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L'expertise des biens d'Eepad ouvre la voie à sa mise en faillite

par Faical Medjahed



Le conflit opposant l'opérateur privé Eepad et Algérie Télécom attend son épilogue. Un expert judiciaire a été chargé par le tribunal d'Alger d'estimer les biens d'Eepad. Prélude à une décision de mise en faillite ?

Algérie Télécom a déposé une plainte auprès du tribunal d'Alger contre l'opérateur privé Eepad au sujet des créances impayées. La justice s'est déjà prononcée en faveur d'Algérie Télécom dans une plainte d'Eepad pour contraindre l'opérateur public à rétablir les liens (E1) d'interconnexion. Cette décision, prononcée en appel, signifiait que la clause de continuité du service invoquée par Eepad ne pouvait prévaloir dans le cas de non-paiement des dettes. Désormais la justice va devoir statuer sur la plainte d'Algérie Télécom au sujet des créances détenues sur Eepad. Selon des sources proches de l'affaire, un expert judiciaire a été désigné par le Tribunal pour faire une évaluation exhaustive des biens d'Eepad que dirige Nouar Harzallah. L'opérateur privé a déjà remis un rapport d'évaluation de ses biens à l'opérateur public dans le cadre des tractations menées pour trouver une solution. Désormais, indiquent nos sources, il reviendra à l'expert judiciaire de faire une contre-expertise qui sera soumise au tribunal d'Alger. « C'est sur la base de ce document que le tribunal statuera sur le litige au sujet de la dette qui oppose Algérie Télécom à l'Eepad», ajoutent nos sources. La procédure pourrait être le prélude à une liquidation judicaire d'Eepad qui passait, il y a encore peu, pour une des meilleures « réussites » économiques du secteur privé et qui plus est dans un secteur de pointe. Avant d'en arriver à la solution judiciaire qui, en général, signifie que les possibilités de solutions amiables sont épuisées, Algérie Télécom et Eepad avaient planché sur un plan d'action en dix points.

Un plan en dix points dans les tiroirs

 Ce plan prévoyait la reprise du management de l'Eepad par Algérie Télécom, l'entrée d'AT dans le capital et le rapatriement en Algérie de la plate-forme de Zala Télécom domiciliée en France. Zala Télécom est une société spécialisée dans les services de télécommunications comme la VoIP (téléphonie sur Internet) et la conception de logiciel. Elle a réalisée, selon les statistiques du registre du commerce français, un chiffre d'affaires de 6,8 millions d'Euros en 2007, soit l'équivalent de plus de 70 milliards de centimes. Le plan prévoyait également un basculement direct des abonnés de l'Eepad dans 30 wilayas vers Algérie Télécom et le rétablissement de la connexion Internet pour les usagers d'Assilabox sis dans cinq wilayas, en l'occurrence Alger, Annaba, Constantine, Oran et Sétif. Les concepteurs de plan ont proposé un partage de revenus 50-50% entre Algérie Télécom et l'Eepad avec une gestion commune de l'entreprise. Algérie Télécom se retrouvait, dans le cadre de ce plan, avec une part de 60% d'Algérie Télécom dans le capital de l'Eepad.

 La direction d'Algérie Télécom qui souligne n'avoir aucun intérêt à la disparition d'Eepad était intéressée par une prise de participation dans Eepad. Le conseil d'administration d'Algérie Télécom est beaucoup plus réservé. Il a déjà rejeté une proposition de rachat du provider privé Eepad car les dettes accumulées par cette dernière paraissent rédhibitoires : 1,5 milliards DA auprès des banques BEA (banque extérieure d'Algérie) et BDL (banque de développement local), plus 350 millions de DA pour Mobilis. A cela s'ajoute, une ardoise de 500 millions de DA auprès des services des impôts, confie une source proche de ce dossier?Ces dettes cumulées par l'Eepad ont dissuadé, selon nos sources, le conseil d'administration d'Algérie Télécom à accepter l'option du rachat de l'Eepad.

Un sauvetage impossible ?

 Pour rappel, Algérie Télécom a définitivement coupé les liens d'interconnexion à Eepad, le 3 septembre 2009, en raison du non-respect par l'opérateur privé d'un échéancier du paiement de la dette conclu en juin 2009 et prévoyant le versement de 50 millions de DA par mois en sus d'une première tranche de 460 millions de DA. Nouar Harzallah, PDG de l'Eepad, a imputé une partie de cette dette « à la baisse de 50% des prix d'accès Internet annoncée le 20 avril 2008 par l'ancien ministre Boudjemâa Haichour».

 Il reste qu'en termes de communication, les 35.000 abonnés déconnectés de l'Eepad sont restés dans le noir. Des milliers d'entre eux ont déjà migré vers l'opérateur public. Le sauvetage d'Eepad, même s'il est souhaité en apparence par les pouvoirs publics, est devenu une mission quasiment impossible?