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17 Octobre 1961 : par-delà les quais de la Seine L'histoire, l'essentiel et le contingent

par Abdelhak Benelhadj

En 2001, à la faveur du 40ème anniversaire du massacre d'Algériens le 17 Octobre 1961, une plaque commémorative a été apposée sur le pont St Michel sur décision du conseil municipal de Paris. Une décision agitée, émaillée d'incidents et de polémiques. Des éclats de voix rappelaient Alger lors de la « Journée des barricades du 13 mai ».

En 2012, F. Hollande, au nom de la République, « reconnaît avec lucidité », la « sanglante répression » tuant « des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ».

Un peu partout en France, des cérémonies semblables sont ordonnées et des places baptisées en mémoire de cette tragédie : une station de métro dès février 2007 à Gennevilliers, puis une place en octobre 2011, une place à Saint Denis un mois plus tard, une autre à Bagnolet en octobre 2010, une autre encore au Blanc-Mesnil en 2011. Ce sera le tour de Villejuif en octobre 2012. Décidée en avril, une placette du 17 octobre est inaugurée en octobre 2013 à Strasbourg, à Aubervilliers en janvier 2015...

Une cérémonie de recueillement à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961 a été organisée sur le pont Saint-Michel à Paris. L'assistance fut nombreuse et symptomatique : l'ambassadeur d'Algérie en France, Abdelkader Mesdoua, la maire de Paris, Anne Hidalgo, des élus locaux, des manifestants en 1961, des membres de familles de victimes, des historiens. S'y étaient joints des représentants d'associations et un groupe de lycéens de l'Ecole internationale algérienne de Paris, une rose dans chaque main.

Désormais, on ne s'oppose plus à l'événement. Il suffit d'en faire un non-événement. Et sous cet angle, l'absence révèle bien davantage que la présence.

Ce jour-là, sous la pluie, pas de représentants de l'Elysée, de l'Hôtel Matignon, du Palais Bourbon ou de celui du Luxembourg. L'aréopage habituel des industriels de la commémoration. Les médias français ont superbement ignoré ce mauvais souvenir. Cela rehausse d'autant la présence de la première magistrate de la capitale française.

C'est normal, on est aux abords du pont Saint-Michel, pas au Vel' d'hiv !

Le 17 octobre 1961, des Algériens manifestaient pacifiquement à Paris. Ce soir et les jours suivants on comptait des dizaines d'Algériens tués, une centaine de disparus, des centaines de blessés par les forces de police aux ordres du gouvernement français et du préfet M. Papon1. L'ancien préfet de Constantine a fait preuve de tous les talents qu'il a déployés à Bordeaux entre Armistice et Libération.

Une mémoire sélective rappellera plus tard qu'il fut accusé de «complicité pour crimes contre l'humanité» et condamné en 1998. Mais pas pour son œuvre en Algérie. Les forfaits algériens de ce fonctionnaire de la République ne furent alors rappelés que pour alourdir un dossier qui instruisait un autre procès et visait d'autres desseins? Que se serait-il advenu de ces cérémonies si M. Papon était toujours honoré par son pays ?

En cette occasion, il conviendrait de s'en tenir à l'essentiel, de se soustraire aux polémiques circonstancielles et stériles et de revenir à l'histoire qui donne à cet événement tout son sens:

1.- La France armée et bottée est entrée en Algérie en juin 1830, s'appropriant un territoire qui ne lui appartient pas, sans que personne ne l'y ait invitée. Que l'autorité qui exerçait alors son autorité et ses pouvoirs en Algérie tenait sa légitimité de la « Sublime Porte », que l'Algérie n'était pas circonscrite en sa géographie politique et formatée juridiquement, ainsi qu'on le l'observe aujourd'hui, ne change rien à l'affaire. Toute autre considération relève de jongleries rhétoriques à l'usage des flibustiers et des canailles.2

2.- « Crime contre l'humanité ».3 Le nombre des victimes algériennes, depuis cette date, jusqu'en 1962, dépasse très certainement les chiffres officiels algériens auxquels il est fait une bien injuste querelle. Il suffirait pour cela de se reporter aux très nombreuses chroniques militaires françaises ou aux mémoires innombrables de tous ceux qui portaient une plume, accompagnant les troupes lors de leurs campagnes « civilisatrices » exaltées sous la Monarchie de Juillet et la IIIème République.4

