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NOS FEMMES, NOS IDOLES INAVOUÉES !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Ecritures féminines algériennes en quête de liberté. Essai de Benaouda Lebdai (sous la direction de). Editions Frantz Fanon, Boumerdès 2025, 225 pages, 1 500 dinars



Voilà un ouvrage-approche universitaire et scientifique, donc bien loin de toute pensée politicienne -qui interroge les réalités algériennes à travers des écritures féminines, anciennes et nouvelles. Pas toutes, bien sûr, l'examen se limitant -pour l'instant, on l'espère- aux écrivaines déjà consacrées. Car, entre-temps, bien d'autres sont arrivées sur le « marché », dont les œuvres, à mon avis, sont, en fait, venues conforter (renforcer) les analyses présentées. Toutes en quête de liberté ! Chacune avec son style et sa manière. Presque toutes prises en tenailles entre tradition et modernité, entre intégrisme et liberté de penser. Dans une société algérienne complexe (de plus en plus), la quête incessante de liberté!

On a donc quinze chapitres distribués dans quatre parties :

-Maïssa Bey, Benaouda Lebdai et Christiane Chaulet Achour ont abordé « l'écriture du dedans et l'écriture du dehors », la « décennie noire » et l'œuvre, en épanouissement, de Hajar Bali.

-Afifa Bererhi, Jedrzej Pawlicki, Rania Hassan Ahmed et Sadia Iddir se sont penchés sur la « part voilée », le « désir d'Islam » », le « dialogisme » et les « fantaisies » dans l'œuvre et l'écriture de Assia Djebar...

-Sabrina Fatmi, Sabrina Yebdri, Magdalena Malinnowska et Fatima Merad sont revenues sur les œuvres de Maïssa Bey, Assia Djebar, Leila Marouane et Malika Mokeddem et sur la « mémoire oubliée ».

-Enfin, Nawel Krim, Karen Bouwer et Alina Bekkat ont remonté le temps en présentant l'œuvre -un écrit moderne et précurseur- de Fathma Aith-Mansour Amrouche, le genre du texte avec Amina Mekahli et le « calvaire au féminin » à travers un personnage de Yasmina Gharbi Mechakra.

Deux constantes retrouvées dans les textes choisis : la quête constante de liberté... et la démonstration qu'il n'y a pas une écriture féminine, mais des écritures féminines algériennes. Tant mieux ! D'autant que celles qui ont pris la relève valent, elles aussi, « leur pesant de poudre » (Kateb Yacine).

Les Auteurs :Maïssa Bey, Amina Bekkat, Afifa Bererhi, Karen Bouwer, Christine Chaulet Achour, Sabrina Fatmi, Rania Hassan Ahmed, Sadia Iddir, Nawel Krim, Benaouda Lebdai, Fatima Medjad, Magdalena Malinowska, Jedrzej Pawlicki, Sabrina Yebdri

Table des matières : Introduction (Benaouda Lebdai) / Partie 1 : Engagement et esthétique/Partie 2 : La quête de soi chez Assia Djebar/ Partie 3 : Regard introspectif/ Partie 4 : Source, continuité et poétique au féminin/Notices bibliographiques

Extraits : « La dénonciation de l'intégrisme du point de vue des femmes diffère de celui des écrivains hommes, car leurs textes démontrent qu'elles incarnent une véritable détermination à ne pas s'effacer, à rejeter « l'uniforme de l'islam fondamenraliste... qui a balayé la tradition ancestrale » (pp 37-38, Maïssa Bey citant Ghania Hammadou), « D'un roman à l'autre, l'écriture d'Assia Djebar se déploie entre deux pôles ; la chute où se dit l'innommable séquestration au féminin et l'envol par la poétique du chant de liberté » (Afifa Bererhi, p 67), « L'identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées. Je n'ai pas plusieurs identités, j'en ai une seule, faite de tous les éléments qui l'ont façonnée, selon un dosage particulier qui n'est jamais le même d'une personne à l'autre » (Amine Maalouf cité par Rania Hassan Ahmed, p 86), « A chaque fois qu'on lie expressément le problème de la langue au problème de l'identité, à mon avis, on commet une erreur parce que, précisément, ce qui caractérise notre temps, c'est ce que j'appelle l'imaginaire des langues, c'est-à-dire de toutes les langues du monde » (Edouard Glissant cité par Rania Hassan Ahmed, p 98).

