Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Conférence d'Alger sur le terrorisme: A menace globale, riposte globale

par Ghania Oukazi

L'Algérie appelle la communauté internationale à respecter la résolution onusienne criminalisant le paiement des rançons et à élaborer une stratégie commune pour lutter contre le terrorisme et le crime transnational organisé.

La conférence sur le partenariat, la sécurité et le développement entre les pays du champ et les partenaires extrarégionaux s'est ouverte hier au Palais des nations de Club des pins, en présence de représentants de plus d'une trentaine de pays et d'organisations régionales et internationales. Les plus en vue sont, en évidence, les ministres des Affaires étrangères des quatre pays du champ à savoir l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger, le commandant de l'Africom et la vice-secrétaire adjointe au département d'Etat et vice-coordinatrice des affaires régionales au bureau du coordonnateur de la lutte antiterroriste, le conseiller du président français et le britannique chargé de la lutte antiterroriste auprès du Foreign Office. Ils le sont de par le changement de leur attitude vis-à-vis du terrorisme et de l'Algérie qu'ils ont pratiquement ignorée durant sa guerre contre le terrorisme dans les années 90. Il a fallu les attentats du 11 septembre 2001 pour qu'ils acceptent de considérer la menace terroriste comme globale. Aujourd'hui, ils conviennent tous qu'ils se doivent d'appuyer les efforts des pays de la région en matière de lutte antiterroriste tout en affirmant que ces derniers en portent la responsabilité première. Ils confortent aussi l'Algérie dans ce qu'elle pressent comme détérioration et complication de la situation sécuritaire dans la région du Sahel à cause du conflit libyen. Dans sa déclaration d'hier, le gouvernement algérien a noté par la voix de son ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines que « la présence de nombreuses délégations étrangères à Alger atteste de l'importance accordée au partenariat dans notre région, de la qualité des discussions qui vont être menées durant ces deux jours et de la mobilisation des institutions onusiennes contre la menace terroriste ». Menace que l'Algérie qualifie de « globale nécessitant une riposte globale ». L'appel de l'Algérie est pressant en faveur d'un respect rigoureux de la résolution 1964 criminalisant le paiement des rançons en cas de prise d'otages ainsi que l'adoption d'une stratégie globale pour lutter contre le crime transnational organisé, le trafic des armes, celui de la drogue mais aussi contre la pauvreté et le sous-développement. Elle lie ainsi étroitement la sécurité et le développement pour lesquels elle demande de définir les orientations nécessaires pour leur réalisation.

Les demandes algériennes

 Abdelkader Messahel rappelle que les quatre pays du champ ont adopté une vision commune et «une stratégie régionale intégrée et cohérente» en matière de lutte antiterroriste mais ont besoin d'aides matérielles et financières pour lutter contre l'ensemble des fléaux qui déstabilisent les populations de la région du Sahel. « Nous considérons que le moment est venu de donner une forte impulsion à notre coopération », estime Messahel. Il réclame ainsi « un partenariat actif (qui) peut apporter les réponses nécessaires en matière de formation, de logistique, de renseignement et de projets de développement ». La complexité de la situation qui prévaut dans la région est expliquée par les conséquences de la crise libyenne. « Le risque d'insécurité dans la région est lié aux répercussions du conflit libyen, les flots des armes en circulation et les charges supplémentaires engendrées par l'afflux massif des travailleurs africains de la Libye vers notamment le Niger et le Mali », explique le ministre délégué. L'Algérie appelle la communauté internationale à « travailler de concert pour fournir l'éradication du terrorisme et de ses interconnections ». Avant Messahel, c'était le ministre des Affaires étrangères du Mali qui avait souligné « la promptitude avec laquelle l'Algérie a organisée la conférence parce qu'elle a été décidée à peine trois mois avant, c'est-à-dire après la réunion de Bamako ». Il fera lecture des défis auxquels les pays de la région sont confrontés et aux problématiques compliquées qui en découlent et dont la résolution exige, selon lui, une démarche unitaire. « Il y a des défis internes liés aux facteurs de vulnérabilité de nos pays », fait-il savoir. Il rappellera que les pays de la région ont été des zones de rébellions attisées par des revendications identitaires quelques fois violentes, des problèmes économiques, le crime transnational organisé et l'accroissement de la menace terroriste.

«Une coopération, une complémentarité, une coordination, une cohérence»

 Le MAE malien estime que « le 4ème défi est lié à la nature de la réponse que nous allons apporter ensemble ». Une réponse qu'il veut donc « multinationale, pour un contexte régional assez complexe ». Ce qui impose, dit-il, « une coopération, une coordination, une complémentarité et de la cohérence ». Ceci pour, ajoute-t-il, « transformer la zone du Sahel en zone de sécurité ». Il veut qu'une telle alliance aille « au-delà des convergences en matière de diagnostics». Le MAE mauritanien s'allie à ses pairs des autres pays du champ pour faire valoir «la nécessaire dualité entre le développement et la sécurité qui doit être au cœur de la stabilité des Etats du Sahel ». Ce sont ainsi, explique-t-il, « 8 millions de km² dont la stabilisation et la sécurité exige une approche unique et unifiée ». Il rappelle que « les frontières sont difficilement contrôlables et la sécurité est liée à des conflits ouverts, aux armes qui circulent librement, au recrutement de la jeunesse dans des organisations criminelles, dans les groupes terroristes en plus des effets de l'émigration clandestine ». Le MAE nigérien fait part de « certaines avancées institutionnelles entre les quatre pays du champ au niveau notamment de leur comité d'état-major opérationnel conjoint (CEMOC) et l'unité Fusion et Liaison (UFL) ». Le conflit libyen et la recrudescence des actes terroristes ont, selon lui, totalement dégradé la situation. « Nous étions unanimes à attirer l'attention sur les grands risques d'insécurité en raison du conflit libyen qui ont transformé la région en poudrière », affirme le chef de la diplomatie du Niger. Il fait savoir que son pays a intercepté le 12 juillet dernier un véhicule transportant 500 kg de senpax, une forte matière explosive, et quelques jours plus tard un nombre important de 4x4 volés qui circulaient dans le désert sahélien. « Cette logistique influe négativement sur la lutte antiterroriste », dit-il. Il estime que « les zones sahariennes ont besoin d'un plan rigoureux de développement pour mettre fin à leur isolement géographique ». Le MAE nigérien pense qu' « il faut agir vite et bien contre l'AQMI notamment au niveau du Mali et du Niger. Il faut le faire à travers un leadership algérien plus rigoureux ».