L'Algérien
doit-il boire l'eau du robinet ou s'abonner aux bouteilles d'eau minérale ? Les
colporteurs d'eau potable sont-ils potables du reste, solubles dans la politique
environnementale d'un pays qui ne connaît pas les arbres ? Qu'en est-il des
points d'eau stagnantes, des rivières poubelles, des
réseaux enchevêtrés, de la mer polluée et des promesses du gouvernement ? Le
résultat : on est devenu un pays à haut risque, à placer en quarantaine,
infréquentable, à quadriller avec les armées de l'Otan et d'ailleurs. Une
population à éviter, à vendre aux enchères ou à mettre aux fers, confinée de
préférence dans l'Algérie profonde.
Choléra,
peste bubonique, hbouba kahla
et tutti quanti. En veux-tu en voilà, t'as qu'à faire commande des pires fléaux
que l'humanité a connus et l'Algérie te l'offre sur un plateau d'argent avec
une ristourne pour le nouvel an hégire. Et tant que la planche à billets
tourne, traînant derrière elle une inflation, le pays peut encore se payer une
paix sociale aussi précaire que le poste d'un ministre des Sports. Au temps du
choléra, l'Algérie rame, à contre-courant, entre deux rivages, partagée entre
une schizophrénie sociale, qui croit que la Mosquée est le toit du monde, et un
autisme officiel qui pense qu'éluder les maladies du pays est un remède contre
la main étrangère. Pays de contrastes par excellence, par définition et par
intérêts contre une politique d'investissements, d'intégration et de
production, l'Algérie se noie dans un verre d'eau pollué et la ministre de
l'Environnement trouve, comme parade aux problèmes écologiques, une campagne
d'assainissement, des slogans aussi creux qu'une promesse électorale et un
ramassage de peaux de moutons dédié au département de l'Industrie. Dans cette
Algérie aliénée, où le silence est une règle de survie pour les hauts
responsables, le ministre de la Santé se permet des calculs d'épicier, pariant
sur une durée, minimaliste de l'épidémie. Trois jours, qu'il a prédit le toubib
de la République, trois jours qui sonnent juste comme une insulte à la face de
la logique scientifique. Entre-temps, on continue à mourir du choléra et
d'autres choses dans un pays où même les malades fuient les hôpitaux. L'Algérie
au temps du choléra, c'est l'histoire d'un peuple qui a failli être l'élu mais
qui s'est retrouvé, à la fin du livre, être le peuple qui a connu le choléra au
21e siècle, à l'ombre des torchères.