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57e anniversaire de l'indépendance du Maroc : Le message «diplomatique» de Bouteflika

par Moncef Wafi

Epistolairement, la relation entre l'Algérie et son voisin chérifien est au beau fixe puisque les deux pouvoirs en place n'oublient pas de s'échanger les «meilleurs» vœux à l'occasion des dates officielles malgré les polémiques et les échanges d'accusations mutuelles qui fusent épisodiquement.

Le dernier exemple en date est le message adressé par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, à Mohammed VI, roi du Maroc, à l'occasion de la célébration du 57e anniversaire de l'indépendance de son pays. Un message empreint de diplomatie, comme pour pareille circonstance où il est question essentiellement de raffermir les liens de fraternité et les relations de coopération et de bon voisinage entre l'Algérie et le Maroc.

M. Bouteflika n'oubliera pas de louer, à l'occasion, «les faits marquants de l'histoire de la Glorieuse Révolution du peuple algérien et les grands sacrifices consentis lors de sa lutte commune contre le colonialisme et pour la liberté et l'indépendance». Donc un texte dicté par la diplomatie et la courtoisie alors même que le souverain marocain, dans un discours prononcé à l'occasion de l'anniversaire de la «marche verte», accusait ouvertement Alger d'être responsable du blocage de l'Union du Maghreb. Pour nombre d'observateurs des relations bilatérales entre les deux pays qui pensaient, à juste titre d'ailleurs, que le réchauffement diplomatique de ces deux dernières années entre Alger et Rabat allait déboucher sur des avancées notables au niveau de plusieurs dossiers en suspens ne voilà-t-il pas que les dernières sorties du Makhzen remettent en cause ces acquis. Du côté algérien, il est clair que c'est bien le Maroc qui a torpillé le processus de normalisation alors que l'Algérie était prête à aller au bout de la normalisation avec la réouverture des frontières terrestres, selon les confessions d'un haut responsable politique algérien faites à un quotidien national. «Malheureusement au cours des derniers mois et au moment même où l'échange de visites ministérielles avait atteint une vitesse de croisière, nous nous sommes aperçus que nos voisins marocains ont multiplié les reniements en s'engageant dans des actions incompatibles avec l'esprit de rapprochement publiquement revendiqué», expliquera-t-il encore. Alger reproche à Rabat, entre autres «reniements», «l'infiltration massive» du kif rendant suspect le régime marocain qui encouragerait l'exportation de la drogue vers l'Algérie. La trêve médiatique revendiquée par Alger comme un préalable à l'assainissement des relations a été violée à travers les campagnes médiatiques incessantes contre l'Algérie alors que sur le dossier du Sahara occidental, la position de l'Algérie était claire. La dernière passe d'armes entre les deux diplomaties est encore vive avec la montée au créneau de notre ministère des Affaires étrangères qui réagissait aux propos du ministre marocain délégué aux Affaires étrangères annonçant que Rabat allait placer le dossier des Marocains expulsés d'Algérie parmi ses priorités. Le département de Mourad Medelci répond et rappelle à son voisin le non-respect de ses engagements sur le dossier des Algériens, propriétaires de milliers d'hectares de terres agricoles, expropriés injustement et non indemnisés. Les faits: le ministre marocain délégué aux Affaires étrangères, Youssef Amrani, a affirmé, en répondant à une question orale à la Chambre des représentants marocains sur le dossier des Marocains expulsés d'Algérie que ce dossier «est placé par la diplomatie marocaine parmi les priorités des questions sociales et consulaires en suspens avec ce pays (l'Algérie NDLR)», accusant au passage Alger de ne pas prendre ce sujet au sérieux. Le porte-parole du MAE algérien, Amar Belani, répondra du tac au tac que «durant la même période, des centaines de ressortissants algériens ont été expulsés du Maroc et que leurs biens ont été expropriés sans indemnisation». Rappelons que des milliers d'hectares de terres agricoles et des centaines de biens immobiliers appartenant aux ressortissants algériens ont été nationalisés sans indemnisation, à la faveur d'un dahir du 2 mars 1973, alors que les propriétaires européens ou relevant d'autres nationalités touchés par cette même mesure ont été indemnisés. Youssef Amrani mettra en avant la diplomatie marocaine qui s'engage à «défendre ses ressortissants expulsés d'Algérie pour leur permettre de récupérer leurs biens et recouvrer leurs droits» soulignant la possibilité de recourir à un arbitrage international pour y parvenir à travers «les initiatives de la société civile et des partis politiques» marocains. A ce sujet, Amar Belani rappellera les deux réunions de la commission consulaire et sociale qui se sont tenues, respectivement, les 25 juin 2003 à Alger et le 21 juin 2004 à Rabat, pour assainir les contentieux liés aux biens revendiqués de part et d'autre sur la base de la réciprocité. «Ces engagements sont restés malheureusement sans suite», dira-t-il, rendant les Marocains responsables de ces blocages.