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Affaire BCIA 15 milliards de dinars de dommages et intérêts pour la BEA

par Houari Saaïdia

Les responsables de la Banque extérieure d'Algérie (BEA) arboraient hier un sourire béat au sortir de l'audience consacrée à l'action civile, tenue devant le tribunal criminel d'Oran. Dans le même temps, leurs avocats se félicitaient ostensiblement dans le couloir attenant au prétoire. Dès le prononcé du verdict par le juge Benharadj Mokhtar, la partie civile s'est mise à savourer le succès qui vient couronner six longues années de combat judiciaire acharné. De l'autre côté du front, les avocats de la défense faisaient grise mine. Il y avait de quoi: après avoir perdu la première bataille de février 2007, celle de l'action publique où leurs mandants avaient écopé de peines de prison, ils en ont perdu hier une autre, celle frappée du sceau «civil», qui a vu leurs clients condamnés à verser des sommes colossales à la BEA au titre de dommages et intérêts. Et ce, sous peine de la saisie de leurs biens meubles et immeubles au profit de leur «créancier». Approchés à l'effet de sonder leurs impressions quant à la décision fraîchement rendue par la justice, les trois cadres de la BEA, un membre de la direction centrale, le directeur des contentieux et un gestionnaire régional ont eu cette réaction: «Nous sommes satisfaits! Notre banque a eu gain de cause grâce à la justice», ont-ils dit d'une seule voix, sous le regard gai de leurs conseils, le bâtonnier Benblal Abdellah et maître Louhibi Mohamed. C'est que la sentence rendue par la justice a été, à quelques millions de dinars près, conforme à la demande de la partie civile, laquelle s'est basée sur l'expertise établie conjointement par les deux experts M. Djâafri et M. Dahou, ordonnée par jugement rendu par le tribunal criminel d'Oran, le 28 février 2007, et qui avait reconnu coupables les accusés, au nombre de 48, pour «dilapidation de deniers publics et complicité», faits réprimés par l'article 29 du décret 01/06 relatif à la prévention et la lutte contre la corruption et les articles 42-44 du code pénal. Autant dire que la décision du tribunal s'apparente à une homologation de cette expertise, qui a puisé ses données aux deux sources, la BEA et le liquidateur de la BCIA. Récusée à l'unanimité par la défense, la première expertise a été écartée et remplacée par une deuxième qui se voulait plus précise en ce sens qu'elle devait ventiler le préjudice causé, autrement dit déterminer la part du dégât incombé à chacune des 48 personnes condamnées. C'est ce à quoi les deux experts sont parvenus après avoir passé plus de deux années à éplucher les comptes et compulser des écritures comptables et des effets de commerce. De l'avis de tous, les avocats de la défense compris, le nouveau rapport est beaucoup plus crédible que le premier, qui a été d'ailleurs frappé de nullité, dans la mesure où il s'emploie à faire la lumière, par «thème» et par «individu», d'une manière empirique, tout en se gardant de porter des commentaires et des jugements de valeur sur les personnes concernées, comme ce fut le cas du premier rapport, vertement critiqué. Ainsi, et se référant en grande partie à l'expertise, le tribunal a condamné les 48 accusés à dédommager la BEA par un montant égal au montant dilapidé, avec ajout des agios et de la taxe TVA. Ainsi, les accusés ont-ils été, à la lumière de l'expertise, répartis en 8 «groupes», 8 «chefs de file». L'ex-homme d'affaires Addou Samir et ses complices ont été condamnés à verser 10 milliards de DA (MDA). Le commerçant Selmane Abderrahmane et ses complices à 4,7 MDA, Ahmed Fouatih Belkacem et ses complices à 2,7 MDA, Guetti Saïd et ses complices à 786 millions de DA, Belabbès Bengarâa et ses complices à 174 millions de DA, Sahraoui Mohamed et ses complices à 1,5 MDA, Mrabti El-Hadj et ses complices à 562 millions de DA. Au titre de la réparation civile, les 48 accusés ont été condamnés à verser 1 MDA à la BEA. A noter que seulement 12 accusés, toujours en état de détention, ont comparu hier, dont l'ex-DG de l'agence BEA Yougoslavie Oran, et trois ex-responsables de l'agence BEA Sig. Ceci alors que 10 accusés demeurent en fuite, parmi lesquels le PDG fondateur de la banque privée BCIA dissoute, Kharoubi Ahmed, et son fils Mohamed Ali ainsi que le patron de la défunte Union Banque Arabe, Beâa Ali.