3.- Les Algériens vivaient dans leur propre pays sous le régime de la sujétion. Ils ne pouvaient décider de leur destin, ainsi que le prescrivent des droits humains formalisés à Paris près d'un demi siècle auparavant. La France occupante a fait de leur territoire une partie d'un ensemble gouverné à partir de l'étranger. Mieux : l'Algérie a servi de cadre à la francisation d'une multitude de migrants invités à s'y établir, venus de pays tiers : Malte, Italie, Espagne, Grèce? Les Algériens demeuraient des citoyens de catégorie subalterne. Chez eux !5

Les lois Blum-Violette n'avaient pu établir cette égalité (régulièrement promise et régulièrement trahie) par la République, des années trente jusqu'à de Gaulle qui proclamait en 1958 : « Il n'existe plus désormais en Algérie qu'une seule catégorie de citoyens ». Trop tard !

Devaient-ils se réjouir de ne pas avoir été exterminés, comme ont failli l'être (et d'une certaine manière, elles l'ont été) les populations originelles d'Amérique du Nord et du Sud ?

4.- L'ensemble des richesses du pays était approprié et placé sous administration et exploitation française et exporté pour l'essentiel vers la métropole.

5.- Toutes les constructions, créations, édifications, urbaines et rurales, aménagements, réalisations d'ouvrages d'art, d'institutions? l'ont été en vertu de cette occupation et non l'expression d'un don, d'un cadeau généreusement offert aux populations algériennes. Ces réalisations et leur valeur ne peuvent néanmoins être niées. C'est un fait.

L'Algérie qui a été restituée à son peuple en 1962, n'est pas celle qui lui a été arrachée en 1830. Aucun tour de passe-passe rhétorique ne pourrait masquer cette réalité évidente aux conséquences redoutables pour les échafaudages politiques hâtifs et simplificateurs. L'érection des nations ne relèvent que très partiellement des jongleries rétrospectives.

6.- La France est entrée en Algérie par la force. Elle fut contrainte de quitter ce pays par la force. Et aucune argutie évoquant la terrible violence qui s'est manifestée, sous diverses formes, en Algérie au cours de la Guerre de Libération, n'empêcheraient que la réalité soit observée à l'évidence sous cet angle. Le peuple algérien fut la principale victime de cette violence. La présence française était indésirable en Algérie non pas depuis 1954, mais dès 1830.

En ces circonstances, savoir qui a gagné ou perdu la « Guerre d'Algérie » relève de la mauvaise foi et de l'histoire mal instruite et mal digérée. Qui s'aviserait de se demander qui au juste a été l'auteur de la Libération sachant que le Général de Gaulle n'a été informé du « Jour le plus long » qu'après qu'il ait été déclenché, alors que les FFI oeuvraient sur le terrain ? Se rappelle-t-on des efforts du Général De Lattre de Tassigny pour parvenir de s'avoir à Berlin aux côtés des « Alliés » en mai 1945 pour recevoir la reddition allemande. « Et pourquoi pas la Chine ? » lâchait un britannique...

7.- Quelles qu'aient pu être leurs raisons, ou les conditions, sociales, économiques, politiques? expliquant leur engagement, toutes les personnes qui se sont placées aux côtés des forces françaises d'occupation et qui ont commis des crimes à l'égard des personnes et des biens algériens, ne sont pas les bienvenue en Algérie. Ils ont fait leurs choix. Qu'ils en tirent les conséquences. Au même titre d'ailleurs que tous les criminels de cette guerre, quelle qu'ait pu être la grâce que l'Etat français a cru devoir leur octroyer plus tard ou les confusions que leurs confessions a pu susciter. Libre à la France ? si elle y tient - de célébrer ses supplétifs et ses soldats, mais on ne peut aujourd'hui exiger de l'Algérie qu'elle reçoive dignement des généraux tortionnaires qui ne regrettent rien et se glorifient de surcroît de l'avoir été?6

Le président algérien fut dans son droit et dans sa mission à les désigner par le terme générique et didactique de « collaborateurs », identique à celui dont avaient usé les Français pour pointer les hommes qui s'étaient placés sous les ordres des occupants allemands après juin 19407. Les différences de contexte ne peuvent contourner l'essentiel. La Loi algérienne, depuis longtemps, procède que leurs enfants ne sont pas concernés par cette disposition.

