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Des blessés et des interpellations: La marche du RCD empêchée

par Z. Mehdaoui

Les autorités ont déployé de gros moyens pour empêcher la marche à laquelle avait appelé le parti de Saïd Saadi, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).

Des dizaines de policiers ont pris position dans plusieurs quartiers de la capitale, dès les premières heures de la matinée. Idem au niveau de l'autoroute où des policiers veillaient au grain. Les fourgons et les bus se rendant vers Alger/centre sont systématiquement arrêtés et contrôlés par les services de sécurité qui ont procédé à la fermeture d'une partie de l'autoroute, au niveau notamment des bananiers et de Hussein Dey. Il a fallu hier, pas moins de deux heures pour traverser une dizaine de kilomètres sur l'autoroute menant vers Alger alors que le trajet, les week-ends notamment, ne nécessite qu'une dizaine de minutes. Des bouchons interminables ont été constatés dès 8h du matin, sur ce tronçon de l'autoroute. Une fois les «barrages filtrants» dépassés, la circulation devenait fluide, comme un vendredi après-midi. Hier, rien ne renseignait qu'une marche ou un événement quelconque allait se dérouler. Il faut arriver à la place de la Concorde (1er Mai) pour voir un impressionnant dispositif sécuritaire.

 En effet, des dizaines de camions, de fourgons, de 4x4 sont stationnés dans tout le quartier et même en dehors. La police anti-émeutes a pris position à la place de la Concorde, jouxtant l'hôpital Mustapha Pacha, dès les premières heures de la matinée. Le dispositif est déployé jusqu'à la maison de la presse. A l'avenue de l'ALN, devant le siège de la Cour des comptes, ce sont des dizaines d'autres fourgons de la police qui stationnaient. En fait hier, à la place du 1er Mai, il y avait plus de CNS et de policiers en civil, que de simples citoyens. Aucun attroupement n'a été constaté dans cette place d'où devait démarrer initialement la marche du RCD. Même le marché Ali Mellah, en face de l'hôpital Mustapha Pacha, fréquenté par des milliers de personnes, les jours de repos en particulier, n'a pas drainé de monde, hier. Les Algérois ont préféré rester chez eux pour éviter tout désagrément.

 Ailleurs à Alger/centre, rien «d'anormal». Les commerces et les cafés étaient ouverts et les gens vaquaient normalement à leurs occupations, même s'il n'y avait pas grand monde dans les rues.

Le seul «indice» qui faisait croire que quelque chose se passait ou allait se passer, à Alger, c'était l'hélicoptère de la police qui survolait la ville sans arrêt, marquant des haltes en plein ciel, pour prendre des photos ou filmer certains endroits.

Le siège du RCD quadrillé par la police

En réalité ce qui s'est passé hier était très simple. Si la marche du RCD n'a pas eu lieu c'est parce qu'une «armada» de policiers a pris position devant le siège du RCD, pour empêcher quiconque de battre la pavé. A 10h, la rue Didouche Mourad, à proximité du siège du RCD, le boulevard le plus fréquenté de la capitale, était assiégée par la police. Quelques dizaines de militants étaient sur le trottoir et sur une partie de la chaussée mais étaient quadrillés par des policiers anti-émeutes empêchant quiconque d'aller plus loin. Les manifestants excédés, brandissant le drapeau national et le drapeau tunisien ont scandé des slogans hostiles au pouvoir tels que «Pouvoir assassin», «Pouvoir dégage» et d'autres slogans encore tels que «Djazair Hourra Democratia (Algérie libre et démocratique).

 Certains manifestants ont brandi un cercueil en papier recouvert du drapeau national. Vers 10h30, devant le refus de la police de laisser quiconque se diriger vers la rue, les manifestants et militants du RCD ont décidé alors de forcer le cordon de sécurité, ce qui a donné lieu à des échanges de coups.

 Du haut du balcon du siège du RCD, des militants ont jeté des chaises et des pieds de tables sur les policiers, ce qui a donné lieu à des affrontements. Des policiers en civil sont alors intervenus pour interpeller certains manifestants, à leur tête des militants du RCD munis de mégaphones. Le photographe du journal «Ennahar» a été atteint à la tête et transporté à l'hôpital Mustapha Pacha. Certains militants ont été embarqués par la police.

Le face-à-face a duré environ une vingtaine de minutes. Les policiers réussiront finalement à repousser les militants du RCD à l'intérieur du siège du parti. Plusieurs blessés sont à dénombrer aussi bien du côté des manifestants que de celui de la police.

Saïd Saadi déterminé à «poursuivre le combat»

Dans une conférence de presse organisée au siège du RCD, quelques minutes après les incidents, Saïd Saadi n'a pas mâché ses mots.

«On a voulu organiser une marche et on nous a répondu par une bataille d'Alger. Il ne manquait que le général Massu», a déclaré le président du RCD qui a affirmé que toutes les issues vers Alger étaient bloquées. Il soulignera que des bus transportant des manifestants ont été détournés vers des commissariats. Plusieurs manifestants auraient été arrêtés avant même d'accéder à la capitale, soutient Saïd Saadi.

«A travers cette marche, nous avons voulu le changement du système politique et non le pouvoir ou le gouvernement», a-t-il encore déclaré, en annonçant qu'il y aura d'autres initiatives à l'avenir avec «d'autres partenaires». Concernant ce qui venait de se passer devant le siège de son parti, le premier responsable du RCD a affirmé que «nous n'avons pas voulu que la situation dérape». Le conférencier soutient que quelque 3.000 policiers ont été dépêchés d'autres wilayas pour épauler le dispositif déjà mis en place dans la capitale.

 «Le pouvoir en place n'a aucune autre initiative en dehors de la corruption et de la violence» a déclaré Saïd Saadi qui a ajouté «nous sommes déterminés à poursuivre le combat».

 Saïd Saadi a, par ailleurs, affirmé que la police a tabassé plusieurs députés de son parti devant son siège. Il citera notamment le député Athmane Maazouz et Arezki Aider. Ce dernier, selon Saadi, a été arrêté puis relâché. «Nous sommes devant une impasse historique» a encore ajouté le responsable du RCD. Il ajoutera que l'opposition ne baissera pas les bras et «qu'on ne confond pas les victimes et les bourreaux». Le RCD a-t-il échoué dans son action ou c'est plutôt l'Etat qui a réussi à faire avorter cette manifestation ? Seul l'avenir nous le dira. Mais en attendant, certaines parties qui ont cautionné la marche du RCD, se sont démarquées hier. C'est le cas du FFS qui a clairement fait savoir, dans un communiqué parvenu à notre rédaction dans l'après-midi, que «dans l'étape actuelle, les priorités politiques du FFS, ne lui permettent pas de s'associer à la proposition d'un appel à une marche à Alger».