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Le tourisme international en Algérie : «incendie» ou «passeport pour le développement» ?

par Boudjani Malika *

Les échanges touristiques internationaux privilégiaient déjà dans les années 1960 des relations Nord/Nord pays industrialisés, dont les pays moins développés du Sud méditerranéen, MEDA(1) et du Maghreb notamment, continuent encore en 2007 de rester les parents pauvres.

Ces derniers - et l’Algérie aussi - hier séduits par le discours «advocacy platform»(2) dédouanent à nouveau le marché touristique international des influences qu’il peut exercer dans la conduite de politiques internes dont la maîtrise leur échappe car elles sont bien souvent inscrites dans des politiques et discours supranationaux.

La confusion croissance et développement n’a jamais été autant entretenue que dans ces politiques touristiques préconisées, traduites en Algérie par la Charte du tourisme international de 1966 et un poste voyages avéré au contraire d’année en année déficitaire(3). L’Algérie, malgré un bilan négatif, continue d’inscrire en 2007 et au-delà jusqu’en 2025 la politique touristique nationale dans ce schéma problématique d’un gigantisme démesuré par rapport à une logistique managériale interne criante d’insuffisances où tout reste à faire.

Le tourisme international demeure une activité stable et en forte croissance au niveau mondial mais par pays, il s’avère au contraire vulnérable aux «chocs» économiques, socioculturels, sanitaires, politiques, environnementaux et peu maîtrisable à l’heure du système mondial de distribution du voyage, des alliances et fusions des opérateurs mondiaux engagés dans le tourisme, du système informatisé de sa réservation ou simplement de son appareillage de mesure statistique actuellement biaisé et non opérant.

Or, la demande touristique internationale continuera aux horizons 2025 de privilégier des relations Nord/Nord pays développés et restera hypothétique en direction de l’Algérie: les scénarios prospectifs des experts internationaux ne lui réservent que 0.4 % de parts du marché touristique mondial.

Par ailleurs, le «nouveau» positionnement du tourisme algérien perpétue à notre sens un discours de la «durabilité d’une promotion touristique» recadré dans une politique marketing bien plus que le choix d’un «tourisme durable»: un scénario vieux de 40 ans est ainsi réitéré. Les référents à un tourisme dépendant des Tours Opérators étrangers, gigantisme des structures d’hébergement (hier européens, aujourd’hui IDE de rentes des pays du Golfe) sont toujours là et importent des expériences touristiques méditerranéennes dont peu d’enseignements ont été tirés et qui s’avèrent lourdes de conséquences financières et environnementales.

Le modèle touristique algérien aux horizons 2025 aura à conjuguer une demande internationale infime dans un Bassin méditerranéen fortement concurrentiel (Maroc, Tunisie, Libye, France, Espagne, Italie notamment pour ne citer que ces pays) continuant d’investir un littoral balnéaire saturé pour une durabilité du tourisme incompatible avec les méga projets touristiques privilégiés alors que la préservation de l’environnement est devenue depuis 1987 le pivot récurrent des politiques touristiques sans qu’aucune mesure dans ce sens n’ait été, depuis, véritablement privilégiée.

Mais la question qui se pose est de savoir si la recherche d’un «tourisme durable», «responsable», «solidaire», «éthique» contenu dans un cahier des charges n’engageant pas juridiquement prescripteurs et souscripteurs, peut ou non cohabiter avec les règles d’un tourisme s’appuyant sur celles de la commercialité, des économies d’échelle, des taux de remplissage, de la génération maximale de bénéfices pour les actionnaires, de la domination des Tours Opérators, des alliances, fusions et acquisitions opérées à l’échelon international. Est-il possible en d’autres termes d’ignorer le «marchand» au profit des patrimoines naturels et culturels ? Le modèle touristique dans lequel s’inscrit l’Algérie aux horizons 2025 augure-t-il d’une possible conciliation de ces doubles enjeux ? Peut-il se détacher de la sphère marchande où il s’est toujours inscrit ?

Entre discours et projets touristiques adoptés, les contradictions semblent s’installer si l’on s’en tient au «nouveau» positionnement du choix touristique algérien.

