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Donnez-nous plus de visas ! monsieur macron !

par Abdelkader Khelil*

« ? L'amour de la patrie est la force vitale d'un peuple: que ce sentiment s'affaiblisse en lui, et bientôt, comme un vieux tronc dont la sève est tarie, il se dessèche et meurt. » Cet écrit de Félix Bogaerts (1805-1851) historien, écrivain, romancier et poète belge, élu en janvier 1847 membre de l'Académie royale de Belgique, sonne comme une vérité spontanée et absolue. Qu'en est-il chez-nous ? Avons-nous fait de cet enseignement distinctif et déterminant pour le pédigrée de peuples authentiques, notre crédo? Pas si sûr!

Quelle coïncidence chronologique ! En effet cette année 1847, fût celle de la reddition conditionnée de notre Émir, trahi par les siens et encerclé sur les monts de Traras, près de Ghazaouet ! Ce n'est là, qu'une parenthèse d'ouverte et sitôt refermée, pour revenir à l'objet de cet article, en l'occurrence ; la visite du nouveau et jeune Président Français à Alger ! Entouré par les membres de sa délégation, d'officiels algériens, de nombreux gardes du corps et d'une nuée de journalistes, Emmanuel Macron a entamé à l'occasion de sa visite éclair intitulée « officiellement » visite « de travail et d'amitié », son bain de foule le 6 décembre 2017 à Alger.

Il a marché depuis la Grande Poste devenue « musée de la philatélie » jusqu'à la mythique Place Émir Abdelkader, sous les « youyous » d'une poignée de femmes portant haïks blancs immaculés à titre de « message téléphoné », juste pour rappeler par fierté l'« Alger la blanche » d'antan, l'instant d'une visite officielle fortement colorée en cette journée d'automne très ensoleillée. La capitale s'était alors parée ce jour là de ses plus beaux atours, sous le contrôle vigilant de son Wali et du Maire d'Alger Centre, ce commis de l'État dont le travail très apprécié par les algéroises et algérois lui a valu sa réélection en sa qualité d'indépendant, chose pourtant rarissime dans notre paysage politique dominé par le FLN et le RND, faut-il le préciser.

ENSEIGNEMENTS D'UN BAIN DE FOULE

L'honorable invité s'est arrêté sous l'imposante statue de notre vaillant et valeureux Émir qui fait à lui seul la fierté de tout un peuple dans notre printemps désormais sans hirondelles, en ces temps de « vaches maigres » où la dignité et la fierté nationales sont constamment bafouées. Il a répondu avec courtoisie à des questions de journalistes pour ensuite aller finir son périple à l'intérieur de la « Librairie du Tiers Monde ». Ce lieu de la Science et de la Culture, jadis très fréquentée par le corps enseignant à une époque ou l'arrondi de salaires par des cours de soutien dans des garages miteux n'était pas encore inventé, par les étudiantes et les étudiants de la « Fac » centrale, ce « Quartier latin » d'autrefois et par les intellectuels. Ils étaient toutes et tous peu nombreux et fauchés à cette époque, mais ô combien studieux, talentueux, créatifs et si proches des intérêts de leur pays. Cette librairie « bouillon de culture » jouxte le « Milk bar », là où la Moudjahida Zohra Drif-Bitat cette héroïne de la Bataille d'Alger à l'instar de bien d'autres, avait posé une bombe.

Rappelons que traitée de « terroriste » par l'intellectuel « imposteur », Bernard Henri Lévy, lui le « fantassin sioniste », lors d'un débat sur la guerre d'Algérie qu'elle a menée avec lui à Marseille, le premier avril 2012 - Non ce n'est pas un « poisson d'avril !»-, cette grande dame qui a toujours honoré l'Algérie, lui a asséné ce jour là haut et fort, quelques vérités oubliées à dessein par ce natif de Béni Saf: « Non monsieur ! Les centaines de milliers d'Algériennes et d'algériens assassinés étaient aussi innocents. Le choix ne nous a pas été laissé, c'est le seul moyen que nous avions de nous battre. Nous étions en guerre, en apartheid !»