De nombreux conflits meurtriers dans l'histoire s'achèvent de manière semblable. En dehors des politiciens en chambre qui peuplent les plateaux de télévision, quel homme conscient des tragédies du passé se hasarderait à des rétrospections anachroniques ? Le reste relève des péripéties de la vie politique franco-française.

8.- 99.7%. Tous ceux qui doutent de la volonté du peuple algérien de se défaire de l'occupation coloniale, devraient se souvenir que le 01 juillet 1962, il a voté «OUI» dans son écrasante majorité, à 99.7%, en faveur de l'indépendance. Ce jour-là, la présence française en Algérie n'avait plus lieu d'être. En toute rigueur, selon les règles du droit international et de la bienséance. Le 05 juillet, l'Algérie renaissait. L'Etat français et les Nations Unies en avaient pris acte.

Toute controverse truffée de sous-entendus à propos de la date de l'indépendance est vaine. Par-delà les faits, il y a l'élégance de la démonstration. Chacun son roman national. Il fut politiquement nécessaire qu'un 05 juillet effaçât un autre. La nation algérienne devait boucler sur elle-même, dans l'espace et dans le temps.

9.- Ainsi, le tribunal de l'histoire a rendu son jugement ; les djebels et les maquis en guise de prétoires. Le verdict ? Tous les hommes, les femmes et les enfants des rues et des campagnes algériennes l'ont entendu et festoyé en cet été 62. De ce fait, l'Algérie n'a plus de plainte à déposer, ni aucune rente de culpabilité à administrer, ni de ressentiment à entretenir pour «exploiter» la mémoire de ses morts. Il n'y a plus de vengeance, ni de gorges à rendre à quiconque. Si rien de doit être oublié, il n'y a rien à pardonner. La guerre est terminée.

Des Algériens en perte de repères sous les conseils de pécheurs en eaux troubles se fourvoient en de mimétiques campagnes, égarés sur de fausses pistes.

Certes, l'imaginaire industriel Hollywoodien inspire de sordides tentations. Au bout de l'«indemnisation» des cupides, il y a l'occasion offerte aux mauvaises consciences de prendre une revanche pitoyable sur l'irréversible et d'insulter l'avenir.

Mais cela n'est plus du ressort de l'Algérie. On n'a pas besoin de s'aimer pour commercer à l'avantage de tous les partis. Les illusions rationnelles de E. Kant ont cédé devant le darwinisme de Hobbes qui partout triomphe. On peut le regretter. Quand on a la charge d'un Etat, on ne peut l'enjamber, sous peine de se tromper d'époque ou de vocation. Et d'en payer le prix.

10.- A contrario, la guerre d'Algérie n'a pas été faite au nom de Dieu. En tout cas pas au nom d'un Dieu partisan inspirant une guérilla théocratique. La cause algérienne était une cause politique. Et si un Dieu devait habiter son intention, il ne pourrait s'agir que d'un Dieu universel qui ne trie pas les consciences.

Des hommes de toutes confessions, y compris ceux qui faisaient pétition de ne pas en avoir, se sont levés (et certains ont donné leur vie) pour l'indépendance algérienne et/ou pour l'honneur qu'ils se devaient à leur propre patrie embourbée et dévoyée dans un mauvais parti.

11.- Confusions domestiques. Nul ne peut nier le poids et la responsabilité de la colonisation française en Algérie. De la désorganisation territoriale aux héritages institutionnels, de la dépersonnalisation à la déstructuration de l'économie organisée autour des exportations des « produits coloniaux ». Mais il ne serait pas conforme à la vérité de lui faire porter tout ce qui advint après 1962 et surtout après 1979.

De la gabegie des années quatre vingt (qui se continue ? comme elle a commencé - à la faveur d'une embellie pétrolière fortuite) au suicide collectif d'une décennie de honte mêlant combat politique et délires eschatologiques, jusqu'à une étrange amnistie « opportune », les Algériens portent collectivement l'exclusive et unique responsabilité de ces échecs. Face aux générations futures et face à l'histoire.

Comment justifier que l'économie continue des décennies durant à dépendre des hasards de la géologie, de l'exportation de matières premières et leur cotation fluctuante sur les marchés mondiaux ? Cependant que la gangrène informelle (une délinquance que certains songent à récompenser en la légalisant selon un dévoiement libéral mal digéré qui ne trompe personne) gagne tous les rouages de l'économie, de la société et de la sphère politique. A quand, si ce n'est pas déjà le cas, un gouvernement informel ?