L’objet de notre présente argumentation n’est pas manichéen, soit celui de décrier ou rejeter inexorablement un modèle économique de développement (basé sur le tourisme international) ayant fait, certes, ses preuves dans des économies souvent d’ailleurs acculées à ce choix; pas plus qu’il n’encense un tout tourisme; il est bien plus celui:

- d’attirer l’attention des décideurs sur un tel choix dont la seule jauge devises ne suffit pas, non seulement en ce qu’elle reste imprécise (car partielle et même partiale dans ses évaluations), mais en regard surtout de paramètres moins mesurables (socioculturels, environnementaux notamment à plus ou moins long terme) à ne pas négliger pour autant;

- de cesser de privilégier ce modèle en mésestimant ou en feignant d’ignorer des impacts certains, présents et futurs, sur l’environnement au détriment d’un tourisme domestique dont on peut supposer qu’il soit plus maîtrisable et porteur d’effets positifs pour peu que des formules adéquates et éthiques soient plus mûrement réfléchies.

Dans ce domaine, les thématiques sur le tourisme interviennent dans un contexte de recherche en mutation lente mais progressive, voire «progressiste» dans le sens de moins de «providence» au profit de plus de «prévoyance». Et si en Algérie cet objet de recherche tel que nous avons déjà eu l’occasion de le souligner souffre d’un contexte ambiant caractérisé par une structure de pensée du chercheur le considérant encore comme domaine de recherche malheureusement, léger, voire frivole (stade dépassé outre frontières mais accusant en Algérie un retard séculaire), une prise en charge quadratique (Progressisme, Prévoyance, Préservation, Participation citoyenne) semble vouloir caractériser dorénavant analyse et gestion de l’acte touristique pouvant difficilement être déconnecté:

1. d’une conception de la Responsabilité sociale du chercheur qui dans ce domaine non seulement «analyse une politique mais se sent devoir éclairer aussi cette politique de son analyse»: l’acte touristique véhicule en effet trop d’impacts en tous genres pour qu’il ne soit analysé qu’au travers du prisme d’un espace simplement regardé bien moins que d’un espace consommé: les politiques de préservation des patrimoines et d’aménagement des territoires s’inscrivent en droite ligne de cette conception de la RSC que la gestion de ces espaces de plus en plus rares exige aujourd’hui;

2. d’un cadre d’analyse sans soubassement théorique d’école reconnue et se construisant progressivement dans la dualité science et conscience que la première dans ce domaine aujourd’hui présuppose et tente d’intégrer. L’analyse de l’activité touristique - au travers du concept de tourisme durable - ne peut plus en effet être réduite à l’observation d’un simple déplacement géographique mais à celle d’une double préoccupation:

a) la mesure d’un impact d’ordre économique, social, culturel, urbanistique et d’environnement, soit la mesure d’une esthétique que l’on pourrait qualifier du «dehors»;

b) la mesure d’un impact d’ordre éthique, où l’analyse de l’acte touristique pratiqué serait la mesure d’une esthétique que l’on pourrait, pour reprendre l’expression de Pierre Reverdy (4), qualifier de celle du «dedans».

Avant de réfléchir sur le matériau à même de bâtir une nouvelle approche analytique du fait touristique et des prolongements qu’il induit, il convient sans doute de répondre à un double questionnement:

- «Le tourisme international est-t-il incendie ou passeport pour le développement ?»(5)

- «A qui profite-t-il réellement ?»

On peut affirmer que le tourisme n’est pas forcément le meilleur moyen de sortir un pays du sous-développement. Cela permet aussi de réfuter certains raisonnements qui voient dans le tourisme une manne économique pour les pays pauvres et les plus endettés. Car cette manne économique peut aussi bien devenir un cercle vicieux de l’endettement, de la paupérisation et de la dépendance aux grandes puissances économiques occidentales. D’autant plus que le grand travers (doux euphémisme) du tourisme c’est que les investissements et les moyens de production (routes, ports, aéroports, moyens de communications informationnels et promotionnels, réserves foncières, etc.) sont financés par les Etats mais que les bénéfices reviennent à un secteur privé national ou international itinérant par choix stratégique de rentabilité financière et pas toujours disposé (et c’est là que le bât blesse) à y réinvestir sans avantages substantiels ou à en redistribuer les dividendes.

