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Parole de muet ou le sérum de la vérité

par El Houari Dilmi

Parce qu'il a cru pouvoir se rendre sur le toit du soleil sans cramer son vaisseau en chair fraîche, Chalachou a été condamné à retourner s'user les culottes à l'école des quatre vérités, où on lui enseigna une mémorable leçon.

 Seul face à son alter ego revenu à la vie après neuf siècles de surcongélation, celui-ci apprit à Chalachou que quand la vérité met le poignard à la gorge, il faut baiser sa main blanche, quoique tachée de sang. Troublé jusque dans son âme retournée, Chalachou sombra dans un coma profond. Flirtant avec la faucheuse vêtue d'un linceul gris-noir, il vit le film de sa vie défiler sous ses yeux mi-clos en un tour de main. Une voix sépulcrale, surgie par delà les nuages, susurra alors dans l'oreille percée de Chalachou : qu'est-ce que la vérité, sinon qu'elle n'est jamais bonne à dire, ni même à chuchoter dans l'oreille... d'un sourd. Les femmes et les médecins savent combien la vérité est «malfaisante» pour son homme. Oui Chalachou, parce que toute vérité n'est pas à déclamer. Criée sur tous les toits. Gravée sur les fronts proéminents des diseurs de bonne aventure. Des thaumaturges et des néo-prophètes.

 Revenu à ses esprits, Chalachou se souvient de la leçon de sa mère douceur qui lui apprit, tout bambin, que la vérité est un fruit qui ne doit jamais être cueilli que s'il est mûr. Jusqu'à la putrescence. La vérité, le plus lourd des fardeaux que l'homme porta sur son dos, il faut l'aimer par tous les temps, sous tous les cieux, sans jamais oublier de détourner l'oeil sur l'erreur. De l'autre. Mais comment un muet peut-il donner sa parole à un «parlant», toujours de glace devant la vérité nue et en mille feux pour les mensonges dorés ?, s'interrogea Chalachou, en cachant sa tête ronde trois lieues sous la terre. Rasant à ras sa «boîte à préjugés», Chalachou rédigea une lettre en sept mots, écrite sur du papier-cadeau, qu'il jeta dans la mer, toute gonflée par la première forme de pollution de l'homme sur terre. Poussant le bouchon jusqu'au-delà du goulot, Chalachou se rasa cils et sourcils, pour ne jamais mélanger (pêle-mêle) entre la vérité à l'endroit que jamais personne ne découvrit sur terre, et la vérité retournée sur sa tête, qui n'est jamais racontée qu'avant les élections, pendant la guerre et après la chasse.

 L'histoire dira ensuite que Chalachou, en voulant inventer un sérum pour la vérité, mourut dans son labo décrépi de désespoir et d'ennui, tant le mensonge lui manqua jusqu'à l'étouffement.