Depuis 1968, l'Algérie commémore la date du 17 octobre comme la Journée nationale de l'émigration. La place des Algériens expatriés a beaucoup fluctué. À l'origine pour participer aux efforts de reconstruction d'après-guerre, puis dans sur vague de la croissance dérivée des Trente Glorieuses » et du « Plan de Constantine ».

Dès la fin des années 1970 et la croissance irrésistible du chômage, on assiste à l'érection des « Murs » et au retour des xénophobies de toutes les sortes. 1995 a été pour la communauté expatriée l'occasion de montrer son attachement à son pays et aux malheurs qui le frappent.

Après un forum exceptionnel organisé à Alger qui réunit alors les représentants des Algériens venus de presque tous les horizons de la planète, président L. Zeroual eut l'initiative de donner un cadre institutionnel spécifiquement consacré à la communauté algérienne à l'étranger, avec la création d'un secrétariat idoine. Des députés furent élus pour la représenter à l'Assemblée Nationale et dans diverses institutions tel le Conseil Economique et Social.

Très vite hélas, toutes ces avancées furent soit détournées, soit complètement démantelées. Et cela commence par la disparition subreptice du secrétariat d'Etat. Un artéfact sans lendemains.

Il reste aujourd'hui une communauté oubliée, plus de 10% de la population algérienne, et les cyniques se complaisent dans les lieux communs, aussi naïfs que transparents : la binationalité présenterait l'avantage de soustraire l'Etat algérien de ses obligations, en dehors du train-train l'administratif consulaire habituel.

De plus, l'ostracisme en lequel cette population est confinée par les autorités françaises fabriquerait de l'algérianité à peu de frais et (qui sait ?), à défaut d'être « complètement français », les Algériens en Europe - dont beaucoup ne parlent pas arabe et n'ont jamais vu leur pays - conserveraient au pays de leurs parents une inclination qui pourrait servir de levier à une diplomatie dont les compétences sont plus que discutables. Rien à voir avec celles en oeuvre dans les premières décennies de l'indépendance. Non parce qu'elles sortaient des Grandes Ecoles, mais parce qu'elles avaient une expérience rude de l'adversité et étaient habitées par une mission, non par un souci de carrière. Ainsi les braises engendrent des cendres.

Toutefois, que des Algériens déçus par leurs gouvernants soient tentés de troquer la lutte politique contre la quête d'une improbable ascendance française qui leur donnerait accès à une illusoire fortune par-delà les murs que l'Europe édifie à leur intention, n'autorise personne à en déduire une révision déraisonnable des faits historiques. Aucune mémoire meurtrie ne peut prendre appui sur de ce type d'arguments fallacieux. Au reste, les Algériens n'ont aucune de patrie de rechange. Certes, il y a les courants d'air qui se bercent de citoyenneté universelle...

Si elle prétend à raison à la réfutabilité, l'histoire des hommes n'est pas une science exacte. Il y a une part qui relève des faits contrôlables et une part qui relève d'utopie et de mythe nécessaires à la constitution d'une identité et d'un « lien » qui n'est pas réductible à un procès de connaissance positive. La transfiguration et la sublimation des faits ne porte pas préjudice à la vérité historique. L'honnêteté intellectuelle et politique exige seulement l'explicitation honnête des prémisses pour ne pas confondre les registres et leurs cahiers des charges.

Mais si le naufrage des années 1990 est le produit de divagations domestiques, il ne saurait créditer a posteriori des supposés « bienfaits de la colonisation ». Les troubles algériens récents ne peuvent servir de prétexte aux revanchards qui votent des lois scélérates et subreptices pour faire obstacle à une politique nécessaire et inévitable de bon voisinage. Nécessaire pour une prospérité commune, nécessaire pour une sécurité commune.

Toutes les nations ont connu ces tératologies dont l'histoire de France ne fut pas épargnée : de la Saint Barthélemy à l'«épuration» en 1945, en passant par les «années de terreur» post-révolutionnaires et les campagnes napoléoniennes dont le continent dévasté se souvient, Borodino, la Bérézina, Marengo, Eckmühl, l'Andalousie, la Galice, les Asturies (1808-1814)? immortalisé par le tableau de Francisco Goya, Tres de mayo. Alors que l'Empereur repose paisiblement aux Invalides où régulièrement et solennellement la République étale ses hommages.