Les réponses à ce double questionnement peuvent se résumer ainsi:

1. Le tourisme international reste un phénomène dynamique en très forte croissance au niveau mondial et se développe en dépit d’obstacles tels que conflits politiques, crises économiques, sanitaires, sécuritaires: l’élasticité de sa demande est telle que l’on assiste très vite à une reprise de sa croissance dans les années qui suivent.

2. Cette croissance au niveau mondial ne s’opère pas de manière égalitaire d’un pays à l’autre selon que le pays soit ou non développé; les pays développés du Nord profitent plus pleinement du fait touristique international et ce au détriment des pays moins développés du Sud.

3. La spécialisation touristique internationale des pays moins développés du Sud n’est pas signe de croissance systématique assurée; elle n’est pas à déconnecter d’une logistique de développement appréciable qui à défaut obère sa croissance.

4. La croissance des flux touristiques dans les pays moins développés n’est pas signe de développement assuré: le tourisme international est vecteur d’effets mesurables monétairement mais non économiquement ou socialement: les retombées économiques restent encore incertaines faute d’instruments comptables pertinents; la balance touristique est un solde de devises et non un solde d’impacts réels.

5. Le tourisme international est vecteur d’effets socioculturels et d’environnement négatifs: le discours rapprochement et respect des peuples reste abstrait et au stade des intentions, louables certes, mais sans arsenal juridique contraignant.

6. Le tourisme international est un marché au centre du champ de la mondialisation et à ce titre, les pays moins développés et spécialisés dans le tourisme s’inscrivent dans un schéma où l’internationalisation du capital domine au nom du principe «Think big» et non du «small is beautiful» (6): les pays développés du Nord opèrent dans des cercles de pouvoir (impliquant parfois les gouvernements même) où se partagent les espaces aériens, terrestres, financiers, à des échelles de plus en plus larges et lointaines et ce au nom d’alliances, fusions, acquisitions.

7. Des relations de contraintes, de subordination, d’intégrations infaillibles régulent ces rapports où la demande touristique internationale «en état d’équilibre instable» reste pour les pays récepteurs un enjeu non maîtrisable du fait de sa volatilité événementielle, mais surtout de sa connexion au réseau des NTIC elles-mêmes sous l’emprise des pays développés.

A ces difficultés intrinsèques au fait touristique international lui-même et à la logique de son expansion qu’ont à gérer les pays moins développés d’accueil, s’ajoutent des caractéristiques d’ordre géoéconomique (7):

a) l’expansion du tourisme international a montré que c’est l’Europe qui jusqu’alors a concentré la majorité des flux touristiques internationaux;

b) ces derniers se sont surtout concentrés dans le Bassin méditerranéen de pays développés;

c) les projections touristiques futures à l’horizon 2025 perpétuent ces tendances et réservent peu de place au Maghreb et encore moins à l’Algérie.

Le Bassin méditerranéen à l’horizon 2025 montre en ef-fet un Schéma évolutif de la demande touristique entre pays développés. Tel que nous avons eu l’occasion de le constater dans les lignes précédentes (et nous aurons l’occasion d’y revenir plus amplement dans celles qui suivront), l’Algérie a au départ privilégié un tourisme de type international dont les conséquences tant économiques, financières que socioculturelles se sont avérées décevantes. Cette expérience s’est achevée au profit d’un tourisme tourné vers les nationaux mais sans que la nouvelle option n’ait été assortie de conditions adéquates à l’offre d’une prestation de service de qualité. La primauté donnée alors en Algérie au développement du tourisme de type interne sur celui de type international ou étranger répondait à un constat majeur tenant:

a. à des considérations internes: le secteur touristique, se devait d’être rentabilisé au vu d’infrastructures gigantesques alors préconisées mais sous-utilisées et ceci d’autant plus qu’une demande nationale devenait latente et réelle.

