choix, on a joué le jeu et nous continuons à le jouer», a affirmé M. Bouderba, qui a annoncé que «nous allons boucler l'année avec 160 millions de m², parce nos usines ont doublé leur capacité de production, mais à la fin de l'année, on ne sait pas si ces licences seront reconduites.»

Pour le président de l'Association algérienne des céramistes, «nous sommes passés d'une période alarmante à une période d'inquiétude, car nous sommes arrivés à la fin de ces licences, et 90% de nos usines sont en fin de cycle.» Il reconnaît qu' «un pas favorable a été fait après la suppression de l'interdiction d'importation de deux matières premières par le ministre du Commerce lui-même, qui a pris une décision courageuse de retirer de la liste des produits interdits : l'engobe et la fritte. C'est un pas favorable qui a été fait, mais nous restons encore dans une petite confusion, une inquiétude en ce qui concerne les années à venir parce qu'on nous demande d'investir dans ce créneau, mais il nous faut un moratoire, du temps, notamment pour convaincre nos partenaires étrangers pour venir investir en Algérie», relève M. Bouderba, qui estime que «le gouvernement doit nous donner une vision, une stratégie claire où nous allons et avec les moyens pour régler ce problème définitivement.» «Plus on aura des gens qui investissent, plus il y aura la qualité et des produits qui ne vont pas perturber le marché.» Pour arriver à cette étape, il faut cependant «réguler les produits finis qui viennent de l'étranger, qui nous ont causé, il y a 2 ans, d'énormes problèmes, car on ne pouvait atteindre nos objectifs commerciaux», explique encore le président de l'Association, qui a indiqué que «nous sommes à 120 millions de m², et on va atteindre les 160 millions de m², à la fin de l'année avec 50 unités de production, un transfert de technologie et un équipement digne d'une industrie de céramique moderne.»

Faisant le bilan du secteur, il a rappelé qu' «aujourd'hui, nous sommes passé de 2 usines, dans les années 1990, (celles d'El Achour, à Alger et de Remchi, à Tlemcen), à 50 unités de production neuves, modernes, bien gérées, avec un bon produit. Et sur ces 160 millions de m² prévus, si on a la capacité d'en placer 10% à l'extérieur, ce sera le début d'une nouvelle expérience de la céramique algérienne, qui peut rivaliser avec celle de l'Espagne ou de l'Italie.»

Revenant, par ailleurs, sur les mesures qui ont fait que les 2 matériaux importés pour la fabrication de céramique (faïence, dalle de sol, revêtement mural, carrelage.....) soient inclus dans la liste des produits interdits d'importation, M. Bouderba a indiqué que «nous importons la matière première pour l'équivalent de 35 millions d'euros, annuellement, alors que la facture des produits importés, dans le cadre de la revente en l'état est de 71 millions d'euros. C'est cela la grande confusion», estime-t-il, avant de poser la question de savoir «comment le gouvernement, le ministère du Commerce, considèrent que 35 millions d'euros sont une grosse facture à supporter par le budget, alors que 71 millions d'euros de produits finis importés, dans le cadre de la revente en l'état, est une facture acceptable ?» «La confusion est là, la facture des produits finis est le double de ce qu'on importe comme matière première, là est le problème», a-t-il encore relevé. Le président de l'Association des céramistes algériens a, d'autre part, battu en brèche les affirmations du ministère du Commerce selon lequel la matière première locale est disponible, à bon coût et de bonne qualité, des arguments, qui ont fait que les deux intrants servant à la fabrication de produits de céramique (l'engobe et la fritte) soient inclus dans la liste des produits interdits d'importation. «La matière première que nous importons, livrée usine, revient à moins de 50 DA/kg, alors que la matière première locale nous revient plus que ce prix-là, et donc la matière première locale est plus chère que celle importée», a-t-il fait remarquer. Selon M. Bouderba, «la demande nationale, en produits de céramique, devrait être satisfaite totalement, l'année prochaine avec l'entrée en fonction de 15 nouvelles usines.» Les capacités installées actuelles du secteur sont de 160 millions de m², au 31 décembre 2017, avec 50 usines.