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Les TIC à Tam, une plongée dans le moyen-âge numérique

par Kamel Hamzi

Comment imaginer encourager le tourisme dans le Sud algérien, la destination la plus prisée des étrangers, sans garantir une bonne connexion Internet ?

Et pourtant, à Tamanrasset il faut ramer pour naviguer correctement sur le Web. Visiteurs, usagers et gérants de cybercafés s'en plaignent.

A 2000 km au sud d'Alger, Tamanrasset est loin, très loin, de la 3G, de son univers et du matraquage commercial qui l'accompagne. Loin de l'Internet et du haut débit. Loin des nouvelles technologies de l'information et des discours sur « la révolution » numérique. Pour envoyer une photo, un sonore de 3 minutes ou une vidéo de quatre minutes, les journalistes chargés de couvrir la quatrième édition du Festival international des arts de l'Ahaggar (du 13 au 18 novembre 2013) devaient attendre toute une matinée ou veiller toute la nuit. Le Wi-Fi à l'hôtel étatique quatre étoiles Tahat est un luxe. Et les discours officiels rassurants sur « la démocratisation » de l'Internet au Sud et l'intérieur du pays sont faux et mensongers. "Régulièrement, presque chaque jour, nous constatons des coupures dans le réseau Internet. Nous avons parfois des difficultés à expliquer cela à nos clients, surtout ceux qui viennent en dehors du pays", regrette un réceptionniste de l'hôtel.

"Il arrive que l'Internet soit coupé tout la journée. Et, comme par miracle, la connexion est rétablie après 18 heures. Il arrive même que l'on soit totalement coupé du Net pendant plusieurs jours sans qu'Algérie Télécom nous donne des explications. On s'est habitué à cette situation", nous a déclaré un jeune gérant de cybercafé à Tamanrasset. A 70 dinars/l'heure, les internautes s'offrent parfois une bonne dose de stress, une louche de frustration et une tasse d'amertume. "Nous payons la facture d'abonnement à Internet à 100 % alors que nous bénéficions à peine de 20 % des services. Le citoyen est perdant à tous les coups », explique un cadre habitant Tamanrasset.

Selon un correspondant de presse, la capitale de l'Ahaggar n'est servie que par une seule ligne venant du nord en passant par In Salah (700 km au nord de Tamanrasset). « En tant que journalistes, nous avons chaque jour des problèmes pour envoyer de la matière. Il est presque impossible d'envoyer des fichiers vidéo par mail. On rate souvent l'actualité de la région à cause des coupures à répétition de l'Internet. Nous ne pouvons pas transmettre l'info à temps. Même les journaux arrivent en retard ici", affirme Litim Cheikh, correspondant d'Echourouk TV à Tamanrasset, avec beaucoup de regrets.

Réseau vétuste, des vols de câbles et des promesses

Le haut débit est presque une vue de l'esprit. La raison serait liée à un réseau trop vétuste. Un réseau souvent endommagé par les travaux de chantiers de construction en ville et en dehors de la cité. Mais, il n'y a pas que cela. "La région connaît beaucoup d'actes de vols de câbles. Il n'y a malheureusement pas encore de prise de conscience citoyenne pour contrer ce phénomène. Beaucoup d'affaires sont pendantes devant le tribunal de Tamanrasset, mais le problème n'a pas été réglé », relève un ingénieur télécom. Ces dernières années, des vols de câbles ont été enregistrés aux quartiers Tahaggart, Guetaâ el Oued (à côté de l'emplacement de l'Assihar) et Sersouf. Algérie Télécom estime les pertes dues à ces actes de vandalisme à presque 3 millions de dinars rien que pour l'année 2012. La facture pour 2013 pourrait doubler. « A chaque fois qu'on porte plainte auprès d'Algérie Télécom pour les mauvaises connexions, on nous dit que le problème est à Alger. Alors que tout le monde ici, sait qu'il existe moins de problèmes avec l'Internet à Ouargla et Ghardaïa", relève le gérant du cybercafé. Le nouveau wali de Tamanrasset, Abdelhakim Chater, semble conscient de cette situation qui dure depuis des années. Ses prédécesseurs, selon un animateur d'une association de jeunes, n'ont rien fait pour permettre à Tamanrasset de mieux se connecter à la toile mondiale, d'être une ville actuelle. « Nous sommes raccordés au réseau national d'Internet par Ouargla. Et, à chaque fois, que des problèmes surgissent sur ce tronçon, nous sommes isolés. On vient de bénéficier d'un programme complémentaire consenti par le Premier ministre pour essayer d'améliorer le raccordement à Internet en fibres optiques", a soutenu le wali de Tamanrasset. Il est question de raccorder la capitale de l'Ahaggar par deux autres lignes de fibres optiques à partir d'Adrar et d'Illizi. Un projet toujours à l'étude. Et, il y a de fortes chances pour qu'il reste à l'étude pour encore plusieurs autres années.