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La vente de charbon attire de plus en plus de jeunes : Entre déforestation et importation? «un filon» qui suscite des interrogations

par J. Boukraâ

Chaque année en cette période de l'Aïd El-Adha les Algériens consomment des milliers de tonnes de charbon de bois. Mais d'où vient le charbon de bois des barbecues ? Voilà une question que rares sont les consommateurs qui se la posent. Et pourtant, entre production locale, importations et tricherie, la filière suscite de nombreuses questions. En effet, derrière les noirs cailloux, on ne pense pas souvent à imaginer la forêt. Questionnés, quelques vendeurs de charbon installés depuis près d'une semaine près du marché populaire de Petit Lac sont unanimes pour déclarer que le charbon utilisé très majoritairement pour les barbecues des particuliers durant la fête de l'Aïd vient de nos forêts. « Je m'approvisionne chaque deux ou trois jours chez des fournisseurs installés dans la périphérie, en particulier, Sidi-Chahmi (Chteibo), Sidi El-Bachir et quelques-uns dans la commune de Boutlélis », dira un jeune vendeur. Questionné sur l'origine et la provenance du charbon il dira qu'il « ne prête pas attention à ce détail. Sa provenance je m'en fous, l'essentiel c'est ce qu'il rapporte». L'important pour lui est d'écouler la plus grande quantité possible avant l'Aïd. Son gagne-pain. Alors que pour Mohamed, un ancien dans ce métier occasionnel, « ce combustible est extrait dans plusieurs régions du pays. Il a une origine végétale.

Des branches d'arbres dont l'eucalyptus, enfouies sous terre, peuvent se transformer en charbon après un cuisage de quelques jours». Toujours, selon Mohamed, la majorité du charbon à bois qui se vend à Oran est produit dans d'autres wilayas, connues par leur étendues forestières, notamment en Kabylie et à l'est du pays. « De petites quantités sont aussi produites dans les wilayas de l'Ouest notamment à Aïn Temouchent et à Oran», ajoute-t-il. Pour ce vendeur, même la filière du charbon a été investie par des vendeurs qui écoulent une marchandise de mauvaise qualité. «Certaines quantités de charbon proposés à la vente ne sont pas de bonne qualité, pour leur fragilité, rendant difficile l'allumage d'un feu ou causant une fumée dense pouvant affecter les yeux», selon ses propos. «Ces vendeurs achètent de la mauvaise qualité au bas prix pour ensuite l'écouler.

C'est pour ça que le prix du kilo varie d'un vendeur à l'autre. Cette année le prix du charbon de bois varie entre 60 et 100 dinars le kilo». Pour Mohamed qui active durant toute l'année dans ce métier (il livre le charbon aux restaurants), «le charbon ne vient pas uniquement de la production locale, il y a aussi l'importation à partir de quelques pays européens. Mais en petites quantités». Cette pratique commerciale qui se limitait, il y a quelques années seulement, à des personnes d'un certain âge, emballe aujourd'hui même des jeunes qui en font une source de revenus, surtout que les Oranais préfèrent à l'Aïd les grillades à feu doux qu'on ne peut obtenir qu'en utilisant du bois ou du charbon. C'est ainsi que les vendeurs de ce combustible sont très sollicités en telle période. Une situation qui a donné naissance au phénomène d'abatage illicite d'arbre et à la déforestation.

Notons par ailleurs que depuis quelques jours, les commerçants «saisonniers» investissent les rues et les artères de la ville d'Oran. Ils proposent, déjà, toutes sortes de produits en rapport avec le rituel du sacrifice de l'Aïd El-Adha. Les ruelles marchandes et les marchés de la ville d'Oran foisonnent de jeunes et de moins jeunes spécialisés chacun dans un créneau.

A M'dina Jdida, à la rue Maupas (Saint Eugène), au marché de la rue de La Bastille et autres coins de la ville, ces jeunes exposent leurs marchandises, essentiellement du charbon, des couteaux, des barbecues traditionnels (brasero), entre autres. Si certains d'entre eux ont jeté leur dévolu sur la vente de charbon, d'autres proposent tout l'attirail du parfait boucher ou «égorgeur de mouton», c'est selon, avec la gamme complète de coutellerie et des accessoires indispensables au sacrifice. Une troisième catégorie s'est reconvertie, pour cadrer avec l'événement, en apprentis rémouleurs, très sollicités d'ailleurs par les citoyens désireux d'accomplir eux-mêmes le rituel. Selon les vendeurs et certaines ménagères, les prix des produits ont connu une hausse par rapport à l'année dernière. Cette hausse varie entre 15 et 25 dinars pour les couteaux, 10 et 15 dinars pour le charbon et entre 50 et 100 dinars pour les barbecues.