![]() ![]() ![]() Israël, proxy américain et levier de domination: Le piège tendu aux pays du Golfe
par Salah Lakoues ![]() Le
faux espoir d'un « plan de paix ». Lorsque Donald Trump
a présenté son « plan de paix » en 20 points pour le Moyen-Orient, beaucoup y
ont vu une opération de communication plus qu'une véritable initiative
diplomatique.
Loin d'ouvrir une perspective crédible à une coexistence entre Israéliens et Palestiniens, ce projet visait surtout à légitimer la mainmise israélienne sur Gaza et à remodeler les rapports de force dans le Golfe. Le refus catégorique de Benjamin Netanyahou d'accepter la création d'un État palestinien a confirmé cette logique : Israël n'est pas un acteur autonome dans ce scénario, mais un proxy des États-Unis, utilisé comme levier de domination sur les monarchies du Golfe. La récente frappe israélienne contre le Qatar - médiateur central dans la crise de Gaza - illustre cette stratégie. Derrière l'apparente irrationalité de cette escalade se cache une méthode : semer la panique dans le Golfe pour contraindre ses dirigeants à se rallier au plan américain. Israël joue ici le rôle de gendarme régional, substitut des interventions militaires directes des États-Unis, mais porteur du même objectif : imposer une architecture sécuritaire centrée sur Washington, au détriment de l'autonomie politique des pays arabes et des droits du peuple palestinien. Israël, gendarme et levier des États-Unis au Moyen-Orient L'histoire de la relation israélo-américaine montre une continuité frappante. Dès la création de l'État d'Israël en 1948, Washington l'a soutenu politiquement et financièrement, voyant en lui un allié stratégique face au nationalisme arabe et à l'influence soviétique. Après la guerre des Six Jours (1967), Israël devient une base avancée pour les États-Unis dans la région. Son armée, dotée de technologies américaines, agit comme un multiplicateur de puissance. Là où les États-Unis risqueraient un enlisement coûteux, Israël peut intervenir, parfois avec une brutalité assumée, en sachant qu'il bénéficie d'une couverture diplomatique et militaire totale de Washington. Cette logique s'apparente à celle du proxy : déléguer la coercition à un acteur local pour réduire le coût politique et financier des interventions directes. En ce sens, Israël n'est pas seulement un allié, il est une extension armée de la stratégie américaine au Moyen-Orient. Le Golfe comme cœur de la stratégie américaine Depuis la découverte de ses immenses réserves pétrolières, le Golfe est au centre de la politique américaine. La guerre du Golfe en 1990-91 a montré la capacité des États-Unis à mobiliser une coalition internationale pour défendre l'Arabie Saoudite et libérer le Koweït. Mais elle a aussi révélé une dépendance : sans l'appui américain, les monarchies ne peuvent pas assurer leur sécurité. L'invasion de l'Irak en 2003 a marqué un tournant. L'échec américain à imposer un nouvel ordre régional par la force a montré les limites de l'intervention directe. Washington a alors renforcé son recours à Israël pour maintenir la pression : au lieu de déployer massivement ses propres troupes, il lui suffisait d'armer et de protéger un allié capable de frapper, de déstabiliser et de contraindre. Ainsi, le Golfe est devenu l'échiquier central où Israël joue le rôle de pièce avancée dans la stratégie américaine. La supercherie des Accords d'Abraham Présentés comme une « avancée historique vers la paix », les Accords d'Abraham ont en réalité été une supercherie politique. Ils ont normalisé les relations entre Israël et plusieurs monarchies du Golfe sans régler la question palestinienne. Pour Donald Trump, l'objectif n'était pas de bâtir une paix juste, mais de transformer les monarchies en sponsors financiers de Gaza, sous contrôle israélien. Ces accords permettent à Washington et à Tel-Aviv de diviser les pays arabes : en intégrant les Émirats arabes unis et Bahreïn dans une normalisation, ils isolaient le Qatar, qui refusait de renoncer à son soutien au Hamas et à son rôle de médiateur. Les Accords d'Abraham ne sont pas des instruments de coexistence, mais des outils de domination, destinés à renforcer le contrôle américain et israélien sur les dynamiques internes du Golfe. L'attaque contre le Qatar : la politique du