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Alors, laisser dire ?

par Ali Brahimi

Une orge, cela ressemble à une fille : elle s'accroît rapidement. Alors que le blé, c'est comme un garçon : il grandit lentement. «Adage d'anciens céréaliculteurs des Hauts Plateaux algériens»

Au vu de leurs différentes analyses pertinentes, des observateurs indépendants de tout lien partisan et détachés de toutes accointances contre-productives attachent, cependant, beaucoup d'attention à l'actualité intéressant la vie quotidienne de leurs concitoyens et commentent, en toute neutralité, les déclarations des gouvernants ainsi que leurs stratégies de développement économique, social et culturel, au profit des communautés.

 Ces scrutateurs des événements majeurs touchant l'intérêt général ont, en vérité, pour seul souci de vouloir éclairer autant que possible l'opinion publique et ne prétendent nullement détenir la solution idéale, car il n'en existe pas tout simplement et, à partir de là, ils ne formulent que des points de vue et les étalent pour appréciation auprès des agents gouvernementaux, sans pour autant qu'ils flattent à contre-courant des réalités, ou alors de dénigrer quiconque, encore moins qu'ils attendent de la considération de qui que ce soit !

 En revanche, c'est au seul profit du pays en premier lieu et, en second lieu, d'avoir un sentiment de pleine satisfaction personnelle car nous essayons, un tant soit peu, de clarifier des zones d'ombre et d'émettre des avis, des axes de réflexions ayant pour seul but d'étoffer la communication et d'informer les gens soucieux de leur devenir et celui de leurs enfants, sur les contradictions et revers issus d'organes gouvernementaux, et ce, à cause de leurs approches de développement qui se sont avérées, bel et bien, en deçà des objectifs tracés et des espoirs suscités, tout en sachant que nul n'est infaillible et indemne de défauts et d'erreurs.

 Cependant, beaucoup de gens de bonne volonté restent, malgré tout, foncièrement animés par de bonnes intentions constructives et, également, du souci permanent de se corriger constamment de ces lacunes, au fur et à mesure de l'évolution des choses, afin qu'ils ne se fourvoient indéfiniment dans des voies tortueuses jusqu'à la lassitude voire l'exaspération et, à partir de là, ils handicapent sans s'en apercevoir des fois, souvent volontairement, toutes critiques constructives et conséquentes, pour le seul intérêt général, susceptibles de redonner confiance voire stimuler de nouveaux élans définis en projets mieux améliorés qu'auparavant et plus améliorant, effectivement, au profit de secteurs économiques stratégiques à l'instar de celui de l'Agriculture notamment sa filière céréalière ainsi que celle de son financement.

 

STATISTIQUES AGRICOLES ET INTRIGUES TOUT AUTOUR DE LA FARINE DE «KHOBZA»

A ce propos, à la fin de la semaine écoulée, il a été question encore une fois, lors de la réunion des cadres céréaliers, du bilan de la campagne moissons-battages 2008/2009 et bien d'autres sujets. En effet et d'après M. le Ministre chargé de ce département, via le journal télévisé de 20 h en date du 24 septembre 2009, il parait que le pays aurait une production de près de 60 millions de quintaux toutes céréales confondues. Du jamais vu, depuis l'indépendance nationale !

 Cependant, et d'après ses mêmes déclarations, l'orge vient en tête en termes d'autosuffisance - au profit du bétail bien évidemment - pour une durée de quatre années - 3 ans rapporté par le quotidien El khabar du 25/09/2009 - alors que pour les blés, constituant la base de notre pitance quotidienne, ils ne pourront satisfaire les besoins grandissants de la population que pour 7 mois seulement tout en sachant qu'ils ont atteint un chiffre record estimé à 3,5 millions de tonnes d'après le même responsable soit 35 millions de quintaux de blés, soit juste un quintal/habitant/an. L'orge, quant à elle, a atteint le chiffre de 24 millions de quintaux.

 En outre, toute la quantité ou presque de l'orge serait réservée, particulièrement, pour le cheptel ovin grand consommateur habituel de ce grain fourrager étalon en termes énergétiques. Espérons que cela va se répercuter sur le prix de la viande rouge au cours de la période considérée - ce qui n'est pas évident - tout en sachant qu'il existe d'autres facteurs contraignants dont la non maîtrise de la conduite de l'élevage, d'une manière générale, et des... statistiques agricoles souvent biaisées, en particulier. En effet, dans le domaine agricole, comme dans d'autres secteurs, tout est basé sur la fiabilité des données recueillies au lieu même où, effectivement, se déroule le processus de production, et ce, selon des méthodes rigoureuses plusieurs fois testées sur le terrain.

