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Les hors-la-loi de l'histoire

par El Yazid Dib

«Hors la loi » est devenu maintenant un générique de règlement de compte avec ces comptes multiples et odieux qu'entretient encore une France xénophobe, islamophobe et renégate.

Il s'agit, en fait du film de Rachid Bouchareb. La fausse polémique qui lui est destinée dépasse le stade de la critique cinématographique. Elle s'est voulue politique, voire historique. L'on ne veuille pas daigner faire une reconnaissance de ce qui s'est passé lors de ces événements tragiques qui constituent la trame spatiale et temporelle du long métrage incriminé. Les évènements tragiques du 08 mai 1945 furent perçus à cette époque comme un précurseur final de la libération nationale qui s'annonçait dans le sentiment de chaque algérien. L'on voulait à l'instar de la célébration de l'armistice et la capitulation allemande, manifester son désarroi et sa propension vers l'indépendance et le couronnement de la lutte du mouvement nationaliste. Une foule estimée aux environs de 10 000 personnes entamait son élan rue des Etats Unis (mosquée de la gare) et se dirige vers le centre ville, rue Georges Clemenceau... Pacifiques, dépités et désarmés ; les paisibles manifestants scandaient des slogans de paix et de liberté... «Indépendance», «Libérez Messali Hadj», «l'Algérie est à nous». Ils s'étaient donnés pour consigne de faire sortir pour la première fois le drapeau algérien. La riposte fut sanglante. De Sétif elle s'est généralisée. Elle allait touchait tout le pays durant tout le moi de mai. L'Algérie s'embrasait sous les feux brûlants du printemps 45. Là, le secours à de faux faiseurs d'histoire est vite enclenché. Avant la projection du film, la ville de Cannes s'est transformée en une plate forme de remise en scène de l'histoire. Les manifestants, vieillots, aigris, enfants de harkis et autres acolytes, ont tous laissé apparaitre le syndrome maladif de la nostalgérie. Ils cultivent encore ce regret d'avoir été incapables de garder « leur Algérie française » vaincus sur terrain, dans les monts des Aurès, du Ouarsenis et du Djurdjura, ils veulent gagner la bataille dans une salle de cinéma ou dans la montée des marches d'un festival crée pour eux. Le colonialisme ne s'emmure pas strictement dans un concept philo-politique du dernier siècle. Il cajole, tel un jouet l'enfant ou la force un pâteux. L'oubli est un autre moyen de se cacher des vérités. Il aurait été aussi une manière d'effacer les tâches, une tanière pour les lâches! Il voudrait, saisir une énième occasion pour renflouer les extrémistes de droites et les lepénistes. Apres le monde de la finance, des medias lourds et de la communication, il tend à n'épargner nul secteur où ses relais aux relents faussaires et négationnistes sévissent à longueur de temps.

 L'historien algérien saura dans l'obligation de vérité d'éclaircir davantage non sans circonspection cet aspect impliquant positivement ou négativement les alliés. Car dans un document il y est affirmé que «, les Français ont demandé aux américains et aux anglais de leur prêter des avions pour transporter des troupes, les Américains n'en avaient pas les Anglais en ont prêté» là le commentaire touche ses limites et s'immole, inapte au profit de la dextérité de l'histoire. Le chercheur algérien ne doit pas consommer et se taire. Critiquer et s'abstraire. Tout le monde le sait. Le 08 mai 1945, fut un mardi pas comme les autres. Un jour de marché hebdomadaire. Les gens massacrés; ne l'étaient pas pour diversité d'avis, mais à cause d'un idéal. La liberté. Ailleurs il fut célébré dans les interstices de la capitulation de l'état-major allemand. Ce fut la fin d'une guerre. La seconde guerre mondiale. Ceci pour les Européens. Mais pour d'autres, en Algérie, à Sétif, Guelma, Kherrata, Constantine et un peu partout ce fut la fête dans l'atrocité d'une colonisation et d'un impérialisme qui ne venaient en ce 08 mai qu'annoncer le plan de redressement des volontés farouches et éprises de ce saut libertaire. L'on raconte que le 01 mai 1945, le PPA clandestin réunissait à Alger, rue d'Isly beaucoup de personnes. Cette «réunion» s'est soldée par des morts, des arrestations et des tortures. Au même moment à Sétif un regroupement similaire s'érigeait à Sétif. Si ce n'était l'habilité et la hardiesse de feu Si Mahmoud Guenifi et d'autres militants conscients ; d'exhorter la foule à se disperser, l'hécatombe aurait été avancée d'une semaine. Dans la matinée du fatidique 08 mai, en guise de riposte à cette manifestation pacifique, la police ouvra le feu.«le maire socialiste de la ville la supplie de ne pas tirer. On a tiré sur un jeune scout » (1). Ce jeune « scout » fut le premier martyr de ces incidents. Saal Bouzid, 22 ans venait par son souffle d'indiquer sur la voie du sacrifice, la voie de la liberté. Là aussi dans les plateaux de télévisions, journalistes, historiens sous l'égide d'un thème filmique ont eu à retirer les ficelles de l'événement. Ils veulent coute que coute que l'acte générateur de «l'émeute» n'est autre que le tir d'un indigène sur un policier en faction dans la rue. Chimère ! L'on ne peut imaginer quelqu'un croulant sous une misère atroce, avec les séquelles des maladies de malnutrition puisse avoir une arme et se rendre, sans organisation préalable en auteur décisif d'une situation qu'il ne pourra maitriser. Suite en page 9

