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Le piège sahélien: Quand les juntes militaires servent les intérêts étrangers au nom d'un africanisme illusoire

par Salah Lakoues

Alors que les peuples du Sahel aspirent à la paix, à la justice sociale et à la souveraineté véritable, ils sont aujourd'hui pris dans un piège inquiétant. Ce piège, loin d'être uniquement imposé de l'extérieur, est aussi soutenu de l'intérieur par des régimes militaires illégitimes - au premier rang desquels la junte malienne - qui prétendent incarner la rupture avec le néocolonialisme, tout en servant en réalité de relais à de nouvelles puissances étrangères.

La junte malienne : de l'illégitimité à la déstabilisation régionale

Arrivée au pouvoir par un coup d'État en 2020, puis consolidée par un autre en 2021, la junte malienne s'est installée sans légitimité démocratique. Présentée par ses partisans comme une force de libération nationale, elle a rapidement montré ses limites : suppression des libertés, report perpétuel des élections, répression des oppositions, instrumentalisation des médias.

Mais le plus grave reste sa stratégie régionale. En fermant la porte à toute médiation constructive et en rompant brutalement avec ses voisins, cette junte a volontairement isolé le Mali de la seule puissance régionale stable et cohérente : l'Algérie. Ce pays, qui a toujours apporté une aide discrète mais essentielle à ses voisins sahéliens, sur le plan sécuritaire, diplomatique et humanitaire, est aujourd'hui mis à l'écart, remplacé par des puissances non africaines aux intérêts souvent opaques.

L'erreur stratégique d'un isolement orchestré

En créant une alliance militaro-identitaire avec d'autres régimes de transition (Niger, Burkina Faso), la junte malienne a placé le Sahel sous un rideau de fer politique. Cette rupture avec Alger n'est pas seulement un affront diplomatique : elle prive la région de son principal médiateur historique, de ses structures de coopération antiterroriste, et de la voix d'un acteur africain qui défend, sans ingérence, une solution endogène aux crises régionales.

Cette mise à l'écart de l'Algérie, loin d'être un acte d'émancipation, est une manœuvre téléguidée. Elle ouvre la voie à l'infiltration de puissances étrangères qui profitent du vide laissé par la coopération régionale : mercenaires, trafiquants d'or, intermédiaires opaques et conseillers militaires étrangers.

Le faux africanisme des juntes : une imposture dangereuse

Les régimes militaires sahéliens se revendiquent d'un «africanisme» de façade. En réalité, leur discours est une arme de diversion. Derrière les slogans de souveraineté, ils signent des accords avec des puissances extérieures qui exploitent les ressources naturelles, notamment l'or. Les Émirats arabes unis, par exemple, sont devenus des acteurs clés du pillage aurifère malien, opérant dans l'ombre, à travers des circuits de contrebande et de blanchiment.

Pire encore, ces régimes tentent de justifier leur autoritarisme et leur échec sécuritaire par un amalgame dangereux entre communautés sahéliennes et groupes armés islamistes, en particulier les Touaregs. Une erreur stratégique grave, qui brise le tissu social et compromet toute solution politique durable.

Un piège qui se referme sur les peuples

Le résultat est tragique : un Sahel coupé de ses racines nord-africaines, livré à des puissances opportunistes, sans stratégie claire ni souveraineté réelle. Les peuples sahéliens, qui devraient être au cœur d'un projet panafricain de paix et de développement, sont enfermés dans un cercle vicieux de violence, de pauvreté et de dépendance.

Ceux qui dénoncent les ingérences doivent être cohérents : on ne lutte pas contre le néocolonialisme en servant de relais à d'autres formes de domination. L'africanisme véritable ne peut être construit que sur le dialogue entre Africains, le respect mutuel, et la solidarité régionale.

Pour un retour à la coopération panafricaine

Il est encore temps de sortir de cette impasse. La paix au Sahel ne viendra pas de régimes militaires isolés, mais d'une coopération panafricaine sincère, dans laquelle des pays comme l'Algérie peuvent jouer un rôle central. L'Afrique ne peut se permettre d'abandonner des régions entières à l'instabilité sous prétexte d'idéologie. La voix des peuples doit reprendre le dessus, contre les logiques de prédation, d'isolement et de répression.