L’analyse de l’évolution passée faisait alors ressortir l’existence d’une place restreinte de l’Algérie dans le tourisme international, analyse largement confirmée dans les faits. Le poids qu’ont, en effet, représenté nombre de pays ayant misé sur le tourisme international érigé en manne financière certaine, que ce soit en nombre d’arrivées de touristes ou de recettes provenant des touristes étrangers, est étonnant lorsqu’on observe le contenu des objectifs alors assignés à cette activité combien encouragée. Les résultats attendus, en effet, de ses principales fonctions - économique (balances touristiques positives) et socioculturelle - sont loin d’avoir répondu aux objectifs développés dans les modèles touristiques théoriques préconisés. Les réalités surgies dans le développement de ce type de tourisme ont fait apparaître des conséquences qui ont été fortement discutées et critiquées.

Ce qui a ouvert une brèche à ses louanges, obligeant alors les pays à le reconsidérer avec plus de prudence, voire à le dénigrer, ou à adopter des mesures particulières à son encontre. Et pour ce qui est du cas algérien, à réorienter le choix vers un tourisme interne.

A ces considérations d’ordre interne, nous ajouterons des considérations d’ordre international, liées à la structuration du marché touristique mondial lui-même, aux spécificités de la demande touristique mondiale et à ses projections dans le temps et que nous soulignions déjà en 1985 dans un travail de recherche précédent.

b. à des considérations internationales liées au marché touristique mondial lui-même.

La dynamique du développement socio-économique national, le rôle complexe devant dorénavant être rempli par l’activité touristique, à savoir:

1. «Promouvoir une économie alternative et de substitution aux hydrocarbures.

2. Dynamiser sur les grands équilibres, avec effet d’entraînement attendu sur les autres secteurs.

3. Combiner durablement promotion du tourisme et environnement.

4. Valoriser le patrimoine naturel, historique, culturel et cultuel.

5. Valoriser l’image de l’Algérie»(8)

Ainsi que les caractéristiques d’une évolution passée, présente et future du tourisme international à l’échelle mondiale se conjuguent aujourd’hui pour questionner un choix arrêté dont nous estimons la pertinence problématique.

En effet, près d’une trentaine d’années plus tard, on assiste à une réédition, ou plutôt une perpétuation de ce scénario évolutif d’un marché international privilégiant les déplacements internes (tourisme domestique) dans les pays riverains méditerranéens et internationaux vers des pays où l’Algérie est exclue ou s’est exclue d’elle-même.

Cette option internationale dans les conditions de mise en oeuvre où elle s’inscrit est quasiment vouée à l’échec au vu de la configuration actuelle et future du marché touristique international. Si nous nous posons les questions suivantes:

- Quelle a été jusqu’alors la configuration du marché touristique mondial (parts de marchés, arrivées des touristes internationaux, recettes et dépenses issues du tourisme international) ? Quels en sont les principaux pays de destination ?

- Quelles ont été les parts de marché de l’Algérie dans le Bassin méditerranéen, première destination mondiale des touristes et ce de 1985 à 2007 ?

- Quel peut être son avenir face à ses concurrents directs maghrébins ?

- Comment se dessine l’évolution du marché touristique international à l’horizon que s’est fixé l’Algérie, en l’occurrence l’année 2025 ?

 Les réponses chiffrées sont significatives et se trouvent être aussi pendantes aux problématiques suivantes:

a. Non seulement «le tourisme [international] beaucoup plus que d’autres activités pose la question générale de la capacité des sociétés à maîtriser leur développement, à protéger sur le long terme leur environnement et à promouvoir un aménagement équilibré de leurs territoires»(9) questions qui si elles étaient alors absentes des discours de l’époque s’avèrent aujourd’hui cruciales.

b. Mais aussi et surtout que les programmes nationaux de développement arrêtés sur une politique touristique internationale sont sujets à la volatilité d’une demande internationale peu maîtrisable bien plus qu’à celle d’une offre aussi performante et organisée soit-elle.

Pour nous pencher plus spécifiquement sur l’espace géographique qui nous intéressera au final - le Bassin méditerranéen -, nous articulerons notre démarche de la manière suivante:

- Méthodologiquement: en appréhendant le fait touristique lui-même au travers des définitions arrêtées par l’OMT, puisque toutes les analyses des mouvements touristiques s’y réfèrent: ce qui nous conduit déjà à émettre quelques réserves quant à la pertinence des indicateurs de mesure que sont les entrées internationales, Recettes et Dépenses qui en découlent pour les pays récepteurs et émetteurs.