 Dans ce même sillage, nous tenons à rappeler les actes du symposium tenu à Alger le 28/10/2008 et regroupant plus de 250 participants spécialistes céréaliers, dont des cadres dirigeants de l'Association française de promotion céréalière. Ce séminaire avait fait l'objet d'un article, de notre part, intitulé «laissez-passer laisser-faire ! », paru au Quotidien d'Oran du 13 novembre 2008. Son président stipulait : «L'investissement réel et concret doit être fait par les entrepreneurs algériens. Ce n'est qu'après que l'interprofession française apportera son aide technique pour les semences et sur les investissements de recherches». Et de notre part de remarquer : «A notre connaissance, le nerf de la guerre - du savoir lié à l'intérêt marchand - ne s'octroie jamais. Mais alors pas du tout semble insister de par son message tout en clarté. C'est du tout franc !». Et au dit président de dévoiler : «La France a livré à l'Algérie en 2007/2008, plus de 2 millions de tonnes de blé tendre et 400 000 tonnes de blé dur».

 Selon les informations données, lors dudit séminaire, cette volumineuse quantité ne représentait que 50 % de nos importations en ces deux sortes de blés. Logiquement, et selon ses dires, nous importons donc globalement 48 millions de quintaux. De l'inimaginable ! Par contre, durant 2009/2010, nous allons importer 35 millions de quintaux de blés au lieu de 48 millions de quintaux environ l'année précédente, soit un gain estimé à 13 millions de quintaux ; soit exactement 50 % des 70 millions de quintaux jugés suffisants pour nos besoins annuels, et ce, d'après toujours le responsable dudit département ministériel. Et... d'une certaine méthode d'établir des statistiques ainsi branlantes voire fluctuantes au gré des circonstances, des humeurs et craintes du moment. Dans une telle ambiance, allez donc sasser le blé de l'ivraie !

 Dans le sens de ce dernier propos, il est utile d'insister pour que toute la quantité moissonnée, en blés, ou bien seulement estimée grosso modo par des... sondages souvent bâclés, malheureusement, soit effectivement engrangée pendant un laps de temps optimal et qu'elle présente toutes les bonnes qualités boulangères. Ce qui n'est pas du tout évident au vu du pêle-mêle défini en déclarations faisant état du manque de silos suffisants pour emmagasiner l'exceptionnelle récolte de cette année. A l'image de la pomme de terre ! Ce qui accentue encore plus «l'envie» d'importer de la florence aurore, entre autres, de France bien entendu : une variété de blé tendre de haute qualité. Pourtant hier, celle cultivée dans la terre algérienne, elle était plus belle et productive car bénéficiant en plus, de l'ensoleillement et d'un milieu notamment humain favorable et généreux, des techniques culturales performantes.           Aujourd'hui, ce n'est pas le soleil qui manque le moins, ni d'ailleurs les terres céréalières de plus en plus en friche ou bien carrément bétonnées, c'est bel et bien le manque du savoir et le pertinent labeur d'hommes et de femmes d'autrefois ! Et au journaliste du quotidien l'Expression, du 29/10/2008, rapportant les actes dudit colloque, d'ajouter avec pertinence : « Au vu des explications fournies par les experts en céréales, nos responsables devraient rougir pour ne pas avoir su exploiter nos richesses naturelles. Quel gâchis !». Et d'ajouter de notre part : «Mieux, de l'inconscience généralisée aussi bien au plan de nos ressources, malgré quelques initiatives généreuses qui restent en deçà des enjeux ; que des échanges marchands insuffisamment maîtrisés car non basés sur de la négoce pénétrante conjuguée pertinemment à des rapports de force intelligemment entretenus, soit en cartel ou à part entière à notre avantage». Malheureusement, nous en sommes encore loin de cet état d'esprit affrontant les difficultés et autres crises en la matière !

 Et au président de l'Association française de promotion céréalière de répondre, justement, à une question relative à la crise financière internationale et de ses impacts en la matière : « La crise financière n'aura pas un impact sur la disponibilité de la marchandise». Où se trouve le rapport ? Et au dit Président de poursuivre : «Le souci n'est pour cette année - 2008 -, mais pour l'année prochaine - 2009 -. La production française suivra l'évolution de la crise». Et d'ajouter de notre part : «En d'autres termes, ne pas trop compter sur une offre supérieure à la demande et donc d'espérer un rabaissement substantiel des prix en vigueur. A moins d'importer dès maintenant au coût actuel, semblait suggérer ledit président. Qui dit mieux ?».

