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Face à la menace de l'EI : Alger suspend les liaisons aériennes avec la Libye

par Yazid Alilat

L'Algérie a verrouillé un peu plus son dispositif sécuritaire contre la menace terroriste, en particulier le recrutement par l'Etat islamique de jeunes djihadistes se rendant en Libye, par la suspension, à partir de ce vendredi, de la liaison aérienne avec la Libye. Après la fermeture de fait de la frontière terrestre, et le contrôle strict des mouvements d'étrangers dans ces zones du Sud, l'accès par voie aérienne en Libye a été à son tour suspendu par l'Algérie. Un communiqué laconique du ministère des Transports rendu public mardi indique en effet que «l'aviation civile algérienne a décidé de suspendre la liaison aérienne Alger-Tripoli à partir de vendredi prochain.» Le communiqué du ministère ajoute qu'»après avoir informé les autorités libyennes et la compagnie Libyan Airlines, l'aviation civile algérienne a décidé de suspendre la liaison aérienne Alger-Tripoli à compter du vendredi 29 janvier 2016, et ce jusqu'à nouvel ordre.» En fait, cette décision était prévisible au vu des derniers événements de cette semaine, au cours de laquelle l'Algérie avait officiellement saisi les autorités marocaines sur un intrigant afflux de ressortissants de ce pays vers la Libye, via l'Algérie.

Lundi, c'est un haut fonctionnaire libyen qui s'est déplacé à Alger pour discuter de cette question, en particulier l'afflux de jeunes vers la Libye, où l'Etat islamique (Daech) est devenu une menace pour la paix et la sécurité en Libye, sinon hypothèque les chances de formation d'un gouvernement d'Union qui ouvrirait la voie vers la normalisation de la situation. En tout cas, le danger est là, et les autorités algériennes ont déjà mis en place les mesures sécuritaires adéquates. Lundi soir, le président du Conseil présidentiel de Libye, Faiz Serradj, avait achevé à Alger une courte visite de travail d'une journée au cours de laquelle il s'est entretenu avec le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Si dans ses déclarations à la presse, M. Serradj a parlé de «l'approfondissement et du développement des relations, privilégiées, entre l'Algérie et la Libye, unies par des dénominateurs communs», il est évident que le but de sa présence à Alger était tout autre. Il aurait avec les autorités algériennes mis au point un plan de lutte et de dissuasion contre l'afflux de jeunes, notamment du Maroc, vers la Libye, devenu un «centre recruteur» de djihadistes de l'EI, qui les expédie ensuite en formation en Syrie et en Irak. L'Algérie a en même temps prévenu les autorités de transition en Libye sur cette menace.

Dans les faits, cette frontière est étroitement surveillée après les dernières déclarations d'Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes.

Samedi dernier, après avoir reçu l'ambassadeur du Maroc à Alger, il a indiqué à la presse que les autorités algériennes ont décidé de rapatrier vers leur pays d'origine les ressortissants marocains ne disposant pas de «justificatifs motivant leur déplacement en Libye». Cette décision a été motivée par un «flux inhabituel» de Marocains à destination de la Libye. M. Messahel a informé le diplomate marocain de cette décision. «La question du flux massif et inhabituel de ressortissants marocains en provenance de Casablanca à destination de la Libye à travers l'Algérie, constaté ces dernières semaines, a été portée à la connaissance de l'ambassadeur du Maroc», indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères, selon lequel «ce flux important en temps d'instabilité en Libye a poussé les autorités algériennes à prendre des mesures dont elle a informé ses homologues marocains.» M. Messahel a ainsi souligné que «le contexte sécuritaire actuel particulièrement sensible impose la plus grande vigilance», ajoutant que ce contexte «exige le renforcement de la coopération entre les pays de la sous-région, à l'instar de celle existant entre l'Algérie et la Tunisie en matière notamment de rapatriement de leurs ressortissants respectifs». Selon des sources sécuritaires citées par la presse algérienne, les autorités algériennes ont déjà pris un certain nombre de mesures afin de mettre en échec les plans d'extension de Daech dans la région, avec un contrôle strict des identités des citoyens des pays arabes, et subsahariens qui circulent par route en Algérie, ainsi qu'une vérification du départ effectif des étrangers entrés au pays. Les ressortissants marocains font partie de ces «voyageurs», mais également des Syriens, des Mauritaniens, qui tentent de se faufiler vers la Libye à partir de la wilaya d'Illizi.

Dans le lot de ces voyageurs, il y a également des Subsahariens et des Asiatiques, selon des sources sécuritaires. La frontière algéro-libyenne est formellement fermée, depuis la fermeture de l'ambassade d'Algérie à Tripoli en 2014. Ce qui préoccupe au plus haut point les autorités algériennes, c'est bien la disparition dans la nature de dizaines de ressortissants étrangers. La convocation de l'ambassadeur du Maroc à Alger obéit au protocole diplomatique, mais également pour prévenir toute mauvaise lecture politique des autorités de ce pays, toujours promptes à «dénoncer le voisin de l'Est». Les attentats terroristes en France et en Tunisie, dont certains exécutés par des Marocains d'origine, seraient derrière ces nouvelles mesures de sécurité décidées par les autorités algériennes, dont la suspension du trafic aérien civil avec la Libye.