A cette époque, si l'Algérien était pauvre matériellement, il avait par ailleurs une grande richesse morale et religieuse. Il savait attendre le bon moment.          L'élite nationale existait et n'aurait pas manqué de cran pour passer à la phase supérieure de la résistance. Le temps militait en faveur de la cause. La génération qui allait libérer totalement le pays à partir de 1954, avait bu les affres que leur offrit le joug colonial lors et après ces événements de mai. Le sentiment libérateur se fortifiait davantage. Donc épris par un double sentiment, de victoire sur le nazisme et faire entendre sa voix, l'homme algérien brandissait pacifiquement son souhait. La police ciblait par balles la foule, dans le tas. Contrairement a ce qui c'est dit dans « c dans l'air » cette semaine. Oui, c'est dit dans l'air. Comme ça. Pour la galerie.

 Dans les localités environnantes à Sétif, Ras el ma, Beni Azziz, El Eulma des douars entiers furent décimés, des dechras et des familles furent brulées. Toutes les contrées furent touchées. Du Douar Ouled Ali Benancer,à Ain el kebira, Babors ,Ain sebt ,Beni Medjaled , El ouricia, Mawane ,Ain roua, Amouchas, Dehamcha, Boubker, Oued el kbir, Ouled tebben. Un internaute avait crié sa colère face aux récits de ces faits, omettant certaines localités en ces termes « il faut savoir que les vrais hommes, ayant participé physiquement à ces journées fatidiques et héroïques de notre histoire, sont tous morts, peut être reste t-il quelques-uns uns, mais cherchons ! je vous cite un héros ; mort le 03 novembre 2008, un certain Kherbache Layachi, d'El Ouricia, condamné 7 fois aux travaux forcés, et 04 fois condamné à mort, il a partagé la même cellule avec Rabah Bitat, et Med Maazouzi (que Dieu ait leurs âmes) . C'est cet homme qui a tué le curé, qui a mis le feu à la ferme des colons, que les historiens étrangers se sont approchés de lui et pas les nôtres ».     On raconte aussi le martyre de la famille Kacem faisant partie de Arch Lemherga à Sbakh du coté de Ras elma où 03 frères furent torturés et tués à bout portant après qu'ils eurent à leur tour abattu l'un des éléments du corps expéditionnaire français.

 Là aussi dans les plateaux parisiens ou dans les émissions spéciales festival de Cannes, l'on ne dit rien. L'on ne pourrait évoquer des morts et surtout des morts indigènes. «Hors la loi» est là pour attester à la manière du cinéaste, sa vision des choses.

