Si les 14 jours d'audition des plus de 70 inculpés dans le procès Khalifa
Bank n'ont pas apporté les révélations attendues, le témoignage de Youcef Akli,
ex-directeur général de la caisse principale de Khalifa Bank, appelé à la barre
ce jeudi, a mis à nu toutes les irrégularités de cette dernière.
Youcef Akli a été condamné en 2007 à 10 ans de prison ferme qu'il a
purgés et a été donc convoqué en qualité de témoin. En réponse à des questions
du juge Antar Menouar, le témoin déclara que le PDG du groupe, Abdelmoumen
Rafik Khalifa l'a instruit, juste quelques mois après l'ouverture de la banque
Khalifa, afin qu'il remette d'importantes sommes d'argent à Chachoua
Abdelhafid, Abdelwahab Rédha et Mir Ahmed, sans qu'ils aient à lui remettre
aucun document. Au début, c'était, selon le témoignage de Youcef Akli,
Abdelmoumen Khalifa qui venait personnellement prendre l'argent dans des sacs
en plastique puis il lui envoyait ces deux plus proches collaborateurs surtout.
Les sommes retirées allaient de 500 millions à un milliard de centimes.
Questionné par le président du tribunal s'il tenait une comptabilité concernant
ces sommes, le témoin affirma qu'il se contentait de les porter sur des bouts
de papiers pour qu'il puisse se retrouver en fin de journée. Youcef Akli a
aussi déclaré qu'il n'y avait aucun compte au niveau de la caisse principale,
ce qui contredit les déclarations d'Abdelmoumen Khalifa qui affirmait que
l'argent était retiré de son compte personnel. D'ailleurs lorsque le juge Antar
Menouar appela Abdelmoumen Khalifa à la barre pour qu'il donne son avis sur ces
déclarations, il indiqua que ces affirmations sont illogiques et non
applicables techniquement. Il essaya même de charger son ancien directeur de la
caisse principal en se demandant comment un banquier pouvait permettre un tel
mouvement d'argent sans aucun document alors qu'il sait pertinemment que de
telles pratiques mènent la banque à la faillite. Pour rappel, un trou de 3,2
milliards de dinars a été découvert à la caisse principale occasionné par ces
mouvements d'argent sans aucune traçabilité. Le témoin persiste et confirme
qu'il a remis, à plusieurs reprises, des sommes d'argent dans des sacs en
plastique à tous ceux qui ont été envoyés par Abdelmoumen Khalifa. En outre, M.
Akli Youcef affirme qu'il n'y a jamais eu d'inspection de la caisse principale
jusqu'à la découverte du trou financier de 3,2 milliards de dinars
qu'Abdelmoumen Khalifa lui a demandé de ?régler' par n'importe quel moyen.
C'est dans ce but qu'Akli Youcef a établi des fiches inter caisses, au nombre
de 11, pour essayer de justifier le manque de comptabilité. Lorsqu'il a envoyé
ces fiches au directeur de la comptabilité, M. Nekache Hammou, ce dernier a
refusé de les signer car il estimait qu'il était impossible de régulariser
aussi facilement un trou de 3,2 milliards de dinars, et c'est Chebli Mohamed
qui a donc régularisé la caisse. Aussi bien Khalifa que les autres accusés
essaient de répondre au témoin en réfutant son témoignage, comme Chachoua qui
affirme au président que le témoin déclare lui avoir remis de l'argent en 1999
alors qu'il n'a commencé à Khalifa Bank qu'en 2001. Après lui, c'est Chebli
Mohamed qui est appelé, lui aussi en qualité de témoin après avoir purgé une
peine de huit années de prison : « pour une signature », affirme-t-il. D'après
lui, il n'aurait pas régularisé la caisse principale mais il n'a fait que
saisir la régularisation et signer à la place du caissier, ce qui lui a couté
huit ans de prison. En réponse à la question du président lui demandant
pourquoi il avait signé à la place des autres, il déclara qu'il avait signé
pour la saisie uniquement, le contenu n'ayant pas été son œuvre. Il cède
ensuite la place à Aziz Djamel, l'ex-directeur de l'agence Khalifa Bank d'El
Harrach qui a purgé une peine de dix années de prison et qui est lui aussi
convoqué en qualité de témoin. Ce dernier revient pourtant sur les déclarations
faites devant le juge d'instruction sur le fait que Khalifa Abdelmoumen
envoyait des personnes de son entourage pour ramener de l'argent à partir de
l'agence d'El Harrach : « non, je n'ai pas dit cela, monsieur le juge »,
répond-il. Même lorsque le juge lui lit la déposition faite devant son avocat,
il continue de nier. « Et qu'avez-vous donc déclaré ? », lui demande le juge. «
J'ai dit que le PDG (Khalifa) avait donné des instructions à tous les
directeurs d'agence pour ne pas laisser plus de 100 millions de centimes dans
les caisses, et c'est pour cela qu'il envoyait des gens pour convoyer les
sommes en plus vers la caisse principale, accompagnées des pièces comptables
justificatives », a-t-il précisé.