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Droits d'auteurs: Des actions en référé contre les TV privées

par Mahdi Boukhalfa

Moins de 24 heures après la sortie de M. Abdelmalek Sellal sur les chaines de télévisions privées, appelées à se conformer à la loi sous peine de fermeture, c'est le directeur général de l'Office national des droits d'auteur et droits voisins (ONDA), Samy Bencheikh el Hocine, d'annoncer que l'Office va saisir la justice dès dimanche prochain pour faire le ménage dans l'audiovisuel privé. « La justice sera saisie en référé, nous engagerons les actions nécessaires devant les tribunaux, car jusque-là on a adopté des démarches consensuelles pour rappeler leurs engagements à ces TV», a-t-il indiqué dans une déclaration à la radio chaîne 3. Il ajoute que « nous ne pouvons plus continuer à tolérer l'exploitation d'œuvres littéraires et artistiques par ces chaines sans autorisation des ayants droit» et qu' « on ne peut plus continuer, car les droits s'amoncellent d'année en année ; on gère plus de 17.000 œuvres dont ces tv ne versent pas les droits d'auteur ».

M. Samy Bencheikh estime que le manque à gagner du fait du piratage et de l'exploitation des œuvres artistiques par ces chaînes TV privées non agréées est d'environ de deux milliards de dinars par an, soit 200 milliards de centimes, soit également « 800 millions de DA de perte et préjudice aux familles d'auteurs et artistes algériens ». Selon le directeur de l'ONDA, seules deux chaînes TV ont un accord d'exploitation signé avec l'ONDA, Ennahar et les deux chaines Dzair News et Dzair tv, « le reste des TV privées sont passibles des sanctions prévues par la loi ». Ces chaînes TV privées ont reçu à plusieurs reprises des correspondances de l'ONDA, puis des mises en demeure pour se conformer à la loi et payer les droits d'auteur et droits voisins. « Nous avons des copies de mise en demeure adressées aux intéressés et aujourd'hui on va recourir a la loi pour suspendre immédiatement ces émissions », a-t-il affirmé.

Même s'il admet que la réaction est venue un peu tard à la situation qui prévaut depuis plusieurs années -depuis, en fait, l'émergence de ces chaînes TV- il a indiqué que « c'est vrai qu'on a laissé faire, car chez nous on adopte une démarche d'investigation de clients. Je dis cela car je sais qu'il y aura des redevances à collecter et à redistribuer aux auteurs. (Mais), aujourd'hui, je ne peux plus perdre de temps pour toucher les intérêts des ayants droit qui nous ont mandaté pour la défense de leurs droits ». Pour le DG de l'ONDA, ces chaines de TV privées exploitent des œuvres culturelles en totale contradiction avec les lois algériennes, à savoir l'autorisation d'exploitation de l'ONDA, qui a envoyé plusieurs mises en demeure, des huissiers de justice.

Le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait annoncé lundi qu'il va charger le ministre de la Communication « d'organiser et d'assainir en urgence » la situation des chaines TV privées. Il a indiqué notamment que sur les 60 TV privées de droit étranger qui activent en Algérie, seulement cinq sont agréées. Si ces chaînes ne satisfont pas au cahier des charges, elles seront interdites. Pour l'heure, le conseil de régulation de l'audiovisuel qui doit veiller au respect du cahier des charges n'a pas été installé, et donc c'est le ministère qui doit prendre en charge cette tâche.

Piratage de CD

Par ailleurs, il a estimé que le coût du piratage en Algérie «est énorme», et «s'est redéployé de manière immatérielle, car aujourd'hui c'est à partir d'un click qu'on peut télécharger des œuvres. C'est un danger que dénoncent toutes les sociétés d'auteurs dans le monde», a-t-il dit. Quant aux versements des droits aux auteurs et artistes, le DG de l'ONDA a indiqué que le montant a été « multiplié par 6 grâce à la redevance pour copie privée (sur les importations de CD, flash-disk, graveurs et autres matériels informatiques), et ce sont deux milliards de dinars utilisés comme bonification pour compenser tous les préjudices subis par les artistes à travers le piratage », a expliqué M. Samy Bencheikh. Pour autant, il a annoncé que le dispositif de lutte contre le piratage sera revu, car « devenu obsolète ». « L'Algérie dispose d'un dispositif législatif qui demande à être actualisé en raison de son adhésion à un certain nombre d'instruments commerciaux », a-t-il souligné, estimant que « ce dispositif va être revu pour raffermir les sanctions par rapport aux atteintes aux droits d'auteur et droits voisins, pour revoir le niveau des sanctions, car ceux du moment sont ridicules : 10.000 DA à payer par le piratage de CD ». Donc, le DG de l'ONDA affirme qu'il faut « revoir les peines et les sanctions. Nous allons faire ce qui se fait dans le monde, car aujourd'hui le dispositif actuel ne répond plus à la réalité et il faut le revoir à la hausse ».

Le taux de piratage en Algérie était de 85% en 2013, selon un rapport publié en 2014 par Business Software Alliance (BSA), tous logiciels confondus. Ce taux a enregistré une hausse de 1% par rapport à 2011 et 2009.

Presque toutes les administrations publiques utilisent des logiciels d'exploitation piratés, selon BSA et des bureaux de représentation des matériels software.