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Gaz de schiste : Marche improvisée de l'opposition  à Alger, 50 arrestations

par Zahir Mehdaoui



Comme il fallait s'y attendre, le gouvernement a décidé de déployer des centaines de policiers dans les rues et les artères de la capitale pour contrer l'action de l'opposition qui avait appelé à un rassemblement, devant la Grande Poste, pour dénoncer l'exploration du gaz de schiste, dans notre pays, en ce 24 février, date hautement symbolique.

En fait, les forces déployées, hier, étaient, réellement, disproportionnées et les mesures prises autour, notamment, de la Grande Poste étaient un peu exagérées mais tout le monde aura compris le message des autorités, à savoir qu'elles ne toléraient aucune action de protestation, alors qu'officiellement l'état d'urgence a été levé, depuis plus de trois années, sur décision du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika.

Alger ressemblait, hier, à une caserne à ciel ouvert. Des fourgons cellulaires, des 4x4, des bus remplis de forces anti-émeutes, ont pris position, dès les premières heures de la matinée, notamment sur la place ?Maurétania', la Grande Poste, du côté de la wilaya et de l'APN, la rue Zighout Youcef, la place du 1er Mai (Champ de manœuvres) et sur le boulevard Didouche Mourad. Même les troupes spéciales de la police (BRI) ont été appelées à la rescousse pour « contrer » quelques Algériens venus exprimés leur « désapprobation » par rapport à un sujet qui les concerne et qui concerne, également et éminemment, les prochaines générations.

Bref, en dépit de toute cette « armada », les responsables de l'opposition qui se sont organisés à l'intérieur de la CNTLD (coordination nationale de la transition et des libertés démocratique) et de l'instance de suivi et de coordination (ISCO) ont bravé l'interdit et ont improvisé une marche qui a démarré depuis le siège d'Ennahda, à El Biar sur les hauteurs d'Alger pour arriver jusqu'à la Grande Poste où des foules commençaient à s'agglutiner.

Paradoxalement, au même moment et sur les mêmes lieux, un chapiteau est dressé par l'APC d'Alger pour commémorer l'anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures par feu le Président Houari Boumediene, en 1971. Chant, Zorna, baroud, danse, tout y était pour festoyer dans la perspective, semble t-il, de contrecarrer les autres Algériens d'en face.         

En fait, hier, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y avait, à la Grande Poste, deux Algérie. L'une chante et danse et semble être heureuse de son sort et l'autre est sortie dans la rue pour crier son mécontentement.

Malmenés, parfois même brutalisés, les responsables de l'opposition ont été contraints de rebrousser chemin vers la place Maurice Audin. On y voit, notamment, le président du RCD Mohcen Belabes, Ali Benflis, Benbaibeche, Sofiane Djilali, Abderazak Mokri, Karim Tabbou, Ahmed Benbitour et le chef d'Ennahda.

Arrivés à la place baptisée au nom du célèbre écrivain français, les manifestants, complètement cernés par des policiers qui marchent, également, avec eux, ont marqué une halte pour crier, à gorge déployée, des slogans hostiles au pouvoir et surtout la revendication phare de la journée : « Non à l'exploitation du gaz de schiste ».

Poussés par les mêmes policiers à continuer la marche plus haut, vers la rue Didouche Mourad, les membres de l'opposition, rejoints par quelques citoyens, se sont dirigés vers le siège du RCD. Entre temps, plusieurs citoyens originaires du Sud ont été arrêtés par la police. Certains d'entre eux ont été carrément passés à tabac, avons-nous appris de certains membres de l'opposition.

Au siège régional du RCD, c'est le brouhaha total avant que le responsable de communication de ce parti vient annoncer qu'une conférence de presse sera organisée au sous-sol du siège.

Le président du RCD, Mohcen Bellabes, était le premier à prendre la parole en fustigeant le pouvoir et l'UGTA tout en se félicitant, parallèlement, d'avoir réussi à marcher dans la capitale.

« Malgré la répression nous avons réussi notre action et cela n'a pas empêché les citoyens de venir nous assister », dira le président du RCD qui ne mâchera pas, par ailleurs, ses mots à l'égard de l'UGTA qu'il qualifiera « d'instrument de la répression ».

Mohcen Bellabes ajoutera, en outre, que les services de sécurité ont procédé à l'arrestation d'une cinquantaine de personnes à Alger. 14 autres ont été appréhendées à Boumerdès, affirme le président du RCD qui fait état, également, de l'arrestation de plusieurs SG de partis politiques et de personnalités, lors de la manifestation d'hier. Ali Benflis, lors de son intervention, évoque une « rappropriation de la dignité», à l'occasion de la manifestation qui venait de se dérouler dans la capitale.

« Nous sommes solidaires avec les citoyens du Sud » tonne Ali Benflis qui affirme que les gens qui sont sortis dans les rues veulent juger les tenants du pouvoir, à travers, notamment, l'organisation d'élections libres.

Plus décontracté, Sofiane Djilali du parti Jil Jadid, dira, pour sa part, que l'action d'hier a eu au moins le mérite de faire sortir des milliers de policiers dans la rue.