Quinze ans que les Occidentaux ont comme seule réponse au terrorisme la
guerre. Ce que veut et souhaite le terrorisme. Tout indique que lors des
prochains sommets de l'UE et de l'Otan, ils maintiendront la même stratégie.
Les uns après les autres, les pays européens annoncent de nouvelles
mesures pour la lutte contre le terrorisme: redéploiement des services d'ordre
et de sécurité dans les villes, renforcement des moyens humains et matériels
des services de renseignement, revue des politiques pénitentiaires, réflexion
sur les contenus pédagogiques éducatifs, relance de la coopération
internationale dans les domaines sécuritaire et de la justice, etc. Jusqu'à des
tentations de remise en cause ou d'interrogation sur le mérite ou non de la
citoyenneté et son lien aux droits civiques garantis par les Constitutions:
déchéance de la nationalité aux terroristes, voire à ceux qui soutiennent le
terrorisme. La France parle même de frapper de «l'indignité nationale» ceux qui
reviennent du djihad en Syrie. L'Europe est en alerte, l'Europe est «en guerre»
contre le terrorisme. Du moins dans les intentions, les déclarations des
responsables politiques. Les réunions ministérielles se sont succédé à
Bruxelles, au niveau européen, pour décréter la «guerre» au terrorisme. La
nouvelle stratégie européenne se déploie sur deux plans: à l'intérieur de
chaque pays et entre les pays européens, et à l'extérieur de l'Europe, soit une
coopération avec le reste du monde et surtout l'intensification de la guerre
contre l'Etat dit islamique de «Daech» en Syrie et en Irak. Cet engagement
solennel d'en finir avec l'hydre terroriste n'est, en fait, pas nouveau. Au
lendemain des attentats du 11 septembre 2001 contre les USA, les Occidentaux,
aidés de plusieurs autres pays, se sont engagés sur le terrain pour en finir
avec El-Qaïda en Afghanistan. Des moyens militaires et financiers énormes ont
été investis. 53 pays sont intervenus sous la houlette des Américains en
Afghanistan, puis, dès 2003, en Irak. Résultat: El-Qaïda a gagné la Pakistan,
l'Irak, le Yémen et ces dernières années le Sahel, la Libye, la Syrie et
jusqu'en Afrique sous le label de «Boco Haram». Pourquoi ? Comment ? S'il est
évident que la lutte contre le terrorisme doit être totale, permanente et sans
concession, il est aussi évident de constater que la stratégie employée depuis
15 ans par les Occidentaux souffre d'efficacité et de résultats. Les plus
critiques iront jusqu'à conclure que le terrorisme a gagné la bataille puisque
le nombre de ses sectes combattantes et le nombre de pays touchés sont de loin
plus nombreux qu'avant le 11 septembre 2001. Le nombre de victimes des actes
terroristes s'est démultiplié d'abord chez les peuples musulmans. Les pays dits
musulmans sont contaminés les uns après les autres par la folie meurtrière des
terroristes. Ce qui fait dire à beaucoup d'analystes, qu'au final, ce sont les
terroristes qui imposent leur logique au reste du monde, en particulier aux
Occidentaux. Deux ou trois attentats spectaculaires dans un ou deux pays
occidentaux et ces derniers de sortir armes et méthodes musclées pour
«écorcher» les libertés de leurs concitoyens et ébranler militairement quelques
contrées lointaines dans le monde arabe et africain. Le piège tendu par les
terroristes est sinistre, macabre: ils entraînent le reste du monde dans un
affrontement armé et enferment les Occidentaux dans un état d'alerte permanent
qui angoisse et fait peur. Après les derniers drames vécus par la France,
va-t-on assister à une recrudescence des offensives militaires en Syrie, Libye
ou au Sahel ? C'est-à-dire appliquer la réponse qui fut celle prônée par les
Américains après le 11 septembre 2001 ? Près de 20 ans après la naissance des
sectes terroristes au nom d'un islam dévoyé, les responsables politiques à
travers le monde n'ont à ce jour comme seule réponse, la guerre. Même si elle
s'impose par l'évidence des faits, elle ne devrait pas exclure de chercher à
comprendre les raisons profondes de ce fléau meurtrier qui tue d'abord ceux
qu'il prétend défendre, c'est-à-dire les musulmans. D'où vient le terrorisme
islamiste ? Pourquoi persiste-t-il et gagne-t-il en ampleur ? Les prochains
sommets de l'Union européenne et de l'Otan vont continuer sur la même logique
de guerre: augmenter les armes et les effectifs en hommes, décréter d'autres
«Patriot-Act», peut-être même occuper d'autres lieux en Afrique et ailleurs et
engager le combat armé qui fera plus de victimes chez les mêmes peuples qui
souffrent déjà de misère et d'ignorance, souvent sous des régimes politiques
iniques. Il y a une vérité humaine et historique: la violence est la réponse ou
la réaction à une autre violence qu'elle soit sociale, politique, économique ou
philosophique imposée. Autrement dit, le terrorisme est la conséquence d'autres
violences, d'autres injustices, d'autres humiliations, d'autres viols et vols.
Toute l'histoire des «révolutions» à travers le monde a été un soulèvement
violent contre d'autres violences. Le cycle des violences sera permanent et
touchera de plus en plus de pays dans le monde si les Occidentaux ont, même si
c'est légitime, comme seule réponse au terrorisme: la guerre à outrance. Qui
plus est, loin de chez eux.