Sahel : l'instabilité chronique, la malédiction des peuples et la dérive identitaire des juntes militaires

Par-delà les dunes brûlantes et les savanes arides du Sahel, un drame humain, politique et géostratégique se joue depuis des décennies. Les peuples sahéliens - Maliens, Nigériens, Burkinabè, Tchadiens - aspirent à vivre en paix, dans la dignité et la décence. Mais ce droit fondamental est constamment bafoué, pris en étau entre la pauvreté, le terrorisme, les ingérences étrangères et désormais, les dérives autoritaires de régimes militaires qui se présentent comme des libérateurs, tout en entraînant leurs peuples dans une impasse périlleuse.

Une malédiction géopolitique enracinée dans l'histoire

Le Sahel paie encore aujourd'hui les conséquences d'un découpage colonial brutal, d'une décolonisation inachevée, et d'un modèle d'État importé, fragile et inadapté. Faiblesse institutionnelle, frontières artificielles, marginalisation des périphéries, absence de développement… Tous les ingrédients sont réunis pour nourrir le désespoir et le chaos. La chute du régime libyen en 2011 a ensuite ouvert la voie à la prolifération des groupes armés et à la militarisation des tensions ethniques, notamment au Mali.

La junte malienne : de la rupture à la dérive

La junte militaire au pouvoir à Bamako depuis 2020 s'est présentée comme une alternative de rupture avec l'ordre néocolonial. En chassant la force Barkhane et en dénonçant les accords de défense avec la France, elle a gagné un soutien populaire temporaire. Mais ce rejet du néocolonialisme n'a pas été suivi par une véritable stratégie d'émancipation ou de développement.

Au contraire, la junte a remplacé une tutelle étrangère par une autre. La présence croissante de puissances comme la Russie et les Émirats arabes unis illustre ce glissement : exploitation minière opaque, accords militaires flous, perte de souveraineté réelle. L'exemple de l'or malien est frappant : les Émirats sont devenus une plaque tournante du blanchiment d'or sahélien, souvent extrait dans des conditions illégales ou en lien avec des groupes armés, sans bénéfice pour les populations locales.

Une politique identitaire dangereuse

La junte malienne alimente par ailleurs une idéologie identitaire inquiétante. En jouant sur l'opposition entre «patriotes» et «ennemis de la nation», elle criminalise toute opposition, empêche toute transition démocratique et réprime les voix dissidentes. Elle tente d'exporter ce modèle vers ses voisins, créant un «bloc sahélien» militaro-nationaliste sans vision claire ni légitimité démocratique.

Pire encore, elle instrumentalise les tensions ethniques, notamment en assimilant à tort les Touaregs à des islamistes armés. Cette confusion est non seulement dangereuse, mais elle alimente la haine, affaiblit les alliances communautaires contre les terroristes, et compromet tout processus de réconciliation. Les Touaregs, peuple nomade ancestral, ont leurs propres revendications historiques, souvent ignorées, et ne sauraient être réduits à une menace sécuritaire.

Une région convoitée, une souveraineté confisquée

Le Sahel, loin d'être une zone vide, est riche en ressources : or, uranium, fer, pétrole, terres rares. Cette richesse attise les convoitises : après les anciennes puissances coloniales, ce sont désormais d'autres acteurs - Émirats, Chine, Russie, Turquie - qui se disputent l'accès à ces ressources. Les régimes militaires, faute de transparence et de légitimité, négocient ces richesses dans l'ombre, souvent contre des soutiens militaires ou politiques. Le peuple, lui, reste exclu des bénéfices.

