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Promotion immobilière privée : Vers la chute des prix du m²

par Moncef Wafi

Se dirige-t-on vers l'effondrement des prix dans le marché de l'immobilier privé tant il est vrai qu'il semble gagné par la déprime depuis presque une année ? A lire l'enquête de l'APS, l'ensemble des professionnels du secteur s'accorde à dire que la sphère immobilière privée est touchée de plein fouet par un faisceau de paramètres qui a une incidence directe sur les prix. Ainsi, sous l'effet conjugué des offres étatiques, à travers les programmes publics de l'habitat, et d'une mercuriale du toit excessivement élevée, définie par les promoteurs privés et les premiers effets psychologiques de la crise économique, l'offre devra connaître un début de ralentissement par le truchement de formules incitatives et à meilleur prix proposées aussi bien par les propriétaires que par les promoteurs immobiliers.

La promotion immobilière privée qui connaît son heure de gloire depuis une dizaine d'années, pratiquant des prix prohibitifs au m² jusqu'à ce qu'un appartement à Alger soit plus cher qu'à Paris ou dans une autre grande capitale mondiale, vit actuellement l'effet boomerang d'une politique offensive à tout va. Les immeubles cossus, les tours et les promotions immobilières grand standing ont poussé comme des champignons dans les grandes villes algériennes et le dernier appartement est cédé, quel que soit le quartier, 13 millions de centimes le m² en moyenne pouvant aller à 20, voire davantage. Même si la plupart des acquéreurs passent par la case banque et son taux bonifié, les offres étaient loin de répondre à la réalité de la demande. Une réalité confortée par les différents programmes publics de réalisation de logements (AADL, LPP, LSP...) qui ont commencé à dégonfler la bulle spéculative de l'immobilier. L'ancien président de l'Union nationale des promoteurs immobiliers (UNPI), Larbi Chemmam, dira à l'APS que ces programmes «ont eu un impact certain sur l'activité des promoteurs immobiliers privés en les poussant à réduire leur cadence». L'incidence première est la réduction des prix qui va en s'intensifiant si on croit le président de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), Abdelhakim Aouidat, qui estime que depuis le début de cette année, les prix du logement ont baissé de 10%, et si la situation se poursuit au même rythme, cette baisse pourrait être de l'ordre de 30 à 40% d'ici seulement à quelques mois.

Une baisse qui ne serait qu'un retour à la normale puisque les prix ont atteint des seuils exagérément élevés, provoquant ainsi l'effondrement de la demande, explique-t-il. Un réajustement naturel d'un marché pris à la gorge par la spéculation non sur le bâti mais sur l'assiette foncière et qui contrôle jusqu'à 80% de ce même marché. Pour M. Aouidat, un logement coûte actuellement, en moyenne, cinq fois plus que sa vraie valeur. Si dans la plupart des pays du monde, poursuit-il, le prix du terrain représente 30% de la valeur du bâti, en Algérie, le terrain coûte jusqu'à 10 fois le prix du bâti à cause de la spéculation. Le marché est aussi assujetti aux mêmes paramètres qui l'ont boosté auparavant puisque l'explosion des prix de l'immobilier dans les grandes villes est étroitement liée à l'ouverture de l'économie du pays et l'implantation de nombreuses sociétés étrangères en Algérie poussant de nombreux propriétaires à louer ou à vendre des locaux au prix fort.

Et ce qui devait arriver arriva avec «un véritable effet de contagion», précisent nombre de ces professionnels du secteur. En 2008, et avec la crise économique qui a touché l'Europe, on a assisté à un recul dans la présence étrangère dans le pays induisant une réduction dans les investissements et la demande sur les locaux. Le ralentissement du marché de la promotion immobilière privée est également expliqué par la crainte de lendemains incertains dus à la chute des prix du pétrole ainsi qu'à l'obligation de paiement par chèque concernant toute transaction immobilière.

Par ailleurs, et face à la cherté des logements, de plus en plus de gens se rabattent sur la location qui connaît ainsi une forte demande. Une tendance qui devra pousser nombre de promoteurs immobiliers à proposer leurs logements à la location plutôt qu'à la vente, une formule à même de concurrencer les programmes de logements publics.