 Le 08 mai 1945 signifie la fin du nazisme. Il correspond aussi à l'un des moments les plus sanglants de l'histoire nationale. La répression colonialiste venait d'y faire ses premiers accrocs face à une population farouchement déterminée à se promouvoir aux nobles idéaux de paix et d'indépendance. Il ne pouvait se circonscrire dans une dimension de simples « évènement » ou « incidents » de Sétif. Ce 08 mai avait ébranlé toute la puissance coloniale. Loin d'un fait divers, il provoqua une énorme ébullition chez dans le haut commandement militaire francais de l'époque. Le général Henry Martin commandant du 19 eme corps en Algérie (1944-1946) écrivait ceci: « le gouverneur général, Yves Chataigneau, responsable de la sécurité intérieure et extérieure de l'Algérie, requiert l'intervention des forces armées de terre, de mer et de l'air?il rend les pouvoirs de l'état de siège à l'armée » (2). Donc « l'incident » ne fut pas une affaire « d'émeutiers ou d'insurgés » c'était d'un coté, une guerre classique avec l'engagement de forces armées, et de l'autre ; une décision libératrice quel que soit le prix. Le nationalisme se durcissait et corroborait la galvanisation d'une inévitable révolution par les armes. Novembre pointait déjà du nez.

 Hichem Lehmici, rapportait, sur un site approprié, que: « Sétif allait marquer une étape cruciale, rien ne sera plus comme avant. Le fossé allait se creuser considérablement entre algériens et colons. La guerre de libération devait commencer 10 ans plus tard, elle avait en fait joué son premier acte à Sétif. Nul d'ailleurs ne pouvait mieux l'exprimer que le grand écrivain algérien Kateb Yacine lorsqu'il écrivit : «à Sétif, se cimenta mon nationalisme, j'avais 16 ans». » Kateb se souvient aussi : « qu'on voyait des cadavres partout, dans toutes les rues?la répression était aveugle ; c'était un grand massacre.. Cela s'est terminé par des dizaines de milliers de morts?la répression était atroce » concluait le grand romancier (3). Et là aussi, comme Kateb Yacine est semble t-il très vénéré en France du moins dans les milieux culturels et artistiques, l'on en parle de ce personnage qu'en termes d'opposant, de rebelle et de communiste. L'on ne l'évoque pas assez, dans ces milieux d'outre mer en sa facette d'enfant témoin de ces atrocités.

 Le réflexe allait saisir forme par un châtiment sans pitié sur les gens. « A Sétif, Guelma, Kherrata, de terribles massacres ont été exécutés. L'armée coloniale, conduite par le général Duval «le boucher de Sétif», fusille, exécute, torture et viole tandis que l'aviation et la marine bombarde les villages. A Guelma, les B23 ont mitraillé des journées entières tout ce qui bougeait. A Kherrata, ce furent des familles entières que l'on jetait du haut d'un précipice. Des dizaines de milliers de morts à comptabiliser, plus de 45000 d'après les sources algériennes et américaines. Sans oublier non plus, les milliers de blessés, d'emprisonnés envoyés dans les camps ».Ainsi il est urgent que les experts en histoire se penchent avec perspicacité dans les coins et recoins de cette glorieuse page de nos hauts faits historiques. Ces chiffres, mis en doute par cette frange de ex-néocolonialistes doivent être rétablis dans leur juste contexte.

 A entendre parler de ces incidents, voilà plus de 65 ans, l'on imagine mal qu'ils puissent être inferieurs à 45 000. Ils ne peuvent avoir, de ce fait une quelconque palme d'or. Ou autre distinction posthume. Le nationalisme est un comportement, un esprit, une pieuse pensée et une profonde réflexion. Mai ou novembre à l'instar de tant d'attributs historiques nationaux doit être remis à qui de droit. L'histoire et ses spécialistes de tout bord. Pourvu qu'il y ait de la loyauté et du courage. La France, enfin une certaine France a voulu à travers cet épisode festif de réveiller ce qui somnole en elle depuis fort longtemps. Le monstre de l'empire. Le ravissement du paradis perdu, perdu à jamais perdure encore à narguer certains museaux en quête d'odeur sainte. Nous sommes le 09 mai et ainsi de suite, mais ce 8, grandiose avec ces chiffres effarants n'arrêtera pas le cours continuel de l'histoire, fut-elle hors la loi.

1- Les heures noires de la guerre d'Algérie (massacres de Sétif. Source Internet :)

2- Historia Magazine

n° 196. octobre 1971.

3- «Chroniques d'un massacre 08 mai 1945.Setif, Guelma, Kherrata. Syros.

Paris.1995. Cité par Boucif Mekhaled