Alors ! Oublions un instant cet épisode douloureux de notre longue histoire commune avec la France du système colonial, tout en sachant pertinemment, que si le Président Français s'est invité dans ce « temple du savoir et de la lecture », ce n'est certainement pas par pur hasard, pour l'observateur averti qui sait analyser les actes et décrypter les messages politiques. Parions que son passage dans cette librairie avait pour seul objet ; la curiosité à vouloir mesurer rapidement le degré d'attachement des Algériennes et Algériens à sa langue maternelle et le souci premier, de confirmation de la place qu'occupe la France dans notre imaginaire collectif, ne serait-ce qu'à travers les titres exposés et les œuvres de la littérature francophone. Tout cela est déduit, juste par simple regard furtif et intelligent, sur les nombreux ouvrages exposés dans cette librairie de référence, plus en français qu'en arabe, et réputée la mieux achalandée en livres de toutes sortes. Oui ! Cet homme d'État sachant ce qu'est l'intérêt suprême de son pays, a dû se faire une opinion au plus près de la réalité du terrain, des entretiens qu'il a eus avec les responsables politiques et les journalistes de la presse indépendante plus particulièrement, tout en prenant la température de la rue ?

Il s'agissait sans doute pour lui, de « tâter le pouls » d'une société qui aura inspiré toute une pléiade d'analystes de divers horizons, mais aussi, bien des centres financiers et des lobbies soucieux de préserver et de faire fructifier leurs intérêts, sans qu'elle soit correctement cernée et surtout comprise. Le voilà, maintenant instruit et renseigné sur le statut d'une population algérienne au langage « bigarré et créolisé » qui peine à promouvoir correctement ses deux langues maternelles, l'Arabe et le Tamazight, tout en utilisant la langue française, ce « butin de guerre», selon l'expression de notre grand écrivain et dramaturge, Kateb Yacine ! Mais saura-t-il en faire bon usage, lui qui se dit ami de l'Algérie, depuis qu'il a revêtu les habits d'homme politique ? Que de mobilisations pour un seul pays, suis-je tenté de dire ! Il est vrai que la géographie et l'Histoire nous ont quelque peu gâté et que la position géostratégique dont dispose notre pays, ne peut laisser indifférent et inactif ! C'est là, une reconnaissance implicite du « poids spécifique » de cette Algérie qui attise bien des curiosités, mais aussi, des convoitises et des intérêts calculés et planifiés.

Mais au-delà de cet intérêt motivé, il est à croire que les scénarii élaborés par les grands centres d'intelligence d'outre-mer prêchent tous par défaut de «réal-politik ». Les prismes déformants de leurs analystes nous perçoivent tantôt comme « département ultra marin » fantasmé par les adeptes de la nostalgie de l'Algérie coloniale, tantôt comme « marché potentiel » que la France officielle tente de préserver sans partage, sous son seul contrôle. À croire qu'elle garde toujours à l'égard de ses anciennes colonies, cette attitude dominatrice fortement ancrée dans son «ADN» colonial ! Oui ! Cela ne peut être que blessant et peu valorisant pour nous qui sommes réduits bien souvent à une entité au statut limité, à la seule fonction de consommateurs sans ambitions autres que, celles d'acheter des produits finis « Made-in » France, et sans qu'aucune valeur ajoutée ne soit dégagée pour notre économie et notre développement ! Mais à quand, seront instaurées des relations d'égal à égal, basées sur le principe du « gagnant-gagnant » et où le véritable transfert technologique après mise à niveau de notre ressource humaine sera admis et réalisé ?

Ces visions réductrices sont la négation même du rôle civilisationnel et moteur qui fût joué par notre pays aux côtés des peuples opprimés, pour la promotion d'un nouvel ordre économique mondial et dans le vaste mouvement de décolonisation que d'aucuns parmi les dirigeants actuels de la Planète, à l'image de cette « langouste américaine » de Trump, génératrice de désordre, ne lui ont jamais pardonné. Pour nous partisans d'une Algérie souveraine capable de défendre ses intérêts stratégiques, notre pays ne doit plus être cette «réserve protégée» et uniquement ce « marché captif » reliés par un cordon ombilical à son espace nourricier d'outre-mer, qu'il soit français, américain ou autre ! Elle est, et doit le rester, cet authentique « pays-continent » tirant sa personnalité de ses diversités plurielles forgées au gré d'une sédimentation et d'un brassage de notre patrimoine commun fait de cultures amazighe, arabe, africaine et méditerranéenne ; ces cultures qui ont contribué à façonner ce que fût l'Andalousie de « l'Ijtihad », celle des Sciences et des lumières, de l'Islam du juste milieu du vivre-ensemble et de la tolérance tel que vécu par nos aïeux, en bonne intelligence avec les minorités juive et chrétienne ...

