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Conjoncture économique : le néo-libéralisme est anticonstitutionnel en Algérie !

par Abdellatif Bousenane

Dans notre pays l'enjeu majeur de cette conjoncture, marquée par la chute brutale de la croissance et les prix du pétrole, est la lutte entre deux grands pôles idéologiques : les néo-libéraux qui veulent, par la bénédiction du grand capital mondialisé, contrôler le pouvoir politique et les gardiens du modèle populaire algérien.

STRATEGIE DIABOLIQUE :

Des voix s'élèvent, que ce soit au sein même du pouvoir politique ou dans des cercles très proches et influents, notamment celles de la FCE ( A. Haddad) ou de I. Rebrab et d'autres, pour exprimer leur disposition à « aider » l'Etat, dans ces temps difficiles, mais à conditions, car bien, évidemment, rien n'est gratuit, dans le monde des affaires. Libérer davantage l'Economie, c'est-à-dire on veut beaucoup moins d'Etat, beaucoup plus de parts dans le PIB et pourquoi pas la privatisation totale du secteur névralgique de l'Economie : la Finance (les banques). Ainsi, donc, le schéma est simple : il y a une volonté ou une tentation chez des groupes et des personnes d'imposer leur feuille de route et de bénéficier, avec la bénédiction des gardiens du temple libéral mondial, de cette conjoncture défavorable à l'Etat-Nation, pour dicter leur loi et contrôler toute l'Economie du pays et donc le pouvoir de décision. Cela n'est, surtout pas, la loi du marché comme on veut nous faire croire, une loi qui se base sur la concurrence loyale et la transparence, sur le payement des taxes et cotisation sociales, sur l'effort de faire avancer le pays.

Beaucoup d'acteurs politiques, médiatiques et intellectuels ont exprimé, en fait, leur mécontentement de ce modèle algérien mi-socialiste, mi-capitaliste. Malgré qu'ils ne le disent pas clairement et directement! Néanmoins ils le font savoir d'une manière implicite, lors de leurs critiques, voire leurs attaques très violentes contre les programmes sociaux du gouvernement : ANSEJ, logements sociaux, subventions, aides aux entreprises publiques? etc. Certes, il y a, parmi eux, des gens sincères qui ont des convictions ou qui veulent, simplement, réformer, améliorer et corriger, les aspects négatifs de ces dispositifs. Cependant, il existe d'autres personnes et puissances qui n'ont d'objectif que l'arrêt de cette politique sociale de l'Etat puisque elle va à l'encontre de leurs intérêts et leur ultime objectif : dominer l'Economie du pays et devenir, ainsi, les premiers créanciers de l'Etat. Cela ne peut se faire, sans le fait de désarmer le politique et le soumettre sous -l'ordre du fric-roi, du tout-fric, l'argent tout puissant pour imposer, enfin, leurs politiques. Cette stratégie est soutenue par des réseaux internationaux hégémoniques qui visent l'accélération de l'expansion du capitalisme, d'une vitesse plus grande, pour arriver à un pouvoir beaucoup plus important.

UN MODELE DANS L'IMPASSE :

Depuis une trentaine d'années, on a observé comment, en Europe et dans l'Amérique du Nord, des lobbys et des puissants groupes financiers ont pu contrôler le système bancaire de toute la civilisation dominante. Ils sont arrivés jusqu'à imposer des invraisemblables règles qui contraignent les Etats d'emprunter directement aux banques centrales pour qu'elles (les banques privées) puissent bénéficier d'un taux d'emprunt très faible,1%, de cette même Banque centrale! Résultat final, des pays, extrêmement endettés. Quasiment 100% du PIB pour la France, 120% pour l'Italie, etc. Dès lors, ces groupes sont devenus plus puissants que les Etats, ils ont pu acheter pratiquement toutes les sociétés publiques (la privatisation), même les groupes de médias très influents tombent sous leurs mains. Ils servent désormais, bien sûr, des orientations et une ligne éditoriale bien définie! Peut-on parler, encore, de liberté d'expression?

Bref, un bon nombre d'analystes, philosophes et politiques vantaient les mérites et la réussite de ce modèle, face à l'idéologie communiste incarnée par l'ex-URSS et ses alliés jusqu'au début des années 2000, là où on a observé le début d'une série de crises profondes de ce modèle néo-libéral. Scandales financiers entre 2001 et 2003 (Enron, Worldcom, Ahold, Tyco, Parmalat), l'endettement abyssal des États-Unis et de toutes les démocraties occidentales, l'ouragan financier qui a secoué les bourses, en août 2007, la crise des subprimes en 2008, etc. Pour répondre à ces crises successives, le grand capital mondialisé a choisi la fuite en avant ; il accuse l'autre idéologie, le socialisme, d'être à l'origine de cette impasse, en mettant en cause et en s'attaquant aux acquis sociaux, dans ces pays. Couverture maladie universelle, minimas sociaux, temps réduit du travail, assurance chômage etc. En France, à titre d'exemple, Sarkozy a fait, en 2007, une campagne très à charge contre le modèle social français, cinq années après son règne, et après des centaines de réformes très libérales et antisociales, la France s'est endettée de 600 milliards d'euros de plus, il a laissé un chômage de plus de 10% et la désindustrialisation du pays s'est accélérée d'une manière inquiétante. De ce fait, travailler plus pour gagner plus, les cadeaux aux riches et les autres mesures phares du Sarkozysme ont mené le pays au désastre. Il perd les présidentielles de 2012 face au candidat « socialiste » !