- Statistiquement: en mesurant les flux touristiques internationaux dans les espaces touristiques mondial, méditerranéen, maghrébin, puis au final algérien.

Notre objet à ce niveau est:

- de comptabiliser des parts de marché de l’industrie touristique des pays observés en nombre d’arrivées, en recettes et dépenses, en taux de croissance réels ou projetés susceptibles de situer l’Algérie dans une configuration touristique internationale où le propos défendu est une place restreinte;

- d’utiliser à cette fin les seuls indicateurs disponibles à même de rendre compte de l’expansion mondiale d’une industrie dont les termes d’appréciation ont été contestés mais qui même approximatifs et discutables n’en sont pas moins utiles; indicateurs qui s’ils sont utilisés en mettant en exergue leurs limites ne sont pas alors érigés en lois incontournables évidentes et donc susceptibles d’être corrigés, rendus perfectibles et surtout appréhendés avec prudence.

Si nous nous penchons d’abord sur les chiffres étayant notre propos, nous observons que c’est la zone Nord-Ouest (Espagne, France et Italie) qui de tout temps et au faîte de la gloire des politiques touristiques internationales adoptées (1967 à 1979) accapare les plus grosses parts de marché: 4 touristes sur 5 se rendant dans le Bassin méditerranéen privilégiaient cette zone avec une préférence pour la France. Ce rapport excède 4 si l’on intègre la zone Nord-Est (Yougoslavie, Grèce, Turquie, Chypre, Malte) soit plus de 92% de parts de marchés sur toute la période; la part de marché de l’Afrique ne quittait que rarement la sphère des 4% du tourisme mondial il y a 41 ans, l’Afrique du Nord, celle de 2%.

L’Algérie concentre ses flux dans un mouchoir de poche (pour ne pas dire un confetti !) puisqu’elle «accapare» en 1979 à peine 0.01% de parts du marché mondial, 0.2% en 2004 (le 1/4 du marché tunisien, et moins du 1/3 du marché marocain à la même date).

L’Algérie, à l’évidence montre qu’elle n’a jamais été un important marché touristique récepteur, même en regard de la politique touristique internationale qu’elle lançait alors dès les années 1960: si dès 1978 elle accueillait à peine 3 touristes sur 1.000 arrivées dans le Bassin méditerranéen, la Tunisie en accaparait quatre fois plus et le Maroc 5 ! Les valeurs absolues cumulées pour chacun des pays durant cette période représentent en pourcentages d’arrivées pour l’Algérie à peine 13%, cependant que la Tunisie (38%) et le Maroc (49%) se partagent le reste (de 1965 à 1978). Et les prévisions de parts du marché méditerranéen pour l’Algérie établies en 1979 pour 1985 ne lui réservaient alors aussi qu’une part très infime: 0.25% du marché méditerranéen.

Ce qui dénote d’une situation non pas conjoncturelle mais bien plus d’une situation quasi structurelle appelée à sévir encore en 2025: 0.4 % du marché mondial lui sont réservées par les experts ainsi que nous l’avons précédemment souligné. Et ces caractéristiques du marché touristique international actuel sont d’autant plus difficiles et complexes aujourd’hui plus qu’hier que:

a) la demande est plus volatile, électronique, exigeante, multiple et saisonnière alors qu’elle s’avère très souvent importante, voire fondamentale pour les plans de développement tracés;

b) l’offre est gérée dans des opérations internationales de concentrations poussées, d’intégrations, de fusions, de rachats multiples, que les pays ne maîtrisent plus totalement d’autant plus qu’ils sont en position de demandeurs dans des économies obligatoirement ouvertes;

c) le tout s’exerçant dorénavant dans un environnement national et international où l’exploitation des ressources naturelles se réduit en peau de chagrin et n’est plus sans conséquence aucune.