C'est au carrefour de ces dimensions qu'apparaît la spécificité algérienne dans toute sa complexité et la splendeur de son identité plurielle. Il est vrai que l'analyse dans ce cas n'est pas toujours chose aisée ! C'est pourquoi, celles et ceux qui ont su garder un « SMIG dignité » sont irrités par les approches parcellaires de ceux qui tentent d'analyser notre société en la percevant sous le seul prisme de chacune de ses appartenances prises séparément, mais jamais, dans l'interdépendance de ses multiples dimensions comme pour chercher à la diviser! Ce regard extérieur forcément subjectif pour ne pas dire orienté, s'apparente à celui qu'on peut porter dans le domaine des sciences, à l'examen de la membrane cytoplasmique quand on veut étudier une cellule, en faisant abstraction du rôle majeur que peuvent jouer tout à la fois le cytoplasme, les mitochondries et les ribosomes?

Cette manière de procéder de façon séparée n'aurait certainement pas fait avancer la connaissance scientifique et permis à la biologie et à la médecine, d'enregistrer bien des progrès. De même, le regard qui s'inscrit dans des visions fortement réductrices ne peut être qu'une déformation de la réalité d'un pays qui se distingue par des attributs et des attitudes spécifiques qui élargissent le spectre du domaine de l'analyse. C'est en cela que l'Algérie gêne et dérange ! Elle contrarie les visées et calculs parce qu'imprévisible, « rebelle » et « matériau » complexe d'études? Cela fait naître bien souvent, des sentiments d'adversité et d'incompréhension chez les autres, tout en nourrissant les amalgames et en créant une atmosphère de suspicion qui ne favorise pas la coopération et le climat des affaires, dans cet état d'esprit « gagnant-gagnant » qui faut-il le déplorer, tarde à se mettre en œuvre ?

Cette Algérie là, s'analyse de façon intrinsèque et sans arrière pensée par des regards qui savent la scruter dans la profondeur de ses entrailles, à la manière d'une « échographie !» C'est donc à nous d'expliquer et de donner une lisibilité de l'image de notre pays afin de permettre aux autres de mieux nous connaître et de mieux nous respecter. Personne ne peut nier le caractère laborieux et studieux de l'Algérie des années 70! Cette Algérie fraternelle, conviviale à souhait, si proche des intérêts de son peuple était respectée dans le concert des Nations civilisées. Elle était même perçue comme « locomotive » de bien des espoirs, comme élément moteur et partenaire incontournable en Afrique et dans le Tiers-monde des pays « non alignés » !

C'est au cours de la décennie 80 que la révision, pour ne pas dire le révisionnisme et la diversion ont pris forme et que le projet de bien-être global de la société a commencé à être mis en cause et à s'éclipser. C'est à partir de là que le pacte social fut rompu, dès lors que la classe moyenne s'est appauvrie et que les élites ont été détruites ! L'édifice républicain si difficilement et si patiemment construit sur les ruines du système colonial a commencé à se lézarder, puis à s'effriter! Les liens entre les différentes strates de la société se sont fortement distendus, la cohésion sociale s'est complètement effilochée, l'individualisme outrancier a pris le dessus, la moralité et l'intégrité ont perdu de leur essence, les valeurs productives et hautement humaines se sont estompées, la rapine, la triche, l'appât du gain facile et la corruption se sont institutionnalisées, le savoir et la culture sont devenus étrangers dans la société, l'informel et l'économie « bazarie » ont assis durablement leur hégémonie dans tout l'espace de la sphère économique.

«LE VISA N'EST PAS UN PROJET DE VIE !»

