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Le CRIDISH portera le nom d'Abdelkader Djeghloul

par Ziad Salah

La procédure de baptiser le CRIDISH au nom d'Abdelkader Djeghloul est entamée», a annoncé le recteur de l'université d'Es Senia, Larbi Chahed dans son allocution d'ouverture de l'hommage rendu à Abdelkader Djeghloul, jeudi dans l'après-midi. Par ailleurs, un colloque international lui sera consacré en avril 2011, ajoutera-t-il. Dans son intervention, il rappellera que c'est Kader (le petit nom par lequel on l'interpellait) qui a exhumé Ibn Khaldoun et Frantz Fanon. Le défunt, mort le 20 avril 2010 au Maroc, a rejoint l'université d'Oran en 1969. Se démenant sur plusieurs plans, il a été derrière l'université populaire de Saïda. En 1973, il mettra en place «la cellule de développement l'Ouest». L'on apprendra que Djeghloul, avant de mourir, nourrissait le projet d'une université populaire nomade. Après avoir participé à la mise en place des bases de l'enseignement de la sociologie, Djeghloul se consacrera à la recherche en créant le CDSH, devenu par la suite le CRIDISH. En 1987, Djeghloul quittera l'Algérie pour la France. Il insufflera une vie à la publication «Actualités de l'immigration». Deux anciens recteurs de l'université rappelleront, dans des interventions improvisées, quelques souvenirs avec le défunt. Le professeur Lazreg dira : «Il a apporté une aide considérable au développement de la jeune université». Et d'ajouter : «Il m'a présenté un CV en quinze pages». M. Bouziane dira: «Il était un commis de l'Etat exemplaire».

 Mohamed Moulfi, professeur de philosophie, préférant «le portrait» à «l'hommage», ne s'empêchera pas de crever quelques abcès. Il parlera de «l'amertume de Djeghloul à l'égard des Oranais». A comprendre la communauté universitaire oranaise. Et d'expliquer que, «lors de notre rencontre à Alger en 2006, à l'occasion d'un colloque sur Derrida, Djeghloul me balança : vous m'avez abandonné». Tous ses collègues se remémorent que le professeur a vécu des moments difficiles à Oran avant d'être «repêché» par la Présidence de la République. Moulfi parlera de l'enthousiasme de Kader pour «la révolution en Algérie et la révolution mondiale».

 Même sur ce plan, il a été «diabolisé», dira-t-il. Sur le plan universitaire, Moulfi, étudiant et par la suite assistant de Kader, évoquera «sa haute idée de l'université» et son grand souci pour «une éthique universitaire». Continuant sur sa lancée, Moulfi ajoute: «C'est son audace qui nous a introduit dans les débats intellectuels de l'époque». C'est aussi sa lucidité qui l'a poussé à quitter l'université quand il a perçu sa déliquescence inéluctable. Moulfi terminera en annonçant: «La plus grande reconnaissance qu'on peut lui manifester c'est ramasser ses écrits et travaux».

 Se plaçant sur le même plan que son collègue, Manser, professeur de sociologue, transgressera quelques non-dits. Il dira que l'Université d'Es Senia a refusé la réintégration à Djeghloul en 1997. Il reconnaîtra que c'est grâce à Kader qu'il est devenu universitaire. «En me recrutant, il m'a hébergé quelques semaines chez lui». Il parlera de sa participation au «cercle des études marxistes léninistes», créé en 1967 par Ali El Kenz. Manser osera parler de «période de parti unique mais pas de pensée unique». Recensant les apports de Djeghloul sur le plan théorique, il dira: «C'est lui qui a introduit le concept de mode de production asiatique» et de «mode de production de l'Algérie pré-coloniale». Toujours sur le plan intellectuel, Manser ajoutera que Djeghloul, penseur libre, «a échappé à l'emprise du marxisme et du structuralisme, modes de pensées dominants à l'époque». Défricheur de terrains de recherche, Djeghloul s'est intéressé aux élites et à la place et au rôle des élites dans la construction de l'Etat. Manser citera ses écrits sur M'Hamed Berrahel, Allalou, El Khaldi et tant d'autres. Enfin, Manser évoquera la question tant controversée de la proximité de Djeghloul avec le pouvoir. Il conclura: «Il était profondément patriote».