Avis - Le champ (toujours miné ?) de la création littéraire féminine algérienne exploré et labouré avec minutie... Une récolte très utile aux spécialistes, aux enseignants, aux étudiant.e.s et même au grand public. Toutes celles et tous ceux qui s'intéressent aux femmes et veulent les « comprendre » et, surtout, à leur liberté (encore, hélas, en conquête).

Citations : « Ecrire, c'est donner à voir ce qui est traditionnellement caché » (Maïssa Bey, p 19), « La culture arabo-musulmane est une culture qui honnit toute ostentation et mise en avant du « moi », qui abhorre l'étalage de l'individuel, le « je », l' « auto », qui sont bannis au profit d 'un « nous » commun » (Sadia Iddir, p 106), « Du désir de commettre le crime à l'acte criminel lui-même, l'homme accomplit le mal de différentes manières et pour différentes raisons : faire le mal pour le mal, le mal rendu, le mal nécessaire, le mal subi, le mal légitime » (Sabrina Fatmi, pp 125-126), « L'écriture féminine algérienne n'est probablement pas autre chose qu'une tentative, parfois désespérée, de comprendre l'infinie complexité de la société et de se libérer de l'angoisse que provoque l'effarante injustice qu'a imposée l'Homme » (Sabrina Yebdri, p 129), « Une personne désigne un individu qui existe réellement, tandis qu'un personnage est la représentation fictive d'un être humain. Le personnage appartient au monde imaginaire créé par le romancier. C'est un être de papier qui donne l'illusion au lecteur de faire partie du monde réel » (p 132).



La longue marche des Algériennes vers la modernité. Par des universitaires et chercheurs algériens. Collection Les cahiers de Liberté, recueil de 14 études et analyses scientifiques. Editions SAEC- Liberté, Alger , n°2, mars-avril 2009,188 pages, 300 dinars(Fiche de lecture pour rappel, déjà publiée en février 2019.Voir in www.almanach-dz.com)



Il y avait la revue Naqd (Revue d'études et de critique sociale dont un numéro a été présenté dans le n°21 du journal Le Cap, in “A livres ouverts”) qui n'est plus à présenter. Depuis mars 2009, elle n'est plus la seule et c'est tout bénéfice pour les universitaires, chercheurs et intellectuels algériens (et étrangers). Il y a, désormais, aussi, Les Cahiers de Liberté, dont le premier numéro, consacré à “L'Algérie des années 2000” a été diffusé en avril 2009 et le second, consacré aux femmes algériennes, et “leur longue marche vers la modernité” en septembre 2009. Le troisième déjà en route est consacré au “Syndicat, monde du travail”.

On croit savoir que le quatrième sera consacré à “La communication”.

Quatre numéros par an, une diffusion au niveau des seules librairies, des auteurs surtout universitaires, chercheurs et spécialistes des questions abordées avec un esprit critique, un format livre, une maquette agréable, pas de publicité, voilà de quoi attirer des lecteurs... qui ne lisaient plus ou ne lisent que des revues importées.

Quatorze études et analyses, treize auteurs, avec des sujets tous aussi passionnants les uns que les autres: Amine Zaoui, Nadia Ait Zai, Rachid Tlemçani, Omar Derras (avec deux études), Ahmed Halfaoui, Khaled Bentounès, Chérifa Bouatta, Houria Ahcene-Djaballah, Fatma Ousedik, Faika Medjahed, Latifa Lakhdar, Fatima Oussedik, Mustapha Benfodil aussi... et votre serviteur qui a “commis” une étude “sur la presse féminine et la femme dans la presse”.

D'emblée, l'orientation générale est moderniste, et il ne peut en être autrement face au conservatisme et au passéisme d'une bonne partie de la production “intellectuelle”.

Avis - A ne pas rater... Ce n'est pas cher et la qualité y est. De plus, cela encouragera certainement la recherche et les publications périodiques de valeur universitaire et d'expertise.