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78ème FESTIVAL DE CANNES - BAGHDAD CINÉMA

par Cannes : TEWFIK HAKEM

Quasiment disparu des radars du 7ème art après tant d'années de dictature et de guerres, le cinéma irakien tente depuis quelques années de renaître de ses cendres.

Par les moustaches de Pleksy-Baath, cette année on nous a signalé un stand irakien au Marché du Film du Festival de Cannes ! Si c'est vrai, c'est une grande première. À moins que ce ne soit une erreur de frappe du catalogue -une coquille comme on dit dans notre jargon- c'est peut-être le stand iranien, après tout, il n'y qu'une lettre qui différencie les deux voisins et frères (ennemis). Et finalement, il s'agit bien de l'Irak. A l'intérieur du stand, on peut facilement distinguer les officiels du ministère de la Culture (moustaches, costume-cravate et langue de bois), des fourmis ouvrières irakiennes (qui font tout le boulot de promotion) venues pour la plupart des pays d'Europe et d'Amériques.

Deux films irakiens vus cette année à Cannes. Dans la sélection classique, une pépite de 1957 «Saïd Effendi» de Kameran Hossni en version restaurée. Adapté de la nouvelle La Dispute de l'écrivain Edmond Sabri, aborde des thèmes très sociaux- chômage, crise du logement, tensions sociales. Empreint de réalisme social, parfois très drôle, ce film en noir et blanc raconte les mésaventures de l'instituteur Saïd Effendi et de sa famille, expulsés de leur foyer par leur propriétaire et obligés de s'installer dans un quartier pauvre de Bagdad. Autant dire Vittorio De Sicca et Naguib Mahfouz au pays des mille et une nuit, quelques mois seulement avant la révolution de 1958.

Pour accompagner ce précieux film joliment restauré par l'INA (Institut national de l'audio-visuel France), une délégation importante avec des officiels du ministère de la Culture irakien et du Comité pour la mémoire visuelle de l'Irak rattaché au Premier ministre.

Dans la sélection La Quinzaine des Cinéastes, un film irakien et récent, The President's Cake, nous fait replonger dans l'Irak des années 90, au moment où l'embargo américain provoquait des pénuries partout. Ce très touchant premier long métrage de l'américano-irakien Hasan Hadi assume parfaitement d'être sous influence du (bon) cinéma iranien : une orpheline de 9 ans, élevée dans un village des marais par sa vieille grand-mère est tirée au sort pour confectionner un gâteau célébrant l'anniversaire de Saddam Hussein. Car jusqu'à sa chute, le dictateur exigeait que son anniversaire soit fêté par son peuple. Comment répondre à la demande de l'école et du régime quand on n'a pas de quoi se payer un sac de farine et qu'il y a pénurie de sucre partout dans le pays ? À la manière de Où est la maison de mon ami, le chef d'œuvre d'Abbas Kiarostami, on suit les aventures de la fillette et de son ami, tout aussi fauché, dans une épopée chaplinesque qui épouse les codes spécifiques du conte arabe. Une découverte intéressante, un film aussi modeste qu'attachant.