fou La frappe israélienne sur le Qatar a marqué un tournant. En s'attaquant à un pays où se trouve une importante base militaire américaine, Israël a franchi une ligne rouge apparente. Mais cette escalade s'inscrit dans la logique de la « politique du fou », théorisée sous Nixon : afficher une irrationalité volontaire pour déstabiliser l'adversaire et l'amener à céder par crainte d'une escalade incontrôlable. Sous le gouvernement Netanyahou, épaulé par Ben-Gvir et Smotrich, cette stratégie prend une dimension nouvelle : elle associe nationalisme religieux, surenchère militaire et brutalité diplomatique. Le message adressé aux pays du Golfe est clair : vous n'êtes en sécurité que si vous vous alignez sur Israël et Washington. Cette attaque, loin d'être une erreur, est un signal. Elle vise à créer une panique régionale, isoler le Qatar et accélérer la normalisation contrainte des monarchies avec Israël. Les dilemmes stratégiques des pays du Golfe Face à cette pression, les monarchies du Golfe se trouvent dans un dilemme. Accepter le plan américain, c'est garantir leur survie à court terme, mais au prix d'une dépendance totale à Washington et Tel-Aviv. Cela reviendrait à cautionner un système où la Palestine est effacée et où leur autonomie stratégique disparaît. Rejeter le plan, c'est s'exposer à des sanctions, à l'isolement et à de nouvelles déstabilisations. Mais c'est aussi préserver leur dignité et éviter d'être complices d'un génocide en cours à Gaza. Cette contradiction est aggravée par l'écart entre les élites dirigeantes, souvent favorables à l'arrimage aux États-Unis, et l'opinion publique arabe, massivement hostile à Israël et solidaire des Palestiniens. L'alternative : construire une autonomie stratégique Les pays du Golfe disposent pourtant des moyens d'échapper à ce piège. Leur puissance financière et énergétique leur donne une marge de manœuvre considérable. Ils pourraient : Construire une défense aérienne commune capable de réduire leur dépendance aux boucliers américains . Développer une industrie militaire régionale, afin de produire eux-mêmes les technologies nécessaires à leur sécurité. Diversifier leurs alliances, en renforçant leur coopération avec les BRICS et le Sud global, qui défendent une approche multipolaire du monde. Une telle stratégie permettrait aux monarchies de passer du statut de protectorats sécuritaires à celui d'acteurs autonomes, capables de peser réellement dans les équilibres régionaux. La question palestinienne : la clé de toute stabilité Aucune paix durable ne pourra être construite sans justice pour les Palestiniens. Depuis les accords d'Oslo (1993), les promesses de souveraineté ont été trahies. Gaza est devenu un laboratoire de domination coloniale, où Israël teste ses méthodes de blocus, de surveillance et de répression. Le dilemme est brutal : Accepter le plan Trump, c'est donner une prime au génocide en cours et consacrer la mort de l'idée d'un État palestinien. Le rejeter, c'est affronter la continuité des crimes contre l'humanité, mais en gardant intacte la légitimité morale et politique de la cause palestinienne. Les pays du Golfe ne peuvent rester indifférents : leur crédibilité régionale et internationale dépend de leur position sur cette question. La paix impossible sans souveraineté palestinienne La crise actuelle révèle un paradoxe : les États-Unis et Israël, malgré leur puissance militaire et diplomatique, sont en réalité fragilisés. Leur recours à la politique du fou trahit une incapacité à imposer une paix juste. Israël restera un proxy américain, tant que Washington dominera la région. Mais cette domination est de plus en plus contestée par l'émergence d'un monde multipolaire, où les BRICS et le Sud global offrent des alternatives. Pour les pays du Golfe, l'heure est venue de choisir : Continuer à subir une stratégie de domination extérieure, au prix d'une perte de souveraineté, Ou construire une autonomie stratégique fondée sur leurs ressources, leurs moyens financiers, et leur insertion dans un nouvel ordre mondial multipolaire. La clé de ce choix reste la même depuis des décennies : sans État palestinien, sans justice pour Gaza et la Cisjordanie, aucune paix véritable n'est possible au Moyen-Orient. |
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