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LE 1ER NOVEMBRE ET LES AUTRES

par Yazid Alilat

Elle ne pouvait choisir meilleure date pour partir. Elle, c'est la moudjahida Claudine Chaulet qui nous quitte à la veille de la commémoration du 61ème anniversaire du déclenchement de la lutte de libération nationale. Claudine Chaulet est donc partie en laissant derrière elle l'empreinte d'une militante pour une Algérie débarrassée du joug colonial, d'une Algérie juste et sereine, d'une Algérie qui regarde au loin, vers le savoir et la justice sociale.

Comme son mari Pierre, parti le 5 octobre 2012, elle quitte les compagnons encore vivants de la révolution de Novembre, dans un mouvement quasi mystique, que l'histoire retiendra pour ces braves d'entre les braves qui ont choisi, comme Fanon et d'autres militants français de la cause nationale, la voie de la justice, de la négation de la colonisation et de l'indépendance de l'Algérie. Claudine Chaulet symbolise à elle seule cette lutte dans les maquis et sur les territoires du savoir, pour avoir combattu, à sa manière, avec ses armes, le colonialisme. A la Faculté d'Alger, où elle a fait ses études dans les années 1940, elle est vite devenue une icône, un symbole de la résistance algérienne. Avec son mari, André Mandouze et d'autres Français qui ont embrassé la cause nationale, elle aura toujours le mot juste, le geste franc, l'action ciblée, pour porter haut les couleurs de la révolution algérienne.

L'hommage à cette femme d'exception, venue en Algérie en 1941, qui donnait toujours cette impression à ses étudiants d'être en perpétuel mouvement, parfois minée par la fatigue mais les yeux pétillants, ne peut être complet s'il n'est pas fait également à tous ces anonymes étrangers, Français et autres, qui ont préféré les causes justes, la lutte contre l'oppression coloniale, la négation de l'humanité, que de soutenir un système colonial vieillissant et oppresseur. Car avec Claudine, il y avait également des Maurice Audin qui ont combattu aux côtés des Algériens, il y avait des ?'Salauds Lumineux'' qui ont bravé le système judiciaire colonial pour porter loin la Voix de l'Algérie combattante. Il y avait des Frantz Fanon pour démystifier à jamais le caractère ?'civilisateur'' de la colonisation. Et tous ces braves des réseaux étrangers qui ont milité, par conviction, par amour pour l'Algérie et son peuple, pour la fin de la colonisation française partout dans le monde.

L'Algérie, les Algériens doivent saluer la mémoire de ces ?'Novembristes'' particuliers, souvent anonymes, mais qui ont fait le choix du cœur, de la raison, de l'humanisme: être du côté des pauvres, des spoliés, des déracinés, des déculturés, des indigènes. La guerre de libération nationale aura été ainsi, et pas autrement, comme une belle histoire: riche et dense avec ses acteurs, et ses héros et héroïnes étrangers souvent inconnus du grand peuple. Mais qui ont donné une profondeur intellectuelle et humaine sans égale dans le monde contemporain.

DEMAIN, LE 61EME ANNIVERSAIRE DU 1ER NOVEMBRE 1954 AURA UNE SAVEUR PARTICULIERE POUR CEUX QUI ONT COTOYE LA MOUDJAHIDA CLAUDINE CHAULET, QUI A ECRIT CECI DANS LE LIVRE «LE CHOIX DE L'ALGERIE»: ?'J'ETAIS SYNDICALISTE EN ESSAYANT DE DEFENDRE LES INTERETS DES ETUDIANTS. J'AVAIS COMPRIS QUE LE 1ER NOVEMBRE ETAIT UN EVENEMENT EXTRAORDINAIRE QUI ALLAIT DONNER ENFIN UN SENS AUX LUTTES. C'EST DONC TOUT NATURELLEMENT QUE JE ME SUIS ENGAGEE AUX COTES DE PIERRE...»