C'est la réponse du Président Macron aux jeunes qui l'ont interpellé à ce sujet, et il a parfaitement raison de le dire haut et fort, sans détours et sans la réserve habituellement observée, par l'invité d'un jour ! Il y a là, de quoi avoir honte de voir cette « jeunesse hors-sol » détachée de ses racines parce que ne sachant rien de l'histoire de son pays, rééditer depuis la visite d'État de Jacques Chirac et, à chaque visite d'un Chef d'État français, l'appel humiliant de sa « complainte ». Ces cris nullement justifiés sont nourris faut-il le dire, par la compassion des familles qui veulent ainsi se dédouaner de leur responsabilité éducative non assumée, même si celle de l'État populiste « fan de la paix social », l'est plus encore ! Mais c'est quoi, ce délire ? C'est quoi cette «H'chouma» dont-ils nous couvrent ?

Ces cris de détresse chez nos jeunes en majorité mal formés, à l'éducation et à la culture médiocres, sinon inexistantes, ont été faut-il le rappeler, aussi lancés lors des visites des Présidents Chirac et Sarkozy et sa commence à en faire trop, pour notre « égo » de peuple supposé être souverain ! Si nos jeunes sont désemparés par rapport aux perspectives de leur avenir, la faute politique et morale n'incombe ni à la France, ni à un quelconque pays étranger mais à nos gouvernants qui n'ont pas su les écouter, répondre à leurs cris de détresse, à les former correctement, à les préparer, à les armer des outils adéquats pour être à la hauteur des enjeux et des défis dont ils auront à faire face. Des milliers et des milliers de jeunes ne cherchent et ne semblent trouver leur salut malheureusement, que dans le mouvement incessant pour migrer en utilisant tous les moyens vers des contrées supposées être plus clémentes et plus valorisantes du moins pensent-ils, même si cela se fait toujours au péril de leur vie et de la détresse de leurs familles irresponsables et laxistes par excès.

Mais aussi, et cela est encore plus insupportable, au prix de l'humiliation que leur font subir les services consulaires étrangers. Oui ! Comment expliquer qu'en ce jour de commémoration du 63ème anniversaire de la guerre de libération nationale, alors qu'en esprits crédules l'on attendait un geste de repentance de la France pour les méfaits commis par son système oppressif et destructeur durant plus d'un siècle d'une « grande nuit coloniale », l'Institut français a drainé devant ses portes des « cohortes juvéniles» se bousculant pour tenter l'aventure outre-mer ? Quelle image désolante que celle de ces jeunes passant la nuit dehors dans une grande file d'attente pour espérer gagner quelques mètres, s'offrant en spectacle aux regards de passants déjà stressés dans leur quotidien fait d'embouteillages, de rumeurs angoissantes et de stress déprimant ! A-t-on vu cela au Maroc ou en Tunisie ?

S'ils étaient là dans le froid à humer la dense humidité algéroise, c'est qu'ils voyaient en leur migration, un moyen de rompre avec le système d'éducation au rabais, les diplômes de l'université du « copier-coller » et du passe-droit aux concours de post-graduation. Cette « université de la massification », institution « douarisée » à l'extrême et très mal encadrée, n'arrive plus à former que des élites de « récitateurs » en mauvais bilingues sans libre arbitre ni base solidement ancrée dans l'esprit de synthèse et d'analyse tant recherché sous d'autres cieux ! Loin d'être celle des années 70 qui a participée à la construction du pays et a porté son regard et son rêve sur la profondeur stratégique de l'immensité de leur territoire, la génération de « quémandeurs de visa » sera faut-il le déplorer, incapable de le redresser et de le conduire vers le progrès et la modernité, si elle persiste à vouloir tourner le dos à son pays, juste par égoïsme de bien-être fantasmé, le plus souvent sans effort fourni, même en terre d'exil pour finir SDF et en sentinelle devant les « restos » du cœur à Paris, lorsqu'ils ne seront pas refoulés! Mais à qui incombe la faute, dans la dépréciation de la dignité de tout un peuple qu'on n'a pas su responsabiliser et porter à maturité d'éveil citoyen? Mais c'est quoi ce « sauve qui peut » annonciateur du délitement, de l'effritement, sinon de l'effondrement de la cohésion sociale nationale, ne plaise à Dieu ?