Pour une souveraineté populaire et inclusive

Le véritable enjeu au Sahel n'est pas le rejet d'une puissance pour en embrasser une autre. Il est dans la construction d'États justes, inclusifs, capables de représenter leurs peuples et de gérer équitablement leurs ressources. Il est dans le refus des amalgames, dans la reconnaissance de la diversité des identités sahéliennes, et dans le dialogue entre communautés. La paix ne viendra ni des casernes ni des mercenaires étrangers, mais de la justice sociale, de l'éducation, du développement, et de la démocratie réelle.

Les peuples du Sahel ne sont pas maudits : ils sont trahis. Par l'histoire, par les puissances extérieures, mais aussi désormais par des régimes militaires qui confisquent leur espoir au nom d'une souveraineté qu'ils ne restaurent pas vraiment. L'avenir du Sahel doit échapper à la logique de guerre permanente, de pillage organisé et de répression identitaire. Il est temps de redonner la parole à ceux qui y vivent, y souffrent, y rêvent et y résistent.

Mali : la richesse d'un peuple, les fractures d'un État

Au cœur du Sahel, le Mali tente de préserver son unité face aux tensions identitaires, à l'ingérence étrangère et aux ambitions d'une junte militaire en quête de légitimité. Bamako - Autrefois carrefour culturel et bastion de grandes civilisations ouest-africaines, le Mali traverse aujourd'hui l'une des crises les plus profondes de son histoire contemporaine. Derrière la diversité remarquable de ses peuples - Bambara, Peuls, Dogons, Touaregs, Songhaï, Soninkés, Bozos, Malinkés - se cache un pays fracturé par une instabilité politique chronique, des conflits identitaires instrumentalisés et une dangereuse dérive géopolitique.

Une junte au pouvoir, une nation sous tension

Depuis le coup d'État de 2021, la junte militaire malienne s'est imposée comme le pouvoir de fait, rompant avec les anciennes alliances occidentales, notamment françaises. Ce départ, largement salué par une opinion lassée du néocolonialisme, a rapidement été suivi par l'arrivée de nouvelles puissances étrangères, dont certaines poursuivent, selon plusieurs observateurs, le pillage des ressources naturelles, notamment l'or malien, dans une opacité inquiétante.

Les Émirats arabes unis sont régulièrement cités dans ce système d'exploitation et de blanchiment, au cœur de circuits d'exportation informels hors de tout contrôle public. Ce nouveau partenariat, loin de marquer une rupture avec les logiques prédatrices anciennes, semble n'avoir fait que changer de main.

Une politique identitaire et aventurière

La junte militaire justifie sa politique sécuritaire et son isolement régional au nom d'un africanisme de façade, qu'elle utilise pour disqualifier toute critique interne ou toute initiative régionale indépendante, notamment algérienne. En confondant revendications touarègues légitimes et groupes armés islamistes, le régime malien alimente volontairement les amalgames qui servent à militariser le territoire et à renforcer son autorité.

Pourtant, ces populations nomades du Nord - souvent marginalisées - aspirent avant tout à la reconnaissance, à la justice et à une vie décente. Les traiter comme des ennemis, voire des complices du terrorisme, revient à enrayer toute possibilité de paix durable.

Le piège de l'isolement régional

L'un des effets les plus préoccupants de cette orientation politique reste l'isolement croissant du Mali vis-à-vis de l'Algérie, seule puissance régionale ayant maintenu, depuis des décennies, un soutien actif aux processus de paix dans la région. L'accord d'Alger de 2015, pierre angulaire d'une stabilisation progressive du Nord, est désormais ouvertement remis en cause par Bamako. Cette rupture va bien au-delà d'un simple désaccord diplomatique : elle affaiblit l'ensemble du Sahel et crée un vide stratégique que d'autres puissances - souvent motivées par les ressources minières - s'empressent de combler. Burkina Faso et Niger, aujourd'hui dirigés eux aussi par des juntes militaires, suivent une trajectoire similaire, amplifiant une dynamique régionale de fermeture, de méfiance et d'instabilité.

