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L'AVERTISSEMENT DE TIGUENTOURINE

par K. Selim

C'est inévitable, le moment de faire le compte et le bilan d'une prise d'otages de masse arrive. Les pertes en vies humaines sont lourdes mais beaucoup admettent que les forces spéciales ont évité le pire dès lors qu'il n'était pas question de laisser les terroristes partir avec les otages.

Les forces de sécurité chargées de neutraliser les terroristes et de libérer les otages n'ont fait qu'essayer de rattraper et d'atténuer l'échec initial. Celui de l'infiltration du groupe terroriste et de son repli, après l'échec de l'attaque contre le bus transportant des employés étrangers, vers la base gazière.

Il y a effectivement un certain étonnement à voir ces terroristes échouer dans leur but principal et s'offrir une sorte de plan B encore plus catastrophique pour l'Algérie. Il y a manifestement un décalage entre un discours, juste, sur l'impact déstabilisateur des manipulations guerrières occidentales en Libye et la facilité apparente avec laquelle ces terroristes ont pu en venir. C'est d'autant plus inquiétant que les bases pétro-gazières du pays ont été bien protégées dans les années 90 dans un climat sécuritaire très largement plus difficile qu'aujourd'hui. Mieux, il y a quelques jours à peine, le Premier ministre algérien faisait une réunion très sécuritaire avec ses homologues tunisien et libyen à Ghadamès. En Libye ! Le ventre mou sécuritaire de la région ! Et c'est bien de là que le coup est venu, comme on le pressentait.

Le second élément à relever est que la communication officielle est restée archaïque alors que les terroristes et leur chef, le prénommé Abou Al-Barra, s'offraient un «live» en téléphone satellitaire sur la chaîne Al-Jazira. On peut toujours discuter de l'attitude de la chaîne de Doha qui, pour reprendre l'expression d'un confrère, a franchi un palier en donnant la parole à un preneur d'otages au moment même où il menaçait des vies humaines. Recherche de scoop à tout prix ou autres intentions, cela n'est pas le plus important. Ce qu'il révèle surtout est la déficience terrible en matière de communication. Il n'est pas normal que des terroristes assiégés soient plus loquaces et plus «communicatifs» que les autorités algériennes. Ceux qui regardaient les «spécialistes des plateaux» qui ont déferlé sur les chaînes françaises ou sur Al-Jazira pouvaient constater que l'échec de la communication algérienne offrait une autoroute pour le déversement de toutes les bêtises. Et de toutes les malveillances. Il reste les lendemains et les conclusions politiques à en tirer.

DE MANIERE ASSEZ FROIDE, DES ANALYSTES FRANÇAIS ONT VU DANS CETTE ATTAQUE UNE AUBAINE QUI JUSTIFIE LE CHOIX DE LEUR PAYS DE S'ENGAGER MILITAIREMENT AU MALI. CERTAINS ONT FAIT LE COMPTE DES NATIONALITES DES VICTIMES POUR DECRETER QUE LA FRANCE N'EST PLUS SEULE. D'AUTRES ONT AFFIRME, DEJA, QUE L'ALGERIE EST ENGAGEE DE PLAIN-PIED DANS LA GUERRE AU MALI. ET C'EST LA CHOSE QU'IL NE FAUT PAS LAISSER PASSER. ON NE DOIT PAS ACCEPTER DE SE LAISSER DICTER NOS CHOIX PAR L'EXTERIEUR OU PAR DES TERRORISTES QUI PEUVENT OBEIR A PLUSIEURS «DRAPEAUX». L'AVERTISSEMENT DE TIGUENTOURINE EST TROP LOURD POUR QUE CES QUESTIONS GRAVES NE SOIENT PAS L'OBJET D'UN DEBAT NATIONAL. TOUT COMME L'ETAT, DELABRE, DES INSTITUTIONS DU PAYS QUI ONT GRANDEMENT BESOIN D'ETRE REVIGOREES PAR DE LA DEMOCRATIE ET DE LA COMPETENCE.