Comment peut-on accepter que la France, mais pas seulement, ce pays développé au potentiel scientifique et technique déjà très important, soit si prompte à encourager ou à « fermer l'œil » sur le processus de « siphonage » de la ressource humaine et la «substantifique moelle » des élites de l'Algérie, pays pourtant souverain, ayant payé un lourd tribut pour son émancipation nationale ? Sommes-nous retombés dans notre statut anté indépendance et redevenus par fait tacite, de compromission en compromission, un de ses départements d'Outre-mer ? Pourquoi ce « laisser-aller »? Pourquoi cette négligence? Que doit-on faire, pour représenter plus dignement notre pays, défendre nos intérêts présents et futurs, afin d'offrir un meilleur avenir possible et in situ, aux jeunes générations ? Alors ! Il va falloir se ressaisir, « retrousser ses manches », prendre des initiatives collectives, individuelles et apprivoiser ses peurs pour faire grandir le courage de bâtir ensemble, une autre Algérie plus humaine et plus solidaire. Oui ! C'est en cela que réside la solution à tous nos problèmes !

Si on en est arrivé à cette situation, c'est que jamais halte n'a été faite à l'occasion des commémorations d'évènements historiques et particulièrement celui du premier novembre, pour procéder objectivement et sans démagogie, à l'évaluation des progrès accomplis par notre société d'une année à l'autre au plan de la maîtrise des connaissances scientifiques, technologiques, ainsi que de la mesure du niveau de couverture de nos besoins essentiels et de bien-être de nos concitoyennes et concitoyens par nos propres moyens. N'est pas que c'est à cette occasion que doivent-être primés les plus méritantes et méritants de nos scientifiques, de nos cadres gestionnaires, de nos ingénieurs, de nos artistes, de nos artisans et producteurs talentueux, en hommage aux efforts qu'ils auront déployés au service de l'Algérie, afin d'instaurer dans l'esprit de nos compatriotes, la « culture du mérite », cette valeur non reconnue chez-nous et pour laquelle, ont migré nos élites vers d'autres cieux plus attractifs ? Que dire lorsqu'on sait que pour une seule discipline médicale, la psychiatrie, plus de 2.000 spécialistes exercent actuellement en France, sans compter les dizaines de milliers d'autres spécialités en médecine générale, en médecine interne, en oncologie, en radiologie, en chirurgie, en dentisterie, en diabétologie mais aussi, en management, en éducation, en recherche scientifique, en finances ?

Si les jeunes cherchent à quitter leur pays c'est parce qu'on n'a pas su optimiser et rationaliser l'utilisation de nos capacités intrinsèques et mobiliser les « énergies dormantes » en donnant à partir du sommet de la pyramide sociale, le signal tant attendu ; celui de la probité, de l'équité, de l'humilité, de la transparence, de l'intégrité et de l'honnêteté pour espérer faire tourner le pays à plein régime, pour avancer et progresser dans le sens de l'intérêt général, autrement dit, celui de la prospérité partagée. À partir de là, nos jeunes auront l'occasion de rêver leur avenir dans la dignité sans l'aléa de l'exil et sans avoir à interpeller lors de chacune de leurs visites, les Présidents Français, couvrant de honte leur pays de la sorte affaibli, en faisant profil bas et courbant l'échine, par la faute de ceux qui n'ont pas su le mener sur la rive du progrès et de la prospérité ...

Si nos décideurs et gouvernants n'ont pas su jusque là le faire, c'est qu'ils ont insuffisamment cru en les capacités et les initiatives de leur peuple, de sa jeunesse, ou négligé d'inscrire leur démarche et leurs politiques de développement dans le sens de cet objectif majeur. Cette question reste encore posée, et Macron n'y est pour rien et ne pourra rien faire pour nous, quelque soit l'engagement qu'il a pris publiquement pour faciliter l'obtention du visa, car il est impensable que toute l'Algérie puisse s'expatrier un jour ! Alors oui, l'on est en droit de dire que le préalable de la mobilisation sans exclusive de toutes les forces vives n'a pas été recherché et mis œuvre. C'est pourquoi, nous avons raté lamentablement le rendez-vous avec le progrès et le développement à rythme souhaité, selon les standards internationaux en vigueur, évalués périodiquement en classements selon différents indicateurs synthétiques et non pas, en satisfécits de kilomètres de réseaux, de volume de béton et de bitume réalisés. C'est dire que notre société est restée au milieu du gué dans un statut plus qu'inconfortable. Ses citoyennes et ses citoyens sont devenus des êtres médusés, inertes, des forces incapables de se mobiliser et de prendre des initiatives pour répondre à leurs préoccupations, même les plus basiques, tant leur avenir semble incertain et compromis, particulièrement pour cette population juvénile que rien ne semble la rattacher à son pays.

