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Les blanchisseuses du Makhzen

par Mahdi Boukhalfa

Voilà, le Maroc vient de provoquer une «énième» crise diplomatique avec l'Algérie. A croire que ce pays ne vit que par et pour offenser son voisin. Les déclarations vendredi du chef de la diplomatie algérienne à propos des réseaux financiers marocains de blanchiment de l'argent de la drogue, connus et enregistrés par tous les services de renseignements occidentaux, ont provoqué à Rabat, semble-t-il à l'allure où vont les événements, une sorte de «crime de lèse-majesté».

La diplomatie locale et, plus haut, le Makhzen n'ont pas apprécié les vérités algériennes, à savoir que ce pays inonde l'Afrique de stupéfiants et utilise les banques africaines comme des blanchisseuses de l'argent de la drogue. Ce sont là des vérités de chefs d'Etat africains. C'est comme une sorte de chantage par l'argent de la drogue qui est investi dans des secteurs rentables en Afrique, les services (banques, télécoms, distribution). Est-il nécessaire de ruer dans les brancards quand le pays tout entier croule sous les dettes et que l'argent de la drogue, pis, la culture du cannabis est de plus en plus débattue au Parlement pour sa légalisation ?

En voulant provoquer une «énième» crise diplomatique avec l'Algérie en rappelant son ambassadeur pour «consultation», le Maroc n'est pas en position de force, ni dans un combat politique légitime et juste avec son voisin. Car il suffit de rappeler les nombreuses fois qu'Alger a dû supporter les errements de la diplomatie marocaine, sinon les attaques directes contre les symboles de l'Etat algérien. Il est inutile ici de rappeler les scandaleuses déclarations de l'ex-patron de l'Istiqlal, un des plus vieux partis marocains, Hamid Chabat lorsqu'il avait déclaré qu'une partie du Sud-Ouest algérien avait été confisquée par l'Algérie, ni l'attaque du consulat algérien de Casablanca et la profanation de l'emblème national par des nervis du Makhzen, sous une protection policière. Il s'agissait de véritables attaques contre les symboles de la Nation algérienne, et pourtant la diplomatie algérienne a été à la hauteur en considérant ces incidents comme des non-événements, ne pouvant altérer les relations entre les deux pays.

En fait, les sautes d'humeur récurrentes du Makhzen contre l'Algérie sont devenues de plus en plus directes, ce qui démontre aux plus pessimistes que le Maroc, après être entré de force au sein de l'Union africaine, tente maintenant de déstabiliser l'organisation de l'intérieur. Comme cette exigence dictée à la Côte d'Ivoire, qui doit abriter le prochain sommet Europe-Afrique, de ne pas inviter un pays membre de l'UA, la RASD. Il s'agit, dans cette crise diplomatique créée de toutes pièces par le Maroc, d'une mauvaise comédie dommageable non seulement pour le développement du Maghreb, bloqué, mais pour toute l'Afrique. Sinon, il est patent de relever que les propos du ministre des Affaires étrangères algérien, aussi «gravissimes» soient-ils, expriment autrement une profonde exaspération de l'Algérie face au trafic de drogue dans la région, les tentatives du Makhzen d'inonder de drogues autant l'Algérie que l'Afrique par le chantage financier. Autrement, si la situation n'était pas aussi grave et dangereuse, le ministre algérien ne serait pas monté au créneau pour se faire le porte-parole de pays africains, excédés de voir et de subir le trafic de drogue orchestré par le Maroc en Afrique de l'Est notamment sous couvert de financement de projets en Afrique et pilotés par des banques africaines.