L'histoire de l'Europe est peuplée de fantômes, à l'ombre des Lumières. Chacun son jardin des monstres, comme l'écrivait Octave Mirbeau.

La France «Eternelle» ne saurait trouver avantage ni crédit aux malheurs algériens, attisés de l'étranger, comme on l'a vu en Irak, en Libye et aujourd'hui en Syrie, au Sahel, en Afrique, en Amérique Latine? sous des prétextes fallacieux d'insécurité que représenteraient ces régimes pour leurs peuples ou leur voisinage.

Et l'amitié ne peut se concevoir avec une main ouverte sur la paix et une autre sourdant l'offense, aussi disposées soit-elle à reconnaître ce que l'humanité a perdu en Algérie depuis 1830. Il faudra bien un jour habiter une histoire commune. Précisément parce qu'elle fut tragique.

Depuis la fin du conflit Est-Ouest, un monde plus instable et plus dangereux. Sous le signe du « printemps », toute la Méditerranée méridionale et orientale est emportée, avec le Sahel, vers de nouvelles conflagrations mortifères.

L'accumulation de forces armées ne résout aucun problème, creuse de nouveaux gouffres, arase les Etats et ouvrent l'horizon sur des conflits à l'infini.

La Méditerranée Occidentale connaît des problèmes spécifiques et appelle à des relations tout aussi spécifiques, fondées sur une expérience historique et une géographie partagée depuis l'antiquité.

L'Algérie et la France ont forgé des liens particuliers qui pourraient servir de colonne vertébrale à un forum salutaire, permettant de faire face aux défis de ce temps pour esquisser des projets dans de nouveaux systèmes de coordonnées: favoriser une véritable et profitable intégration régionale, soustraire l'espace méditerranéen aux nouvelles perturbations venant d'un paysage international en mutation, tout en consolidant les relations inévitables que le Maghreb et l'Europe entretiennent avec l'Afrique saharienne.

Quel autre dessein honorable pourrait servir une écriture sereine de l'histoire ?

Notes :

1- Pour les « détails » de cette triste affaire on peut lire le compte rendu circonstancié qu'en a dressé Jean-Luc Einaudi, décédé en mars 2014, dans « La bataille de Paris. 17 octobre 1961. » 1999, 329 p.

2- Lire Pierre Péan (2004) : Main basse sur Alger. Enquête sur un pillage. Juillet 1830. Plon, 285 p.

3- « La colonisation fait partie de l'histoire française. C'est un crime contre l'humanité, c'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ». Emmanuel Macron, L. 13 février 2017. Que ces propos aient été ou non des slogans de campagne teintée d'opportunisme pour un candidat hétérodoxe n'enlève rien au courage de leur auteur. Qu'un ministre béotien et inconsistant en fasse ipso facto un « ami de l'Algérie »?

4- Lire la rétrospection, de Olivier Le Cour Grandmaison (2005) : Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l'Etat colonial. Fayard, Paris, 362 p. Et une anti-biographie exemplaire sous la plume de François Maspero : (1993) : L'honneur de Saint-Arnaud. Plon, 438 p.

5- La référence au sénatus-consulte du 14 juillet 1865 stipulant «L'indigène musulman est français. Néanmoins, il continuera à être régi par la loi musulmane, il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits et des devoirs de citoyen français et, dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France» est une aimable plaisanterie, en ce qu'elle fait mine d'ignorer les poids démographiques respectifs qui impliquent des rapports de force politiques et économiques qui auraient été inacceptables si les Algériens pouvaient devenir si facilement français? Au reste, que serait la France aujourd'hui si l'Algérie, avec ses 40 millions d'habitants, était restée française ? Cf. Olivier Le Cour Grandmaison (2010) : De l'indigénat. Anatomie d'un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l'Empire français. La Découverte, Zone, Paris, 193 p.

6- Cf. Feu Général Paul Aussaresses (2001) : Services spéciaux. Algérie, 1955-1957. Paris, Perrin, 197 p.

Et (2008) : Je n'ai pas tout dit. Ultimes révélations au service de la France. Entretiens avec Jean-Charles Deniau. Ed. du Rocher. 296 p.

7- Expression utilisée par le président algérien lors de son « voyage au bout de la nuit », à Verdun le 16 juin 2000.