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Abdelkader Eddoud : l'Open Source fait son petit bonhomme de chemin en Algérie

par Abdelkader Zahar

Libres mais pas gratuits, les logiciels Open Source ne font pas encore recette en Algérie. Leur utilisation est cantonnée auprès des spécialistes et des étudiants. La communauté GNU/Linux et autres partisans des systèmes d'exploitation libres tentent d'élargir son audience, freinée par l'étendue du piratage des logiciels propriétaires. Abdelkader Eddoud, directeur du Campus numérique d'Alger, nous en parle. Il invite ceux qui le veulent à venir le 2 juin prochain à l'université de Bab Ezzouar, munis de leurs ordinateurs. «Ils seront libérés», promet-il !

Depuis quelques années, les logiciels libres connaissent un grand succès notamment auprès des étudiants en informatique. Pourquoi cet intérêt ?

Les logiciels libres ont fait timidement leur apparition en Algérie à la fin des années 90 et au début des années 2000, surtout grâce l'avènement d'Internet et sa démocratisation.

Quel est l'intérêt des logiciels libres ? Est-ce uniquement le fait qu'ils soient gratuits ?

Un logiciel libre ne veut pas dire gratuit. La plupart des utilisateurs croient que c'est la seule liberté, alors que c'est faux. Je vous renvoie vers la définition du père des logiciels libres en l'occurrence Richard Stallman (www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html) dans laquelle il définit les quatre libertés, à savoir celle "d'exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0)", "d'étudier le fonctionnement du programme, et de le modifier pour qu'il fasse votre travail informatique comme vous le souhaitez (liberté 1). Pour ceci l'accès au code source est une condition nécessaire", de "redistribuer des copies, donc d'aider votre voisin (liberté 2)", de "distribuer aux autres des copies de vos versions modifiées (liberté 3). En faisant cela, vous pouvez faire profiter toute la communauté de vos changements".

Rien n'empêche, donc, de gagner de l'argent en offrant plutôt le service (configuration, formation, etc.), et non pas en vendant un code binaire fermé.

L'utilisation de l'open source a-t-elle atteint les entreprises algériennes ?

Pour le moment c'est surtout au niveau des universités qu'on enregistre un fort taux d'utilisation (surtout sur les serveurs), et dans quelques entreprises étrangères. C'est dû surtout à la quasi-généralisation du piratage des logiciels propriétaires (le taux en Algérie est de 84% en 2011, selon Business Software Alliance -BSA). Le jour où on sera obligé de payer des licences de programmes propriétaires, les logiciels libres seront sûrement un palliatif important.

Y a-t-il des mises à jour des logiciels libres ?

Derrière ces logiciels il y a, tout d'abord, une communauté. Comme le code est ouvert, dès qu'il y a un bogue, cette communauté réagit très rapidement et, grâce à l'entraide, elle diffuse les correctifs nécessaires avec des temps record. C'est ce qui fait aussi la force de ces logiciels. Alors qu'un logiciel propriétaire dans le cas pareil, il faut attendre que la société qui commercialise ce produit puisse trouver les solutions, généralement avec des délais très importants.

Qu'en est-il des questions de sécurité ?

Là aussi, les logiciels libres sont en avance par rapport aux autres. Dès qu'on découvre une faille de sécurité elle est corrigée dans les heures qui suivent. En plus, on sait ce qui s'exécute sur nos machines du fait que le code est ouvert. Alors que sur un logiciel fermé on ne sait pas s'il y a d'autres programmes qui tournent en sus du logiciel lui-même.

En Algérie, est-ce qu'on se contente d'utiliser seulement ou de produire aussi des logiciels libres ? Si oui, dans quels domaines d'utilisation ?

Il y a eu quelques tentatives de productions de logiciels libres, comme ce fut le cas de Bee-Linux (un système Linux basé sur Fedora) mais le projet n'a pas abouti. Pour le moment, les Algériens consomment les logiciels libres et certains essayent de les adapter à leurs besoins.

Y a-t-il une formation spécifique à l'Université à l'usage des logiciels open source ?

Non, il n'y a pas de formation spécifique, par contre les étudiants sont libres d'utiliser ce qu'ils veulent. En Europe et aux USA il y a des formations diplômantes dans le domaine du développement, de l'utilisation et de l'intégration de ces logiciels.

Peut-on vivre des logiciels libres ? Peut-on générer des revenus ?

Les modèles économiques sont multiples. Chris Anderson explique longuement les différents business modèles des logiciels libres (http://philippe.scoffoni.net/les-business-model-de-open-source/). Mais le plus important c'est plutôt les services offerts.

Y a-t-il des projets pour faire connaître plus la communauté Linux ? Lesquels ?

Oui les choses bougent un peu, par exemple la réactivation du groupe d'utilisateur d'Ubuntu (Loco Team of Algeria), ainsi qu'une tentative de création d'une association pour la promotion des logiciels libres.

Quel a été l'impact des précédentes manifestations pour faire connaître l'open source ?

On a remarqué une augmentation des utilisateurs de ce type de logiciels surtout dans les universités.

Le grand public y est-il convié ou est-ce réservé aux spécialistes ?

Le 02 juin il y a une fête à l'USTHB (GNU/Linux Install Party), 4e du genre, tout le monde est convié, sans aucune restriction. Même les enfants. Il y aura des ateliers et des conférences destinés aux débutants et d'autres aux plus expérimentés et aux spécialistes. Venez, ramenez votre ordinateur, il sera libéré !