Mais si il y a 20 ans, les réalités d’un marché touristique international ont milité pour un tourisme interne inéluctable, nous observons encore aujourd’hui - sur fond de questions environnementales sur lesquelles nous reviendrons - et sur les 20 prochaines années le remake du même scénario tendanciel prédit par les experts internationaux du tourisme dont les scénarios prospectifs montrent que:

a) les flux touristiques internationaux sont appelés encore à se faire principalement entre pays développés et industrialisés Nord/Nord;

b) la part de marché minime réservée à l’Algérie dans ce schéma évolutif mondial laisse présager des difficultés majeures dans la gestion des méga projets touristiques privilégiés par l’option nationale;

c) ces projets sont appelés à être gérés dans des conditions environnementales nationales et internationales plus dégradées et contraignantes où le tourisme durable devient un concept incontournable à devoir penser, intégrer et surtout concrétiser.



* Docteur d’Etat, maître de conférences au Département sciences de gestion d’Oran.



Notes :

(1) MEDA 12 (Algérie, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Malte, Syrie, Territoires palestiniens, Tunisie, Turquie) MEDA 10 (sans Chypre et Malte). MEDA (acronyme de «mesures d’ajustement», ce règlement, décidé par le C.E de Cannes en juin 1995, constitue le principal instrument financier de la mise en oeuvre du partenariat euro-méditerranéen: par ce programme, l’UE apporte une aide financière et technique aux partenaires méditerranéens afin de réaliser les objectifs de la Déclaration de Barcelone dans ses trois volets: politique, économique et social.

(2) Pour motifs économiques (emplois, devises).

(3) De 1970 à 1977, la Balance touristique (RT-DT) est passée de - 15 millions de DTS à - 112 (d’après FMI, cité par R. Baretje, in Annuaire de l’Afrique du Nord, 1979); de 1990 à 2006, les déficits sont passés de - 44 millions de dollars à - 165.4 millions de dollars (d’après S.D.A.T du M.A.T.E.T, Assises nationales et internationales du tourisme, Alger, 11 & 12 février 2008.

(4) Pierre Reverdy, «Le livre de mon bord», Ed. Mercure de France, 1989.

(5) Pour paraphraser une formulation d’un habitant des îles Fidji: «Le tourisme est comme le feu: il peut faire bouillir une marmite ou incendier une maison» et l’ouvrage d’E. de Kadt «Le tourisme, passeport pour le développement ?», Ed. Economica, Paris 1979 réed. 1980.

(6) Il apparaît bien que c’est bien le «quantitatif» qui est recherché, mis en valeur dans ces opérations de fusions, acquisitions, alliances ou pour reprendre le commentaire du PDG d’un Tour Operating, voilà des termes qui se traduisent par «plus de la même chose» ou encore «plus de contrôle» sur un segment de marché ou sur un processus de fabrication. Faut-il donner raison à celui qui nous a appris à «Penser gros» - en anglais: «Think big» - ou bien aux tenants du «Small is beautiful». Et d’abord «est-ce que l’industrie du tourisme, telle qu’elle est aujourd’hui, nous en laisse le choix ?»

Dans un contexte où «les relations entre les différents pôles de notre industrie n’ont pas eu, loin s’en faut, un caractère idyllique»... «Des thèmes (...) jugés chauds mettent à rude épreuve ses relations avec l’un de ses partenaires principaux: la communauté des agents de voyage» P. Jeanniot, directeur général Association du transport aérien international IATA, in «Le tourisme à l’heure des alliances, fusions et acquisitions», Colloque international, UQAM, Montréal, mars 2001.

(7) P. Lorot «entendue comme analyse des stratégies d’ordre économique, notamment commerciales, décidées par les Etats dans le cadre de politiques visant (...) à acquérir et/ou à conquérir certains segments du marché mondial relatifs à la production ou à la commercialisation d’un produit ou d’une gamme de produits sensibles, en ce que leur possession ou leur contrôle confère à son détenteur - Etat ou entreprise ‘nationale’ - un élément de puissance et de rayonnement international et concourt au renforcement de son potentiel économique et social», in «De la géopolitique à la géoéconomie» «Géoéconomie», n°1, mars 1997, p. 29.

(8) S.D.A.T. du M.A.T.E.T.

(9) PNUE/PAM, «Dossier sur le tourisme et le développement durable en Méditerranée», n°159, PNUE/PAM, Athènes, 2005 p. 1.