
D'aucuns
parmi les lecteurs de cette rubrique se rappellent, sans doute, cette ambiance
euphorique du début de la série télévisée américaine «Lost»
où plusieurs dizaines de survivants au crash d'un avion reliant Sydney à Los
Angeles auraient inventé un système économique de subsistance à petite échelle.
Seuls sur une île du Pacifique apparemment déserte et dans l'attente des
secours qui tardaient à venir, ils n'ont eu aucun autre choix devant eux pour
s'en sortir sauf celui de se serrer les rangs et de s'entraider. En se côtoyant
pour la première fois dans cette situation extrême, ils sont amenés à organiser
tous les aspects pratiques de leur vie au jour le jour, ensemble et sans aide
extérieure. Ainsi auraient-ils par exemple troqué leurs affaires, fabriqué même
des logements de fortune et collaboré de très près pour trouver de quoi se
nourrir. Si cette communauté du hasard avait fini par fonctionner, c'est
qu'après les moments de doute et de méfiance, ses membres auraient réussi à
établir peu à peu des relations de confiance pour surmonter leur peur. En
effet, sans cette denrée vitale de la confiance, toute construction sociale est
vouée naturellement à l'échec. Confucius (551-479 av. J.-C.) lui-même en eut
fait un élément pivotal autrement plus indispensable
à la nation que l'armée ou la finance. Or, on remarque bien que c'est ce qui
nous manque le plus aujourd'hui en Algérie ! Le fossé entre ceux d'en haut et
ceux d'en bas est tel que toute projection futuriste se dessine dans la fumée
lacrymale des émeutes et surtout dans une instabilité au long cours.
N'assisterait-on pas, dans un pareil contexte de crise multidimensionnelle
comme le nôtre, à la dégénérescence des liens collaboratifs de la communauté ?
A cette grandissante suspicion qui entache nos institutions, nos universités,
nos hôpitaux, nos élites, nos cadres, nos patrons, etc. ? L'erreur est à nous
tous qui ne nous sommes guère aptes à relever le défi des réformes radicales, à
aménager des règles drastiques de gestion des biens communs, à repérer toutes
ces difficultés communicationnelles qui auraient grippé depuis longtemps notre
machinerie étatique et à débloquer des logiques sérieuses d'un dialogue social
consensuel, de sorte à ce que les classes défavorisées soient partie prenante
active dans les concertations entre l'Etat et la société.
C'est
lorsque ce processus de déblocage est amorcé qu'il sera permis de parler de
changement, de perspectives économiques, de transparence et, enfin, de cet Etat
de droit à même d'endiguer la montée périlleuse de la défiance de tous contre
tous. Autrement dit, les autorités publiques sont obligées d'associer les
masses populaires au processus de la prise de décision, les faire travailler pour
un projet de société commun, les inviter au vivre-ensemble et les inciter à
proposer les outils adéquats pour l'amélioration de leurs conditions de vie.