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Trafic de personnes: Ce que pense le département d'Etat de l'Algérie

par Yazid Alilat

L'Algérie n'a pas satisfait «pleinement» aux normes minimales en matière de lutte et d'élimination de la traite des êtres humains, dont les enfants et les migrants en situation de vulnérabilité.

C'est le constat du département d'Etat US dans son rapport de juin 2018 relatif à l'Algérie sur la traite des êtres humains dans le monde. Et, fatalement, l'Algérie reste scotchée au niveau «2 de la liste d'observation», même si elle a en 2017 évolué du niveau 3 au niveau 2.

Dans son rapport rendu public hier vendredi, le département d'Etat US estime que «le gouvernement algérien ne satisfait pas pleinement aux conditions pour l'élimination de la traite» et le trafic des êtres humains, dont les enfants et les migrants. Mais, précise qu'«il fait des efforts significatifs pour le faire». «Le gouvernement fait des efforts significatifs par un nombre accru d'enquêtes et de poursuites des trafiquants présumés en vertu de la loi anti-trafic», indique le département d'Etat, selon lequel les autorités algériennes chargées de la lutte contre le trafic de personnes ont «identifié 33 victimes». Le département d'Etat a relevé que le gouvernement algérien, outre la formation du personnel chargé de ce dossier, a «également dégagé des ressources» dans le cadre de la lutte contre le trafic de personnes et la mise en place d'un comité national directement placé sous l'autorité du Premier ministre.

Pour autant, les griefs du département d'Etat restent entiers, car il estime qu'«en dépit de ces réalisations, le gouvernement n'a signalé aucune condamnation liée au trafic de personnes», comme il n'a pas «systématiquement identifié les victimes de ces trafics parmi les populations vulnérables ou mis en place un mécanisme pour repérer et signaler les victimes potentielles au gouvernement ou aux services de protection gérés par des ONG». Les autorités algériennes «n'ont pas fourni des services de protection pour toutes les victimes de la traite», ajoute le rapport. «En raison d'un manque de procédures officielles d'identification et de dépistage, les victimes potentielles de la traite restent exposées au risque de pénalisation par le système d'application de la loi pour les actes commis en relation avec l'immigration clandestine, les viols et la prostitution», note le rapport. «Par conséquent, l'Algérie est restée dans la liste de surveillance de niveau 2 pour la deuxième année consécutive», indique le département d'Etat dans ses conclusions sur la situation du trafic de personnes dans le monde.

Dans ses recommandations, le rapport US appelle l'Algérie à mettre en œuvre «le décret présidentiel de 2016 exigeant du Comité national de lutte et de prévention contre la traite des personnes d'enquêter, poursuivre et condamner les délinquants sexuels et les trafiquants de travail forcé et de punir sévèrement les auteurs de tels actes, établir formellement des procédures d'identification proactive des victimes, renforcer la capacité de lutte contre la traite des personnes, développer des mécanismes formels pour fournir des services de protection, directement ou par le biais de partenariat avec des ONG et des organisations internationales aux victimes potentielles, dont des aides et des soins médicaux et psychosociaux, une aide juridique et de rapatriement à toutes les victimes de la traite». Il s'agit également, selon le rapport US de «veiller à ce que les victimes ne soient pas arrêtées, expulsées ou soumises à d'autres sanctions pour des actes commis en lien direct à la traite, assurer le rapatriement sûr et volontaire des victimes étrangères, et leur fournir des alternatives à leur renvoi vers leurs pays d'origine où leur vie serait en danger».

Cependant, le rapport relève que «le gouvernement a intensifié ses efforts pour enquêter et poursuivre les trafiquants», l'Algérie, indique-t-il, ayant «criminalisé la prostitution et le travail forcé et la traite des personnes». Le rapport US indique d'autre part que le gouvernement algérien n'a pas fourni «d'informations à ce jour sur les cas signalés les années précédentes, y compris le résultat de 16 poursuites qui restaient pendantes à la fin de la précédente période de déclaration».

«Comme cela a été signalé durant les cinq dernières années, l'Algérie est une destination et un pays de transit pour les migrants (hommes, femmes et enfants), et dans des cas très isolés, un pays source pour l'exploitation sexuelle des enfants et le travail forcé des adultes. Les migrants sub-sahariens, principalement du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Guinée, du Libéria et du Nigeria, sont les plus vulnérables au trafic du travail et du sexe en Algérie, principalement en raison de leur statut migratoire irrégulier, de leur pauvreté et de leurs barrières linguistiques. Les femmes non accompagnées et les femmes qui voyagent avec des enfants sont également particulièrement vulnérables à l'exploitation sexuelle et forcées au travail domestique», note le département d'Etat. De crainte d'être expulsées, «les victimes de la traite et du trafic de personnes ne le signalent pas aux autorités» algériennes, explique le rapport US qui revient, sur la base des rapports d'ONG, sur les reconduites massives aux frontières de subsahariens sans papiers.