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16 constructions illicites démolies en 2015 : Le bilan fort disproportionné de la Conservation des forêts

par Houari Saaïdia

La présentation du secteur local des Forêts, faite sur un ton triomphaliste, lors de la 2ème session APW tenue la mi-juin, comprenait un chapitre relatif à la lutte contre les constructions illicites érigées sur le domaine forestier public. On y apprend que la Conservation des forêts a dressé, durant le 1er semestre 2015, 10 PV, proposé 9 arrêtés de démolir ciblant 77 constructions illicites. Résultat : 16 habitations illicites ont été rasées à la faveur de 4 arrêtés de démolir (dont les deux les plus récents sont datés respectivement du 12 février et du 5 mai), localisées toutes au lieudit « Douira », commune de Benfréha. Pour récapituler donc, au cours des premiers six mois de l'année en cours, 16 baraques nichées à l'orée des forêts de la wilaya d'Oran, soit une superficie de 41 302 ha, ont été éradiquées, selon un bilan officiel du secteur des Forêts. D'aucuns estiment que ce bilan est, sous quelque angle qu'on l'aborde, trop tendre, trompeur et à mille lieux de l'envergure de la bidonvilisation qui ne cesse de bouffer des pans étendus du massif forestier à hauteur des zones tampon «forêt-cité». Il suffit de faire des virées espacées dans le temps -par exemple tous les deux mois- du côté de Haï Bouamama, au lieudit « Coca », ce conglomérat de maisons de fortune superposées les unes sur les autres, à flanc de montagne, point d'amorce de la Corniche supérieure (CW 45). Là, les taudis à base de parpaing et de tas de ferrailles poussent comme des champignons dans le sens de la hauteur, c'est-à-dire vers la cime du monticule, et dans le sens du plan, c'est-à-dire tout au long de l'axe routier, de part et d'autre, en s'incrustant dans les profondeurs des bois. Evidemment, une vue aérienne permettrait de se faire une idée plus précise sur ce phénomène, puisqu'il s'agit en fait de quelque chose qui bouge, en perpétuel mouvement, et non d'une configuration statique. On ne dispose pas d'un indice de croissance via une démarche de recensement et de quantification réelle, mais il est clair, à vue d'œil, que chaque mois de nouvelles constructions de fortune viennent se greffer au déplorable décor de « Coca ».

Les dépotoirs sauvages de déchets inertes générés par ces mini-chantiers d'auto-construction qui jonchent à même le sol sur le domaine de la forêt, sont une autre pièce à conviction, si besoin, de ce massacre environnemental. En plein jour même, au vu des passants qui empruntent cette belle route serpentant dans le mont pour rallier le littoral ouest d'Oran ou simplement pour éviter l'embouteillage de la route principale des tunnels, un ballet incessant de tracteurs, munis de remorques agricoles, déchargeant des matériaux de construction, va du matin au soir. L'inaction des autorités municipales aidant, des vagues successives de constructions illicites déferlent sur ce site, le faisant grossir et pourrir malgré lui. Selon des bribes d'informations recueillies auprès d'un courtier rencontré sur place, il existe deux façons pour avoir une de ces habitations précaires. Certains «propriétaires» proposent des lots de terrain prêts à la construction. Ils se négocient entre 12 et 18 millions de centimes, selon la superficie et surtout la facilité d'accès. Il faut signaler que certaines parties de ce groupement d'habitations se trouvent enchevêtrées telles des favelas brésiliennes. D'autres individus proposaient des constructions finies avec livraison immédiate. Un de ces «promoteurs» tentait de vendre un «haouch» de deux chambres et cuisine à 28 millions avec possibilité de négocier le prix.

Un autre proposait une série de maisons, dont le prix va de 18 millions à 50 millions, même avec climatiseurs. Ce phénomène des constructions illicites est devenu aussi un business. Les constructions sont vendues et revendues, d'autres en location, une vraie mafia s'est érigée.

En dépit des efforts déployés par les pouvoirs publics locaux conformément aux instructions du gouvernement dans le cadre de la lutte contre les constructions illicites, des personnes de tous bords et surtout venant des wilayas limitrophes s'implantent quasi quotidiennement au niveau de ces bidonvilles érigés sur le domaine forestier. Toutefois, le phénomène des récidives des familles délogées pose toujours problème, en l'absence aussi de réglementation draconienne et persuasive. Certaines de ces familles, vivant dans des conditions de précarité et d'insalubrité, ont déjà vu leurs baraques démolies, mais sont revenues malgré cela, faisant fi de toute loi.