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![]() ![]() ![]() ![]() « Qui se sait
profond tend vers la clarté; qui veut le paraître vers
l'obscurité; car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir le
fond. » (Friedrich Nietzsche).
Les réaménagements entre rupture et continuité viennent à échéance et atteignent leur limite très rapidement. Ainsi, dans un premier temps, la reprise, le recommencement ,réapparaissent, timidement, doucement ou difficilement, cela dépend, et dans un deuxième temps, le phénomène de rupture, du moment qu'il demeure sans suite, est suivi nettement de continuité puis, carrément, d'élargissement de continuité, d'amplification de celle-ci. Rupture, transition et continuité, cohabitent, difficilement, de façon insoutenable, intenable, mais cohabitent. Dans un mouvement sans fin, le premier ouvre sur le second et celui-ci, sur le troisième. Leur caractère commun les fait partager des frontières mobiles, continument remaniées, constamment redessinées, puisque décrétées historiquement lieu de conflictualité éternelle. La rupture, qui reste possible mais pas inéluctable, ne se produit pas avec l'éradication de l'ancien monde mais avec le début de la domination du nouveau monde, le premier se déconstruit pendant que le deuxième se construit, se fortifie et enfin domine. La rupture véritable ne s'opère pas d'elle-même ni s'autonomise et se crédibilise qu'avec le maintien de la pression populaire, l'amplification des positions des intellectuels et les luttes ininterrompues des réformateurs. Malgré la révolte des consciences, les protestations, les réclamations et les bouleversements apportés aux habitudes et à l'ordre établi, tout l'acquis d'un mouvement , d'une lutte, peut sombrer,progressivement, ou d'un coup,très rapidement, parce que les uns veulent croire encore en leur chance de conserver les formes actuelles de pouvoir, les autres trouvent parfois des possibilités avantageuses de jeu de bascule, d?autres, enfin, se sentent pris en otage dans une sorte de piège malicieux, une situation dont ils ont du mal à s'en défaire. Il est question de mettre fin à cette valse-hésitation, à cette alternance attraction-répulsion pour aller dans le sens de la rupture et non dans le sens de la solution de rupture. Il est question, très rapidement, de rompre, au profit du changement, l'équivalence entre conservatisme et réformisme. Il est question de briser les possibilités d'alliance dangereuse entre conservateurs et réformistes-opportunistes, fondée sur les reformes minimales, les réaménagements de façade, pour un retour aux sources, pour une solution de rupture, pour la continuité. Le rapprochement avec l'histoire passe par sa parcellisation et, simultanément, par son intégration. On a ainsi un regard global sur des situations particulières. On peut, alors, sans risque d'erreur de jugement, sans verser dans une nostalgie rétrograde, ni une imitation qui le ferait ressurgir, s'approprier quelque peu de ce qui exista hier en lui donnant un sens nouveau pour aujourd'hui. Les intellectuels, les journalistes, les universitai-res et les consciences de tous bords doivent intervenir aujourd'hui par rapport à trois niveaux. Au premier niveau, ils doivent à la fois résister et nourrir les résistances contre les dangers des statuquos, des déceptions et des incertitudes. Au second, ils doivent peser de tout leur poids sur la conduite et les stratégies des pourvoyeurs de réformes. Au dernier niveau, ils doivent penser la transformation dans ses moindres détails, afin de permettre le dépassement de l'actuel et aux mêmes moments l'implémentation des futures possibles souhaités, des devenirs résolument projetés. Dans une posture partenariale, ils doivent incarner cette énergie active positive, cette force de proposition, ces formes de feedback social, ce corps social intermédiaire qui permet de restaurer la confiance Etat-citoyen, qui permet de réduire, significativement et durablement, les écarts entre les valeurs et les normes sociales, d'un côté, et de l'autre, les agissements des élites et autres dépositaires de pouvoir. Leur contribution doit permettre d'esquisser les alternatives qui caractérisent un autre monde possible. Elle doit permettre d'aller vers un nouveau projet d'émancipation collective, de modernisation sociale et de créer des espaces d'autonomie populaire pour une mobilisation citoyenne efficace et productive. On est las des guerres souterraines, des luttes intestinales, des stratégies de positions et des postures hypocrites des individus-rouages sans foi ni loi, sans avis et sans conviction. On est las des lectures biaisées de l'histoire, des expériences et des faits sociaux. On est las de la culture du paraitre, de l'aliénation des vérités, de l'asservissement de la pensée. On est las de l'erreur, de la répétition de l'erreur, de la persistance de l'erreur. On est, en définitif, las de la préméditation. La persistance à prôner une solution de rupture est synonyme de continuité. On glisse ainsi dans le contre sens, dans le monde flou et mouvant des faux amis, dans un monde où les sens et leurs contraires n'ont aucun secret les uns pour les autres, où les valeurs dépendent de codes de lecture modulables, où les enseignements sont fonction d'objectifs inavouables. Ceux qui croient que l'histoire est une simple liste d'évènements, qu'elle est immobile, se trompent énormément et ont définitivement tort. L'histoire, c'est un éternel changement, c'est une combinaison complexe de ruptures et de continuité, c'est une authentique évolution chronologique sur le temps et sur la durée. Les évènements sont vite oubliés, les conjonctures ont la peau plus dure et les croyances, les habitudes, les agissements prennent beaucoup plus de temps. Et même si toute attente est déplaisante, qu'elle peut paraitre décourageante, il semblerait que ne pas attendre, du tout, est insupportable. Vous vous révoltez contre l'attente, vous vous affranchissez de la déception et vous cherchez à inverser le rapport. Il ne s'agit plus de détester l'attente, de craindre la déception, mais de célébrer le moment, de le prolonger, de lui survivre. On attend sa patrie, et on n'angoisse plus, il ne s'agit plus de voir se réaliser ou ne pas se réaliser, il est question de produire un exercice intellectuel : attendre, en isolant incertitude, crainte, incompréhension, impatience et colère. Le concept de générativité est la solution. C'est une forme d'auto réalisation par le prolongement de soi à travers l'autre. Une contribution par procuration en donnant la chance au suivant, qui a le temps, de voir s'accomplir nos actions. La partie morale de la générativité adoucit toutes les passions et particulièrement l'individualisme, l'impatience et l'égocentrisme qui rendraient l'homme insatiable. Elle alimente l'espoir de lendemains meilleurs et multiplie le champ des possibles à l'infini. Et là, enfin, j'ai envie de vous dire : « Tout vient à point à qui sait attendre ». |
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