 

MALVERSATIONS DE LAUDATEURS ET DES BONIMENTEURS INVETERES AUX ALENTOURS DE «KHABZA»

Comprendre de par ce dernier vocable : une aubaine ! Une devise d'or stipule : «Le menteur est écouté par le convoiteur». C'est tellement représentatif de la politique agricole, de ces dernières années, ressemblant de plus en plus à un circuit fermé ou complimenteur et mensonger se sont ligués, «merveilleusement», pour se duper mutuellement en encensant le cheikh personnifié au système, dans son ensemble, qui les protégent voire les gâtent et qu'il se complait souvent dans le rôle de complice invétéré mais au-dessus de la mêlée, comme on dit dans de tels cas de gouvernance. Une sorte de zaouïa où le son du bendir et les mouvements de danses des courtisans et autres derviches font rage et brouillent tout entendement.

 A ce propos, le crédit agricole est devenu une sorte de tambourin faisant, de par ses sons stimulant la «hadhra», danser aussi bien bonimenteurs que laudateurs autour du cheikh de la zaouïa. Seulement, après le festin, ils commencent à sommeiller et beaucoup dorment, rassasiés, puis quittent carrément les lieux tout en souhaitant au cheikh longue vie jusqu'à la prochaine «zerda». Peut-être que nous versons trop dans la caricature mais cela reflète l'amère et terrible réalité. Une haute personnalité avait dit un jour : «il nous suffit de commander les gens selon leurs différents penchants y compris celui du gaspillage et autres mystifications zaouistes». Terrible aveux !

 Près de cinquante milliards de dinars, octroyés au cours de cette dernière décennie, ont été soi-disant épongés par le Trésor public. Or, il se trouve que des crédits intitulés de campagne n'ont pas été remboursés. Pourtant, des agriculteurs ont affirmé qu'au cours de la campagne moisson-battage de cette année, le rendement des céréales a atteint jusqu'à 60 quintaux/ha. ! Cela dit, pas moins de 25 % d'agriculteurs, voire plus, d'après les sources dudit Ministre, n'ont pas honoré ce genre d'avances sans intérêts de surcroît. Encore moins qu'ils ont remis une part de leur récolte à l'organisme céréalier. Jusqu'à quand cette gabegie - khabza - programmée ?

 En fin de compte, quoi dire de plus ? La vérité ! Celle-ci exige tout naturellement du courage, de la franchise et surtout de l'indépendance vis-à-vis de n'importe quelle tendance, chapelle, sortilèges émanant de l'exercice du pouvoir et ses tentations matérielles, tout en sachant que c'est bien difficile pour les uns de s'en prémunir, mais pas impossible pour les autres ayant la volonté inébranlable d'en échapper de ce cycle infernal défini en obsessions ne menant qu'au fourvoiement et la destruction des vertus dont justement la vérité !

 Par conséquent, c'est tout à fait légitime et honorable pour ceux voulant baliser, dans la mesure du possible et sans animosité envers quiconque, souligne-t-on, des lignes de conduite conjuguées à de l'honnêteté et la sérénité. L'important est de se diriger dans le bon sens pour aller vers de nouveaux horizons prometteurs. Et non à contresens pour n'aller nulle part voire tourner en rond et de surcroît, piètrement devant beaucoup de gens de moins en moins dupes, et de plus en plus informés sur la déliquescence des rouages institutionnels de l'Etat aussi bien dans ce domaine qu'est l'agriculture que dans d'autres tout en sachant que, malgré tout, de belles choses ont été réalisées depuis l'indépendance et notamment ces dernières années, et tant d'autres ont été, malheureusement, perdues dont la vitalité de nos paysages ruraux envahis inconsidérément voire anarchiquement par les ensembles d'infrastructures routières et d'habitats mastodontes pour le motif de résorber le manque de logements et autres équipements liés. Lors d'une réunion officielle, avec les cadres du secteur d'une wilaya du pays, un ancien ministre de l'Agriculture avait formulé à propos des énormes investissements injectés dans l'arboriculture fruitière au lieu d'assurer l'autosuffisance alimentaire de base, la phrase «lumineuse» suivante : «Eh bien si ça ne vous plait pas, allez arracher les arbres plantés !». Pas de commentaires. Alors laisser dire du n'importe quoi ? Non, sûrement pas, et en aucun cas !!