Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Guerre contre le terrorisme : Les racines de la violence

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Aucun esprit sain ne peut remettre en cause la légitimité de la guerre menée contre le terrorisme.En revanche, toute personne raisonnable sait,à l'évidence, que cela ne suffira pas. Tant que les causes réelles de cette violence subsistent, il y aura toujours des terroristes.

Réagissant à l'horreur du terrorisme, les responsables politiques occidentaux appellent, à juste titre, à une mobilisation générale contre les hordes barbares. Une dizaine de pays coalisés sont au front dans le chaudron syro-irakien: ils cernent et bombardent le centre névralgique et de commandement du monstre «Daech». Dans le reste du monde les services de sécurité sont en alerte pour parer à d'éventuelles actions terroristes. Des présumés candidats au Djihad sont arrêtés en France, en Espagne et ailleurs. La guerre contre le terrorisme fait au nom de l'islam est mondiale.

Elle durera longtemps, très longtemps. Le monde entre dans un cycle de violence et de sentiment d'insécurité d'une nouvelle échelle. Il y a comme une prise de conscience générale du risque terroriste qui guette le monde. Pourtant, il manque la question essentielle dans le débat sur la manifestation du phénomène terroriste et surtout la réponse à donner: pourquoi tant de violence au nom de l'islam ? Quelles ont les causes profondes qui ont fait naître cette abjection des temps modernes ? Par quel processus maléfique, des jeunes, hommes et femmes, finissent-ils par se transformer en monstres tueurs d'être humains ? Responsables politiques et spécialistes du terrorisme se confinent souvent à constater et décrire les organisations terroristes. Et lorsqu'ils abordent les causes de cette violence, ils la mettent sur le dos de quelques responsables locaux de pays mal gouvernés ou de lutte d'influence entre courants religieux de l'islam: chiite contre sunnite essentiellement. Il y a de tout cela, bien sûr.

Mais c'est, encore une fois, les conséquences de quelque chose d'autre, de plus profond. Il y a les injustices sociales, la pauvreté et le déni des libertés les plus élémentaires imposés par la très grande majorité des régimes politiques des pays arabes et africains à leurs peuples. Il y a la complicité des pays dits civilisés - occidentaux - avec ces mêmes régimes politiques archaïques et féroces vis-à-vis de leurs peuples. Il y a ce marché économique mondial qui écrase les faibles par des règles commerciales imposées par les riches et à leur seul profit. Il y a la course entre les Occidentaux pour le contrôle des zones de l'énergie (pétrole et gaz).

Il y a la guerre géostratégique que se livrent les «Grands» de ce monde pour sécuriser leurs périmètres et «espaces vitaux». Et dans le chaos permanent de cette course à la concurrence et la richesse, il y a les dommages colatéraux: ces peuplades abandonnées, laissées-pour-compte, à la marge de la richesse qui se trouve, toujours et comme par hasard, sous leurs pieds; livrées à des régimes politiques soutenus par les riches Occidentaux. Et puis, lorsque quelque part un de ces peuples se révolte pour crier son besoin de liberté et de justice, si ce n'est une répression aveugle qui s'abat sur lui, ce sont des survivants du régime oppresseur qui opèrent un véritable hold-up et un détournement de sa révolte: la révolution revient à la situation de départ sous un nouveau maquillage constitutionnel donnant l'illusion que le cri de révolte a été entendu. Les Occidentaux, toujours à l'affût, soutiennent, protègent et poussent, selon les circonstances et le jeu de leurs intérêts, les nouveaux maîtres de ces peuplades.

Et si le risque perdure pour leurs intérêts, les puissants de ce monde n'hésitent pas à y aller sur place remettre les choses en place: Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Mali sont les derniers exemples du degré d'implication directe des puissants pour protéger leurs intérêts et, subsidiairement, faire quelques concessions aux révoltés. Dans ce jeu d'intérêts et de domination, le phénomène terroriste d'obédience islamiste n'est qu'une conséquence de ce chaos absurde où ce sont les mêmes qui subissent, en fin de compte, la perpétuation des injustices et des violences des régimes politiques qui perdurent chez eux avec le soutien des grandes puissances.

La carte des pays à risques déconseillés par les Occidentaux à leurs concitoyens est révélatrice de cette fracture entre riches et pauvres: elle s'étend d'est en ouest sur des pays au sous-sol riche en matières premières et énergies (pétrole et gaz). Ce sont aussi les pays ayant tous, sans exception, fait partie de l'empire colonial franco-britannique voilà plus d'un demi-siècle, et, pour certains d'entre eux, sous domination américaine depuis 50 ans. Le terrorisme dit islamiste justifie sa «guerre» contre l'Occident par ce reliquat de l'histoire coloniale qui, selon lui, se poursuit aujourd'hui sous une autre forme de domination. Les coresponsabilités occidentales-régimes politiques arabes et africains dans cette violence sont indéniables. Du coup, compter sur la seule force des armes pour éradiquer le terrorisme de Daech, El-Qaïda, Al-Nosra et autres appellations n'est pas suffisant. Tant que les causes profondes qui génèrent le terrorisme persistent, le terrorisme perdurera. Il faut en plus de la guerre militaire contre le terrorisme une véritable autre guerre contre l'inégalité exagérée entre riches et pauvres dans le monde. Auquel cas, l'égoïsme des puissants rencontrera toujours le désespoir des faibles. Dans une confrontation violente.