À PROPOS DES CRÂNES DE NOS RÉSISTANTS

« Je souhaite qu'on ravive la relation avec le travail mémoriel entre nos deux pays, que la restitution des crânes soit décidé, je la déciderai, je suis prêt » a déclaré le chef de l'État français ! C'est tant mieux suis-je tenté de dire, que cette question sensible en rapport à la mémoire de tout un peuple et à sa dignité dans le respect des valeurs humaines, puisse trouver enfin, un dénouement heureux à travers le rapatriement envisagé des 37crânes d'Algériens révoltés durant la deuxième moitié du XIXème siècle contre la colonisation française, qui furent entreposés depuis cette date de façon scandaleuse tels des trophées, dans des cartons numérotés au Musée de l'homme à Paris. C'est là, le résultat d'un long travail de sensibilisation mené par d'authentiques universitaires et intellectuels Algériens et Français qui ont alerté l'opinion publique, lorsque nos politiques avaient la tête ailleurs, et semblaient être peu concernés par cette question d'honneur et de dignité. En mai 2011, l'anthropologue et historien algérien Ali Farid Belkadi, auteur de l'ouvrage : « Boubaghla, le sultan à la mule grise. La résistance des Chorfas » - Édition Tala, Alger 2014 - lançait une pétition « pour le rapatriement des restes mortuaires algériens conservés dans les musées français », en particulier, les crânes de résistants algériens tués par le corps expéditionnaire français dans les années 1840 et 1850, qu'il venait de retrouver dans les réserves du Musée de l'homme au Palais Chaillot à Paris, au hasard de ses travaux de recherches.

Parmi les restes de ces crânes, secs pour la plupart, et datant du milieu du XIXème siècle, figurent notamment ceux de Med Lamjad Ben Abdelmalek, dit Chérif « Boubaghla », de Cheikh Bouziane, du chef de la révolte des Zâatcha - région de Biskra-, de Moussa El-Derkaoui et Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. De même, la tête momifiée d'Aïssa Al-Hamadi, qui fût le lieutenant du Chérif « Boubaghla », fait partie de cette découverte, ainsi que le moulage intégral de la tête de Med Ben-Allel Ben Embarek, lieutenant de l'Émir Abdelkader. « Il faut que ces restes soient rapatriés en Algérie pour recevoir une digne sépulture » ! Alors que cet appel était lancé par notre ami Belkadi, un an après le vote par le Parlement français, d'une loi exigeant la « restitution [à la Nouvelle-Zélande] de toutes les têtes maories détenues en France », sa requête n'a eu malheureusement que très peu d'écho.

En mai 2016, Brahim Senouci, fils de Chahid, Professeur à l'Université de Cergy-Pontoise à Paris, Écrivain et Chroniqueur, a lancé une pétition qui a récolté 17.000 signatures pour demander lui aussi à l'État français, de faire rapatrier en Algérie les crânes des insurgés algériens de Zâatcha, massacrés par l'armée française en 1849. Il fût relayé en juillet de la même année, par un collectif d'intellectuels, parmi lesquels : l'écrivain Didier Daeninckx, les historiens Gilles Manceron, René Gallissot, Mohammed Harbi, Pascal Blanchard, Raphaëlle Branche, Gilbert Meynier, Tramor Quemeneur, Malika Rahal, Alain Ruscio, Benjamin Stora, les universitaires Christiane Chaulet Achour, Olivier Le Cour Grandmaison, Mohamed Tayeb Achour, Aïssa Kadri, l'éditeur François Gèze, et le militant des droits de l'homme François Nadiras, avec cette fois un écho nettement plus grand. De tout cela, il faut retenir que le combat dont on s'est assuré la justesse, est toujours payant, surtout s'il est inscrit dans la permanence de la ténacité de celles et de ceux qui ont décidé de le mener, en mutualisant leurs efforts ! Alors ! Disons bravo à toutes celles et à tous ceux qui nous ont honorés par leur mobilisation déterminée, autour de cette question en rapport à la dignité de tout un peuple ! Merci ! Merci ! Merci !

*Professeur