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Loin de la «refondation» du capitalisme

par K. Selim

Il était illusoire d'attendre du sommet du G20 une rupture avec l'idéologie libérale qui guide les dirigeants des principales économies de la planète. Beaucoup nourrissaient cependant l'espoir qu'une action cohérente et coordonnée serait enfin décidée pour remédier au plus vite à l'inquiétante récession de l'économie mondiale.

L'électrochoc espéré par certains n'est toujours pas à l'ordre du jour. Les mesures de régulation auxquelles tenaient tant les Européens sont loin de représenter la «refondation» du capitalisme ressassée à longueur de colonnes. En effet, ni le contrôle des salaires des dirigeants des banques, ni la timide mise à l'index des paradis fiscaux ne modifieront fondamentalement le fonctionnement d'un système qui creuse les inégalités en hypothéquant l'avenir de la planète tout entière.

Au plan de l'effort financier visant à la relance globale, les 5.000 milliards de dollars destinés à financer les conditions de la reprise ne sont qu'une pure consolidation des programmes déjà engagés, aucun dollar d'argent frais n'étant de fait mobilisé pour l'élargissement de la relance.

Certes, en entérinant ces mesures, les théologiens du marché, urgemment reconvertis en néo-keynésiens circonstanciels, mangent leur chapeau en remisant au rayon des lubies la dérégulation hier encore célébrée comme la panacée miraculeuse et universelle.

Pour la mise en oeuvre des mesures financières, le consensus du G7 élargi s'est naturellement porté sur le renforcement du rôle des quatre institutions financières du libéralisme mondialisé, le FMI, la Banque mondiale, l'OMC et un nouveau venu, le Financial Stability Board. Mais si leurs capacités sont augmentées, aucune modification du fonctionnement des trois premières nommées n'est évoquée.

Pourtant, ces instruments ont amplement démontré, au fil des plans d'ajustement, des choix désastreux de stratégie (les cotonculteurs africains en savent quelque chose) et des désarmements tarifaires, leur nature d'instruments au service du développement... des multinationales.

La crise financière, qui s'est irrésistiblement transformée en récession, continue, en révélant l'ampleur absurde de la spéculation, à présenter des factures de plus en plus lourdes à l'ensemble de la planète. Loin de Londres, le tiers de la population mondiale qui n'avait pas voix au chapitre, ni l'UA ni l'évanescent Nepad n'ayant de réelle audience, paiera au prix fort un cataclysme économique dans le déclenchement duquel il ne porte aucune responsabilité.

Nul ne s'y trompe, les dispositions quasi caritatives adoptées à Londres sont loin d'être convaincantes. Elles ne permettent pas, de l'avis de tous les experts, de renverser une tendance extrêmement inquiétante.

A cette aune, les salves d'autocongratulations entendues avant même l'ouverture de ce sommet sont-elles justifiées ? Le sommet de Londres a-t-il été vraiment un événement «historique» ? Reconnaissant le caractère exceptionnel de la crise, les dirigeants des pays riches ne semblent pas avoir pris la mesure des implications vitales d'une récession profonde et durable.

Les dispositifs arrêtés à Londres, pour importants qu'ils puissent paraître au plan symbolique, sont-ils à la hauteur des enjeux ? La prochaine réunion du G20, prévue pour cet automne, verra sans doute les premiers éléments de réponse à ces questions.