Les autres pays de l'empire libéral ne sont pas dans des situations meilleures. Le 12 août dernier, dans l'Etat de Michigan, aux Etats-Unis, un homme a dû se résoudre à braquer une banque pour payer la chimiothérapie de sa fille !

Dans les pays libéraux du Sud, tels que l'Egypte, le Maroc, le Nigeria, l'Argentine, le Mexique etc, à part quelques rares exemples qui restent insignifiants, plus de 90 % des pays, très libéraux du tiers monde restent très pauvres. L'exemple de l'Inde et de la Chine est un marqueur assez intelligible pour affirmer notre thèse. Car l'Inde très libérale soutenue par l'empire occidental n'a pas pu sortir de son sous-développement malgré tous les moyens dont il dispose. En revanche la Chine socialiste gérée par une main de fer de l'unique parti communiste a pu devenir la première puissance mondiale en matière de PIB en parité de pouvoir d'achat (selon les chiffres de la Banque mondiale).

ESPRIT DE NOVEMBRE 1954, UN REMPART ?

L'impasse dans laquelle se trouve, aujourd'hui, le néo-libéralisme est devenue visible dans l'actualité chargée par les drames des migrants, notamment, syriens et irakiens, qui meurent, entassés dans des camions ou jetés par les vagues de la mer. Cela est, incontestablement, le résultat de la politique de dominance et d'expansion de ce grand capital qui veut s'étendre en attaquant les Etats qui constituaient les derniers bastions du socialisme dans le monde arabe : l'Irak, la Libye et la Syrie.

Par conséquent, on peut conclure que ce modèle n'a pas fait ses preuves. Donc, vouloir l'imposer à l'Algérie est une aberration. D'autant plus que les fondements mêmes, de notre pays sont à l'opposé de cette démarche. La Constitution du pays préconise qu'on est une république populaire qui puise ses fondements de l'esprit du 1er Novembre 1954. A partir de là, toute réforme majeure dans le sens du néo-libéralisme est anticonstitutionnelle ! Certes, tout le monde est d'accord pour la réforme de notre modèle, pour orienter les jeunes vers des micro-projets plus productifs, dans l'Industrie et l'Agriculture en concevant, ainsi, un vrai réseau de sous-traitance. On peut, également, rationaliser et bien cibler les dépenses sociales, en créant, par exemple une caisse d'Etat qui distribue les allocations et les subventions, directement, aux plus démunis et qui aura la charge de vérifier et de sanctionner tout abus. Au lieu de subventionner des produits qui profitent aux milliardaires comme au petit chômeur. Réformer notre assurance chômage pour beaucoup plus d'efficacité et l'orienter vers un système de formations pour les jeunes et les moins jeunes pour une protection beaucoup plus sûre qui protège la dignité des hommes et des femmes. Cela, vaut plus que les milliards !

Ce dont nous manquons, aujourd'hui, dans nos sociétés du tiers monde, ce n'est, surtout, pas une ouverture « sans loi, ni foi » puisque beaucoup de pays du Sud souffrent, déjà, de cette situation de la loi de la jungle. Néanmoins, nous avons besoin de plus de régulation, plus d'Etat.

Il ne s'agit pas, ici, de faire le procès du capitalisme-libéralisme, d'un point de vue, purement, idéologique, toutefois, force est de constater que ce système économique a montré, clairement ses limites. Son appétit excessif de la domination et de l'expansion, sans limites, en piétinant ses propres lois et codes, lui a coûté de vrais torts. Beaucoup de libéraux de droite eux-mêmes, le disent. Est-ce raisonnable que les 500 personnes les plus riches en France détiennent 460 milliards d'euros, c'est-à-dire l'équivalent de 90 % du budget de l'Etat et 25 % du PIB français annuel ? Est-ce démocratique que le patrimoine cumulé des 1% les plus riches du monde, dépassera, en 2016, celui des 99% restants ? Énorme !

Le meilleur rempart, à mon sens, c'est la représentation élective, c'est l'Etat fort mais qui assure aussi aux investisseurs, aux hommes d'affaires, les vrais, aux riches milliardaires de créer la richesse en investissant librement et les encourager à exporter. Surtout quand ils paient leurs impôts, taxes et cotisations et en payant d'une manière correcte leurs salariés. Par conséquent, nos riches ?milliardaires sont appelés à « jouer », dans le cadre de notre Constitution, qui interdit l'hégémonie de quelques personnes sur tout un peuple !