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In Salah : raison d'État et prépondérance démesurée !

par Abdellatif Bousenane

Une étape a été franchie, ces derniers jours, à In Salah, non pas par les échauffourées qui se sont déclenchées entre forces de l'ordre antiémeutes et citoyens algériens, mais dans le discours de l'élite gouvernante et de ses détracteurs. Car les premiers ont délaissé en effet le discours habile conciliant et responsable pour un autre discours beaucoup plus clivant, agressif et même provocant. Les «anti», eux aussi, ont changé de tactique, en optant pour des stratagèmes très dangereux.

Le constat est là, pour discréditer ses adversaires, le gouvernement, en la personne de son premier ministre, a choisi la facilité, il n'a pas hésité effectivement à utiliser la petite politique politicienne, en se basant sur «la théorie du complot», la mains de l'étranger, à son tour le ministre de l'énergie a méprisé partiellement l'une des fondements des obligations de sa fonction à savoir la retenue dans les propos, il déclare ainsi que l'Algérie va accélérer son programme de gaz de schiste et elle va passer à l'exploitation, probablement, plus tôt que prévu. Cette déclaration est perçue par beaucoup de gens comme étant une provocation ! Problème de communication ?!

De l'autre coté de l'échiquier politique, une partie de «la sainte» opposition n'a pas hésité à passer à la vitesse maximale en frôlant les limites jaunes et en jouant sur un thème très sensible, la xénophobie supposée contre une partie du peuple à cause de sa couleur de peau ! La division entre «les noires» et « les moins noires», en prétendant que la police crépite des propos racistes contre les manifestants. Il y a même des opposants qui ont fait usage des éléments de langages très étranges et très dangereux qui mènent à la Fitna entre algériens en parlant de «colonisation», «de colons» ! Pour alimenter, en fait, la haine entre les gens du Nord et du Sud.

Au milieu de ce tumulte, l'analyse sérieuse se noie ainsi dans ces averses d'accusations, par conséquent personne n'évoque, l'origine de ce conflit qui peut être lié, à mon sens, à l'attachement excessif des hommes d'État chez nous à une doctrine fondamentale qui est la prépondérance de l'état, son prestige, son autorité, sa grandeur et son crédit.

Dans sa forme dynastique, l'état a toujours eu sa propre raison, sa propre culture, bref sa distinction du reste de la société. Puis dans sa forme bureaucratique actuelle également. Il continue dès lors à constituer un corps indépendant, un être à part entière avec ses propres mœurs, ses propres codes.

Il ne s'agit pas ici de quelconque tentation de notre part à remettre en cause cette doctrine, qui prend une configuration d'un dogme beaucoup plus rigide dans notre cas de figure, ni de vouloir discuter ses fondements et encore moins d'appeler à une espèce de normalisation voir une égalité entre l'État et le peuple. Il est question ici, en revanche, de s'interroger sur la capacité de nos gouvernants à transgressé, au moins temporairement, cette règle orthodoxe afin de dépasser quelques crises bien délimitées dans le temps et l'espace. Autrement dit, peut-on faire un effort pour changer momentanément cette posture perçue par les populations comme étant une arrogance d'une élite qui vit très loin de leurs préoccupations, pour justement associer une partie de ces populations dans la gestion du problème, pour en pratiquer provisoirement ce qu'on peut appeler dans le jargon altermondialiste une politique participative sur ce dossier bien précis, la fracturation hydraulique.

Au moment d'une grande réussite diplomatique sur le dossier malien, «zapper» foncièrement par les opposants éternels au fameux «système», ce qui rend leur discours politique beaucoup moins crédible, et le classement très honorable de notre armée au 27ème place au monde et première puissance régionale, l'État ne doit pas ainsi se préoccuper beaucoup de sa prépondérance, car elle est déjà assurée.

À partir de là, ce n'est pas une faiblesse, ni un manque d'autorité de négocier et de faire participer des citoyens dans la recherche d'une solution à un problème qui les concerne directement. Et sortir d'une définition classique figée de l'essence même de l'État pour aller justement à une perception beaucoup plus flexible de sa prépondérance et de sa raison car souvent la raison d'État se croise avec les intérêts de son peuple.

Puis, il faut souligner, tout de même, que les mêmes hommes d'État qui défendaient jadis, farouchement, cette logique ils sont aujourd'hui, dans un rôle d'opposition, au milieu du peuple pour appeler à la popularisation de la gestion des affaires de l'État !

ENTRE FOND DES PUITS ET FOND DU DEBAT !

Justement pour éviter le risque que le débat de fond s'étouffe dans le fond des puits du pétrole non-conventionnel, il faut faire preuve d'une souplesse et d'une vision beaucoup plus large que les petites querelles partisanes et personnelles. Puisque le dossier est tellement stratégique, l'explicitation scientifique et technique est plus que préconisée.

Ce n'est pas mentir ou manipuler l'opinion publique de dire qu'effectivement un bon nombre de pays européens ont autorisé pas seulement l'exploration mais l'exploitation du gaz de schiste. Une autre partie hésite toujours, mais seulement une petit minorité qui l'interdise franchement dont la France. En tout cas, la commission européenne a adopté le 22 janvier dernier une recommandation qui donne le feu vert, au grand dam des verts, aux pays membre d'exploiter ce gaz, tout en insistant bien évidement sur le respect des «principes commun» à savoir les conditions sanitaires et environnementales. On ne peut pas accuser cependant tous ces pays de l'Amérique du Nord jusqu'à l'Europe, de ne pas être soucieux de la santé de leurs concitoyens ! Soyons sérieux !

Cet entêtement des uns et des autres nous fait perdre beaucoup de temps très précieux, beaucoup d'énergies et surtout beaucoup d'espoirs et donc de confiance en notre État, en nous même. Ce qui est antonyme au progrès et au développement.

Enfin, est-ce qu'on peut donc trouver un juste milieu entre les deux postures : entre un État jaloux de sa prépondérance et une élite toujours contre le «système» dans tous les cas, sur toutes les questions, quitte à être contre les intérêts stratégiques de son État-Nation !