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RETOUR SUR MENSONGE

par M.Saâdoune

Quelques mois après le retrait quasi total de ses troupes en Irak, le Royaume-Uni a commencé à procéder à l'examen des conditions d'engagement de son armée aux côtés de celle des Etats-Unis lors de la guerre d'invasion de 2003. Contrairement aux deux enquêtes qui l'ont précédée, les travaux de la Commission présidée par John Chilcot, qui ont officiellement débuté hier, seront exhaustifs et les auditions intégralement publiques.

 Tous les acteurs de l'engagement britannique, qu'ils soient politiques, militaires ou relevant de la haute administration, devraient être auditionnés. Le clou de cette parade sera, bien sûr, la déposition de Tony Blair qui, en sa qualité de Premier ministre, assume la responsabilité de la participation de son pays à une guerre inutile et criminelle déclenchée sur une base fallacieuse.

 L'objectif de la commission Chilcot est de produire un rapport «complet et informé» sur le processus de décision qui a débouché sur une aventure militaire aussi illégale qu'impopulaire. Nul n'ignore aujourd'hui que l'existence d'armes de destruction massive martelée par George Bush et Tony Blair était une pure fiction. Ce que la Commission présidée par John Chilcot devra vérifier au premier chef est le degré de sincérité de Blair et du personnel dirigeant. Il s'agira de déterminer si réellement les services de renseignements ont été intoxiqués ou si la direction britannique a délibérément menti et fabriqué des fausses informations pour justifier son engagement.

 La thèse de l'intoxication des médias est favorisée par de nombreux observateurs politiques qui ont démonté les différentes phases d'une campagne massive de manipulation de l'opinion par les «spin doctors», dont le notoire Alistair Campbell, communicateur et faiseur d'image du Premier ministre.

 Les voix qui exprimaient leur scepticisme quant à la réalité des armes de destruction massive irakiennes avaient été littéralement bâillonnées. On se souvient que le docteur David Kelly, un des experts en armement qui avait osé contester des thèses basées sur de fausses preuves, est mort de manière suspecte quelques jours après des déclarations à la BBC.

 La commission Chilcot n'est pas un tribunal, et à ce stade, il n'est pas - pas encore ? - question de juger qui que ce soit. Il s'agit de faire la lumière sur un moment politique crucial et d'en informer le public. Le Royaume-Uni montre ainsi qu'il est un Etat de droit digne de ce nom, en mesure de regarder en face son passé récent et de situer clairement les responsabilités des uns et des autres.

 Les Etats-Unis, incapables du même exercice, en sont à tenter de gérer les terribles répercussions des options stratégiques des néoconservateurs, sans pouvoir tirer le moindre bilan de la propagande criminelle d'une partie critique de l'establishment politique. Ni Donald Rumsfeld, ni Dick Cheney, ni Condoleezza Rice, sans même évoquer leur chef, coupables d'autant de déclarations mensongères, ne sont le moins du monde invités à s'expliquer. Au contraire, le président Obama, acculé par le complexe militaro-industriel, n'en finit pas de reporter l'annonce de sa décision inéluctable d'envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan.

 Des deux côtés de l'Atlantique, le rapport de pouvoir est ainsi clairement établi entre partisans du droit et ceux des logiques de force.