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Le président de l'APN: «Le projet de loi criminalisant le colonialisme pas à l'ordre du jour»

par El-Houari Dilmi

«L'élaboration des lois de la République ne répond pas aux mêmes impératifs que la productivité en matière d'économie, parce que le problème ne se pose pas en terme de quantité mais de qualité des textes législatifs adoptés et leur impact sur la vie générale de nos concitoyens», a indiqué hier le président de l'Assemblée populaire nationale, M. Abdelaziz Ziari, invité du premier numéro de l'émission politique hebdomadaire de la Chaîne III de la radio algérienne.

En effet, répondant à une question sur «l'état de santé» de l'institution qu'il préside, le troisième personnage de l'Etat a estimé que «contrairement à ce que certains pourraient penser, l'apprentissage de la vie selon les règles de la démocratie est encore long devant nous, parce qu'une démocratie qui se porte bien est celle qui implique des responsabilités pleinement assumées aussi bien du côté du pouvoir en place que de l'opposition, qu'elle soit représentée dans les institutions élues ou pas», a-t-il répondu.

Concernant le «rôle véritable» et la raison même «d'exister» de la chambre basse du Parlement, Abdelaziz Ziari, avec son calme olympien habituel, a rétorqué que l'APN est «plus victime des jugements de valeur des plus injustes, parce que d'aucuns tombent facilement dans le piège de la comparaison avec d'autres pays aux traditions démocratiques autrement plus assises que les nôtres, et quand je dis d'autres pays, je suis sûr que vous devinez de qui je parle», a-t-il affirmé sur un ton ironique. Tout en reconnaissant que les députés composant la première institution élue du pays «ne travaillaient pas tous avec la même ardeur, l'APN légifère en fonction du rythme de la vie politique du pays», a-t-il estimé, ajoutant que la priorité de l'institution qu'il préside était surtout «de contribuer à une plus grande stabilisation dans le fonctionnement des grandes institutions dont est dotée la Nation». Et concernant l'absence d'initiative de la part des députés qui ont pour «péché mignon» de ne jamais proposer un projet de loi dont la philosophie générale est élaborée dans les bureaux de l'hémicycle du Palais Zighout Youcef, Abdelaziz Ziari, tout en se félicitant de la «parfaite coordination avec le gouvernement», a expliqué que «l'exécutif gouvernemental était mieux placé pour connaître les champs et les domaines où il doit légiférer, améliorer ou modifier les lois. Parce que aussi le défi, ce n'est pas qui commence le premier, mais qui fait réellement la loi, a quel moment, comment, pourquoi et à quelles fins», a-t-il souligné.

Interrogé sur une éventuelle dissolution de l'APN, comme réclamé par certains partis politiques de l'opposition, l'occupant du perchoir de l'Assemblée populaire nationale a expliqué qu'il n'y a «aucune raison valable pour dissoudre un parlement pluraliste élu au suffrage universel direct. Je peux vous l'assurer, l'APN actuelle ira au bout de son mandat», a-t-il tonné, sur un ton presque provocateur, ajoutant au passage que «de toutes les façons, son parti (ndlr: le FLN) disposait d'une majorité écrasante et qu'il est donc censé exprimer l'opinion de la majorité des Algériens conformément aux règles du jeu émocratique».

Concernant le projet de loi criminalisant le colonialisme, Ziari a indiqué, selon l'APS, qu'il ne sera pas présenté au Parlement durant cette session ni la session qui suit, pour des «considérations diplomatiques et juridiques». Il a souligné que la loi portant sur la criminalisation du colonialisme «n'est pas inscrite à l'ordre du jour de la session actuelle ni probablement pour la session qui suit», liant cette décision à des considérations «diplomatiques, internationales et juridiques». Il a souligné, dans ce cadre, qu'un texte juridique relatif à cette question demande «beaucoup de réflexion» et pose également un «certain nombre de problèmes qui doivent être résolus». Et de souligner que l'Algérie reste «ferme sur sa position» et exige du colonisateur français de «reconnaître ses crimes commis dans ses anciennes colonies, en particulier l'Algérie».

A propos de la fameuse loi de règlement budgétaire, considérée comme l'un des moyens de contrôler l'action du gouvernement en matière de gestion de l'argent public, le président de l'APN, sans s'étaler sur les raisons réelles, a reconnu que cette loi n'existe pas depuis la fin des années quatre-vingt avec «il est vrai, un lourd passif qui reste à éponger», a-t-il révélé. Et comme cette loi de règlement budgétaire, vue aussi comme un quitus donné par le Parlement au gouvernement, est soumise à certaines conditions légales comme le rapport préalable de la Cour des comptes, «nous espérons que cette loi sera présentée par le gouvernement avant la fin de la session parlementaire d'automne qui sera néanmoins marquée par le plan quinquennal en cours et la loi de finances pour 2011» a indiqué Ziari. «Même si notre économie reste encore fragile en raison de cette addiction dangereuse aux hydrocarbures, force est de reconnaître que jamais dans l'histoire du pays, la rente pétrolière n'a été aussi bien distribuée», a encore déclaré le président de l'APN au micro de Djahida Mihoubi, animatrice de l'émission politique de la Chaîne III, ajoutant que même «si le contrôle de l'action du gouvernement reste la raison d'être du député, investi d'un mandat national, ce dernier, en raison de son statut actuel, n'a pas d'obligation de résultat, parce que les choses fonctionnent ainsi».

 Abordant la question de la révision des codes communal et de wilaya, Abdelaziz Ziari a rappelé le caractère «très important» de ce texte de loi, indiquant qu'il avait «l'espoir de voir ce nouveau texte adopté et entrer en vigueur avant les prochaines échéances électorales» sans préciser lesquelles. Interpellé sur le lourd dossier de la corruption en Algérie, l'invité de la Chaîne III, tout en reconnaissant que le «mal sournois minait surtout le secteur public, générateur de plus d'argent que le secteur privé», a qualifié les diverses structures créées jusque-là, «souvent dans la précipitation et sans stratégie aucune», pour lutter contre la corruption, de «mauvaise plaisanterie».

 Estimant que «l'argent et la corruption constituaient deux membres d'une même équation mathématique quasi insoluble», selon ses propres termes, le troisième personnage de l'Etat a estimé que certaines formations politiques de l'opposition «n'étaient pas fondées» pour réclamer la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur la corruption, «d'abord, parce que la demande émanant de ces partis est inacceptable dans la forme mais aussi parce que le travail d'une commission d'enquête parlementaire, ce n'est pas comme un travail de thèse de recherche universitaire», a-t-il ironisé. Actualité brûlante oblige, la question de la lutte terroriste a été l'autre sujet sur lequel Ziari a été invité à s'exprimer.

 Ce dernier a expliqué que «les autorités algériennes, à tous les niveaux, militent activement pour la criminalisation du paiement des rançons, applicable à tous les pays, parce que nous estimons que c'est là la première ressource de financement du terrorisme, oeuvre inavouée et inavouable de ceux-là mêmes qui soi-disant se disent en première ligne de front contre le terrorisme international».

 La révision de la Loi fondamentale du pays et une éventuelle révision du système «faussement» bicaméral en cours en Algérie, la stratégie du FLN et les alliances qu'il compte nouer en prévision des prochaines échéances électorales, et le projet de création d'une chaîne de télévision parlementaire, «nécessaire à une redynamisation du débat d'idées» ont été les autres questions auxquelles a répondu sans détours celui qui est présenté comme un «homme politiquement très riche».