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T. M. Belhadj, PDG d'AAHP : rencontre avec les molécules algériennes de demain

par Amar Ingrachen

Toufik Mostefa Belhadj est à la tête de deux grandes entreprises AAHP qu'il a fondées et Hup Pharma, qu'il a acquise. Premier exportateur algérien hors hydrocarbures pour l'année 2006, TM Belhadj a des projets de nouveaux produits en permanence.

La remontée de la filière technologique dans le monde des molécules ne lui fait pas peur. Pas plus que de dire clairement ce qui entrave les entreprenants en Algérie. Portrait.

Salon luxueux d'un grand hôtel d'Alger, Toufik Belhadj Mostefa est ponctuel. Grand de taille, l'allure alerte d'un esprit à l'écoute du monde. Attentif. Sans stress de l'homme pressé. L'agenda est pourtant chargé. Toufik Belhadj Mostefa vient tout juste de rentrer d'Espagne où il a prospecté du matériel. Le lendemain il participe à la rencontre la délégation du ministre marocain de l'Agriculture. «La gestion du facteur temps est primordiale dans tout travail d'investissement. Il faut toujours prendre de l'avance sur ses concurrents. C'est le seul domaine où ils ne peuvent pas vous rattraper facilement.» M. Belhadj ne parle pas dans l'absolu. Il raconte son histoire. Celle qui l'a conduit à figurer dans la liste suédoise des managers de l'excellence. Trait distinctif : Belhadj est apôtre du management participatif. Pour lui, tout le monde est indispensable dans l'entreprise.

De l'université à la grande aventure AAHP

Toufik Belhadj Mostefa est architecte de formation. La gestion, c'est dans les rangs de l'armée qu'il l'a apprise entre janvier 1983 et décembre 1985, où il a occupé des postes importants. Il enchaîne ensuite Magistère à distance en gestion urbaine, études doctorales inachevées dans le domaine du management, la gestion et l'organisation à Louvain. Puis passe à l'enseignement à l'université de Constantine de 1978 à 1996. C'est pourtant en chef d'entreprise qu'il est surtout connu. «Au départ, j'ai commencé par importer du paramédical» Marché saturé, il passe vers les produits vétérinaires, avec l'objectif de se professionnaliser. «Ensuite, le ministre nous ayant interpellé en 1998 pour nous lancer dans la production, nous avons vite saisi l'occasion». La vraie raison de ce virage vers la production est ailleurs : «C'est la volonté de ne dépendre d'aucun laboratoire mais plutôt de prendre son destin entre ses mains. Nous avions alors créé le Laboratoire AAHP». 140 collaborateurs dont 90% d'universitaires aujourd'hui. «Il fallait trouver un partenaire de qualité qui accepterait de nous transférer la technologie» Un groupe espagnol joue le jeu, «Alors que tous les anciens fournisseurs avaient refusé de délocaliser un marché acquis. La priorité était de former notre personnel et après 7 mois de conditionnement, on s'est lancé dans la fabrication». Le marché est alors dominé par des géants de l'industrie pharmaceutique vétérinaire. La production nationale n'existait pas encore. Obligation pour Toufik Belhadj Mostefa de se mettre aux standards internationaux. Il investit dans la formation. «Notre personnel reçoit des formations continues, à l'étranger et sur site de façon permanente. Il faut sans cesse se mettre à niveau, sinon on est vite dépassé». Le résultat est là : les sites de AAHP sont validés et par les ministères de l'Agriculture et de la Santé et par l'Agence européenne du médicament.

«Le législateur algérien pense plus à bloquer ceux qui trichent qu'à aider ceux qui travaillent»

Après avoir liquidé en 2002 tous ses stocks de produits importés et conditionnés, AAHP s'est consacré exclusivement à la fabrication. «Ce ne sont pas les exigences du ministère qui nous ont poussés à nous convertir à la fabrication. C'est plutôt une suite planifiée de notre projet d'investissement. Notre souci est d'enrichir le patrimoine technologique et économique algérien dans le domaine de la fabrication du médicament. Arriver à une autonomie et à une indépendance économique. Ce n'est pas seulement de gagner de l'argent». Une vision de long terme qui n'échappe pas à la tutelle, et au président Boutéflika : «Lors de sa visite de nos sites en 2004, le chef de l'Etat nous a remercie pour notre travail».

La position acquise sur les poudres et les solutions ne pouvait pas suffire. Pour monter un produit injectable alors, AAHP a signé un accord avec les Espagnols. Une avancée complexe et risquée. «On a pris, même seul, une avance de 10 sur nos concurrents nationaux en mettant en place le site injectable,» se réjouit finalement M. Belhadj. AAHP dispose aujourd'hui d'une gamme de 95 produits environ et met chaque année une dizaine d'autres sur le marché. Reconnu par ses concurrents, AAHP est un leader. Il exporte dans plus de 15 pays : l'Arabie Saoudite, la Libye, la Jordanie, le Soudan le Maroc. etc. En 2007, il a eu le trophée du meilleur exportateur algérien hors hydrocarbures. Pour préserver cette place de choix, il faut surmonter mille et une embûches au quotidien. «L'Etat ne nous aide pas. C'est notre seul travail qui compte. Les politiques parlent tout le temps de l'aide à l'exportation, mais il n'en est rien». Belhadj égrène une liste de défaillances. Pas de remboursement, comme prévu, des frais de transport pour participer aux salons internationaux, missions économiques inexistantes? «Je suis membre de la commission nationale pour la promotion de l'exportation, elle ne s'est jamais réunie. Le législateur algérien pense plus à bloquer ceux qui trichent qu'à aider ceux qui travaillent. Et dans la foulée, tout le monde est bloqué. Il y a une volonté politique à exporter mais pas les bons moyens : pourtant c'est tellement facile et simple».

Du développement plein les cartons avec Hup Pharma

La passivité des autorités publiques ne démotive pas le patron d'AAHP cependant. «En assistant à différents salons à travers le monde, nous avons jugé qu'il était important de fabriquer le vaccin pour élever le rang de notre entreprise. Nous nous sommes lancés dans ce projet avec nos propres moyens et une légère aide de la BNA. Et en 2008, nous avons réussi à convaincre nos partenaires espagnols pour nous accompagner dans son pilotage et cela s'est fait. Nous avons commencé à fabriquer le premier vaccin animal algérien, qui relève de la plus haute technologie de l'industrie pharmaceutique de nos jours. Son exportation est en cours». Mais Toufik Mostefa Belhadj n'est pas homme à porter ses exploits en galons. L'esprit du partage est sa deuxième nature. «Ce que j'ai réalisé ne m'appartient pas. C'est un patrimoine économique et technologique national». Par ailleurs, Toufik Belhadj Mostefa a acquis HUP PHARMA, une entreprise de conditionnement de médicament humain en 2005. Grand bond. Aujourd'hui, HUP PHARMA fabrique une quinzaine de produits avec plus de vingt autres en développement. Son objectif est de créer un grand pôle de fabrication de médicaments vétérinaires et humains. «J'ai commencé par la fabrication des médicaments qui étaient conditionnés et à forte consommation, pour passer par la suite à d'autres médicaments de spécialité, tel que la diabétologie, la cardiologie, Alzheimer, etc. Actuellement, une autre gamme est en cours de développement. Les études sont terminées». Le patron d'AAHP ambitionne aussi de fabriquer le vaccin humain pour le compte de HUP PHARMA.