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Les emmurés de Ghaza

par Mustapha Benchenane

La propagande israélienne et occidentale présente la violence dont est victime le peuple palestinien à Gaza de la façon suivante : « Le mouvement extrémiste et terroriste Hamas, qui refuse de reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël, a rompu la trêve commencée le 19 juin 2008 en lançant des roquettes sur des villes israéliennes, prenant pour cible des civils ». L’éditorialiste du journal « Le Monde » écrit : « Que ces tirs, visant des zones civiles, constituent autant de crimes de guerre ne fait de doute pour personne » (30.12.2008)... En revanche, personne ne qualifie de « crime de guerre » les bombardements massifs opérés par l’aviation israélienne sur la région la plus densément peuplée de la planète. Pour la seule journée du samedi 27 décembre, 64 avions ont tiré des centaines de missiles, soit plus de 100 tonnes d’explosifs. Au cinquième jour de bombardement, plus de 400 Palestiniens avaient été tués et 2.000 blessés. Le général israélien Yoav Galant, commandant la région sud, avait annoncé que l’opération « plomb durci » était destinée à « renvoyer la bande de Gaza des décennies en arrière en terme de capacité militaire, en faisant le maximum de victimes chez l’ennemi et le minimum au sein des forces armées israéliennes ». Il est vrai que pour les Israéliens, la vie n’a pas la même valeur chez les Arabes que chez les Juifs....

En réalité, la trêve décidée par le Hamas et qu’il avait respectée, a été rompue par l’attaque israélienne du début novembre qui a provoqué la mort de 6 Palestiniens dans le sud de Gaza. Force est de constater que, depuis une quinzaine d’années, les trêves décidées par les Palestiniens sont systématiquement violées par les Israéliens qui s’arrogent un droit exclusif de tuer en déniant aux Palestiniens celui de se défendre...

En outre, la trêve décidée par le Hamas avait une finalité : un allègement sinon la fin du blocus de Gaza. Or, les Israéliens n’ont pas desséré leur étau, leur but étant la chute du Hamas pourtant démocratiquement élu à l’occasion d’élections voulues par Washington et Tel-Aviv. Robert Malley, ex-conseiller du Président Clinton écrit : « Pour le Hamas, la trêve n’a pas porté les fruits attendus : le siège de Gaza était maintenu, les passages vers Israël et l’Egypte demeuraient fermés, l’aide humanitaire arrivait au compte-gouttes » (J.D.D. 28/12/2008). Quant au correspondant du journal « Le Monde » à Jérusalem, il rappelle : « La trêve de six mois n’avait pas permis d’améliorer la situation de la population. Les leaders du Hamas ont toujours exigé que la reconduction du cessez-le-feu soit associé à la fin du blocus, qui n’a cessé de se renforcer depuis leur prise du pouvoir à Gaza en juin 2007 » (« Le Monde » 2/01/2009).

S’il en était besoin, le déchaînement de la violence israélienne sur les Palestiniens révèle la nature même du régime de Tel-Aviv : Israël est le dernier Etat ouvertement colonialiste de la planète. Il pratique depuis 60 ans le vol à main armée de la terre et de l’eau palestiniennes. Depuis toutes ces années, et chaque jour un peu plus, il efface la Palestine de la carte du Monde, mais personne ne dénonce ce terrorisme d’Etat. Non seulement il agit en toute impunité, mais plus encore, les Occidentaux semblent le « récompenser » chaque fois qu’il bafoue davantage les droits de l’Homme et qu’il viole le Droit international : fin décembre, l’Union européenne lui a accordé le statut de « partenaire privilégié »... Dans ce cas, pourquoi Israël changerait-il sa politique sachant en outre que le peuple palestinien étant désarmé, il ne peut pas faire payer aux Israéliens le prix de l’occupation militaire et de la colonisation de la Palestine ?....

Cela explique aussi que la proposition de la Ligue des Etats arabes de normalisation des relations israélo-arabes en contrepartie de la création d’un Etat palestinien, ait été traitée par le mépris par Tel-Aviv. L’OLP, puis l’Autorité palestinienne, dirigées par Yasser Arafat ont fait toutes les concessions exigées par les Israéliens et les Américains. Puis, n’ayant plus rien à donner, Arafat a été déclaré « terroriste » par Tel-Aviv et Washington et il a fini comme on le sait. Son successeur, Mahmoud Abbas, est en train de devenir un « Pétain » palestinien sans rien obtenir pour son peuple dont la vie quotidienne est pire que celle des Noirs en Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid...

Les Israéliens ne croient qu’en la vérité des rapports de force. Et, pour le moment, ils détiennent tous les moyens de la puissance : la propagande, les lobbys, les soutiens financiers, la relation fusionnelle avec les Etats-Unis, l’alliance stratégique avec l’Europe, les armes de destruction massive qui leur permettraient de vitrifier tout le Monde arabo-musulman, des pays arabes divisés et leurs régimes prêts à toutes les compromissions, des Palestiniens eux-mêmes divisés...

Les Israéliens oublient deux choses : les rapports de force ne sont pas immuables ; on ne peut humilier de façon permanente des centaines de millions de femmes et d’hommes qui, dans le Monde musulman, s’identifient aux Palestiniens, sans en payer un jour le prix.

 


* Politologue à l’Université René Descartes, Paris V.