Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Assassinat d'Ali Tounsi: La peine capitale requise contre Oultache

par M. Aziza

Le procureur général a requis la peine de mort contre Chouaïb Oultache, en l'accusant d'avoir assassiné avec préméditation l'ancien directeur de la Sûreté nationale Ali Tounsi, et poursuivi pour port d'arme sans autorisation préalable des autorités.

Le procureur de la République a qualifié l'affaire de «très grave» étant donné que le crime a eu lieu au sein de la DGSN et au bureau même du DG de la Sûreté nationale. Il a affirmé devant l'assistance que le mis en cause a voulu semer le doute en essayant d'impliquer d'autres personnes dans cette affaire. Mais, pour le procureur, «la lettre personnelle qui lui a été adressée par le Ali Tounsi est une preuve tangible contre lui».

Le procureur a ainsi dévoilé le contenu de «la lettre personnelle d'Ali Tounsi adressée à Oultache en la lisant : «Mon cher Ami, je te sollicite pour m'affirmer ou m'infirmer, si le contrat des projets de modernisation de la DGSN a été confié à ton gendre, et avec des prix exorbitants, mais j'espère que le contractuel ne soit pas ton gendre». Sachant, précise le procureur général, que cette lettre a été envoyée directement à Oultache sans passer par l'inspection générale.

Le ministère public a affirmé qu'Oultache, avant la réunion programmée le jour du crime, était sollicité pour fournir des explications sur le dysfonctionnement des moyens de transmission et sur la modernisation des réseaux de communication et surtout sur le cryptage du système informatique. Et de mentionner que «le président de la République avait débloqué 22 millions d'euros pour la modernisation du réseau informatique en 2007, mais trois ans après, le projet n'a pas été finalisé. Cette enveloppe a été réorientée vers les services de la gendarmerie qui ont vite réalisé le projet en question. Ce qui a poussé a priori le DGSN à demander des comptes à Oultache, étant donné que c'est lui qui était chargé des projets de modernisation». Pour le procureur, ces données sont la cause du conflit entre Oultache et Ali Tounsi. Il a également évoqué l'affaire IBM/DGSN.

Le procureur général a affirmé devant le juge et l'assistance que le mis en cause avait plusieurs versions à travers différentes auditions. Il avait évoqué qu'il a tiré deux balles, puis quatre balles, une balle dans l'air et une autre au bras. Une autre balle dans le thorax. Alors que le médecin légiste a bel et bien précisé que la victime a reçu deux balles dans la tête.

Les explications du médecin légiste

Très sollicité par la défense, le médecin légiste Belhadj Rachid a affirmé devant le juge et la défense que la victime a été atteinte de deux balles à la tête. Et d'expliquer dans les détails, la première balle a touché la zone temporelle près de l'oreille droite. Puis, précise-t-il, un deuxième projectible a atteint la victime à la tête. Pour le médecin légiste, la deuxième balle a été fatale pour la victime, car elle produit ce qu'on appelle «un blast». Le fait de tirer sur quelqu'un allongé sur le sol sur la tête, ceci entraîne l'éclatement du crâne, «c'est ce qui s'est produit malheureusement». Le témoignage du médecin légiste a ému la femme d'Ali Tounsi présente dans la salle d'audience, qui n'a pas cessé de pleurer en entendant les témoignages des uns et des autres.

Belhadj Rachid a complètement démenti l'existence de blessures par balles sur le corps de la victime mis à part à la tête. Il a également affirmé que les vêtements étaient intacts sans aucun trou de balles.

La défense a pressé le médecin légiste comme un citron en lui posant des questions et en demandant des précisions sur le nombre des balles tirées, sur la trajectoire des balles, sur l'heure exacte de la mort d'Ali Tounsi. Elle lui a demandé est-ce qu'il est a eu une procuration de la part du procureur pour le constat de décès et l'autopsie. Il répond : «Je l'ai eu verbalement». Il enchaîne : «J'ai 20 ans dans cette spécialité, on a eu déjà l'accord verbalement quand on traite des affaires dangereuses, on a beaucoup appris lors de la décennie noire, pour vous dire que je sais ce que suis en train de dire».

Où est le rapport des Renseignements généraux ?

Le colonel Belabes qui s'est constitué partie civile pour défendre l'ex-chef de la sûreté de la wilaya d'Alger, Abd Rabou Abdelmoumen, blessé à l'épaule par Oultache a regretté l'absence du rapport du directeur des Renseignements généraux dans cette affaire. Il a affirmé devant le juge que le directeur des Renseignements généraux n'a même pas été auditionné, ni même appelé pour témoigner. Pourtant, affirme-t-il, sa mission consiste à rassembler les renseignements. Pour lui, «seuls les Renseignements pouvaient nous éclairer si cette affaire est circonscrite au niveau de la DGSN». Autrement dit, les Renseignements généraux devaient présenter des informations et des renseignements sur l'affaire et sur les relations entre Oultache et Ali Tounsi.

La partie civile a regretté le fait également que toutes les questions notamment de la défense de Chouaïb Oultache se sont focalisées sur la trajectoire des balles tirées en oubliant ou en négligeant l'élément clé de cette affaire, «l'article paru dans la presse faisant état de malversations et de corruption dans le projet de modernisation de la DGSN». Et de préciser : «Le problème réside dans l'article qui a été traduit en français à la demande du chef de cabinet d'Ali Tounsi, et ce avant que Oultache accède au bureau du DGSN.» La partie civile a accusé Chouaïb Oultache d'avoir voulu tuer Abdelmoumen Abd Rabou, parce qu'il était en conflit avec lui sur des défaillances dans les projets relatifs à la modernisation de la DGSN.

Absence de culture du témoignage

Une cinquantaine de témoins, éléments de la DGSN, médecin légiste, expert en balistique ont été auditionnés dans cette affaire, mais en l'absence de trois témoins jugés importants par la défense. Ils ont cité entre autres le directeur du journal Ennahar, Anis Rahmani et le chef cabinet de Ali Tounsi, Soubhane Zerouk.

Me Fatma Zohra Chenaïf, avocate de la famille Ali Tounsi, a regretté pour sa part l'absence du témoignage de l'ancien ministre de l'Intérieur Nourreddine Yazid Zerhouni, qui a déjà exprimé sa disposition à témoigner dans cette affaire. Elle est revenue sur l'absence de Anis Rahmani en tant que témoin dans ce procès. Et d'affirmer qu'on a voulu savoir ne serait-ce qu'auprès du juge instructeur des sources de son information sur Oultache. Il s'est contenté d'affirmer qu'il avait reçu un appel anonyme à ce sujet. Pour Me Chenaïf, «certains ont peur de témoigner».