Un avenir en suspens pour les peuples sahéliens

Ce sont les peuples qui paient le prix fort de cette instabilité : insécurité persistante, développement bloqué, migrations forcées, destruction des tissus sociaux. Les Sahéliens, qu'ils soient éleveurs, cultivateurs ou commerçants, aspirent à vivre en paix, dans la dignité, à l'abri des manipulations politiques et des calculs géostratégiques. Face à ces dérives, des voix s'élèvent pour réclamer une approche réellement africaine des solutions. Une paix durable au Sahel ne viendra ni des mercenaires, ni des accords opaques avec des puissances extérieures, mais d'un dialogue sincère entre les États, les communautés locales et les partenaires soucieux du bien commun.

Le Sahel en otage : entre illusion souverainiste et réalités de prédation

Le Sahel traverse une période de profonde instabilité. Au-delà des discours martiaux des juntes militaires et des slogans de souveraineté, la réalité sur le terrain révèle une recomposition géopolitique inquiétante. Trois tendances dominent aujourd'hui l'évolution de cette région fragile : la fragilisation des institutions civiles, le retour de logiques prédatrices sous couvert de nouveaux partenariats, et l'isolement délibéré des puissances régionales non-alignées, notamment l'Algérie.

Depuis les coups d'État au Mali, au Burkina Faso et au Niger, le Sahel a basculé dans une ère de pouvoir militaire illégitime, qui se revendique d'un panafricanisme de façade. Ces régimes, loin de garantir l'autonomie des peuples, ont en réalité ouvert la porte à d'autres puissances extérieures - comme la Russie, les Émirats arabes unis ou encore la Turquie - qui poursuivent la logique d'exploitation des ressources naturelles, en particulier l'or. Le cas malien est emblématique : sous couvert de souveraineté retrouvée, des circuits de blanchiment d'or transnationaux, notamment via les Émirats, privent le pays de ses richesses tout en entretenant une opacité inquiétante sur les accords signés.

Dans cette reconfiguration, un acteur-clé est mis à l'écart : l'Algérie. Pourtant, ce pays reste la seule puissance régionale dotée d'une diplomatie cohérente, d'une armée professionnelle et d'un engagement historique pour la stabilité du Sahel. L'isolement imposé par la junte malienne à l'égard de l'Algérie sert les intérêts de puissances étrangères qui voient d'un mauvais œil toute tentative de construction régionale indépendante. Le Maroc, souvent aligné sur les intérêts français, s'impose dans le vide diplomatique créé, renforçant une rivalité maghrébine instrumentalisée au détriment d'une véritable solidarité africaine.

Les conséquences de cette dérive sont lourdes. Les amalgames entre groupes ethniques et djihadistes - notamment entre Touaregs et islamistes armés - participent à la fragmentation du tissu social. La militarisation des sociétés, l'effondrement des cadres de gouvernance et la circulation incontrôlée des armes renforcent l'idée d'un Sahel ingouvernable, livré aux intérêts d'acteurs non-africains.

Une urgence politique

Il est urgent de réorienter les dynamiques régionales autour d'un vrai projet de souveraineté populaire. Cela suppose :

La réhabilitation du dialogue transsaharien, fondé sur des intérêts communs et la complémentarité économique.

Le rétablissement d'institutions civiles légitimes, à travers des processus de transition démocratique clairs, encadrés par l'Union africaine. Le soutien à une société civile forte, capable de faire émerger une stabilité enracinée dans les besoins des populations.

Le Sahel n'a pas besoin de messies militaires ni de nouveaux tuteurs étrangers.

Il a besoin de coopération entre Africains, de justice sociale et de souveraineté réelle.

La paix au Sahel commence par la vérité : celle des peuples à disposer d'eux-mêmes, loin des impostures stratégiques et des manipulations identitaires.

Chiffres-clés -

Le Sahel sous pression

3 coups d'État militaires en 3 ans (Mali 2021, Burkina Faso 2022, Niger 2023). Plus de 60 tonnes d'or extraites chaque année au Mali, dont une grande partie échappe au contrôle de l'État 15 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë dans la région (source : PAM, 2024)

2,5 millions de déplacés internes au Sahel central (OCHA, 2024)

Présence militaire étrangère accrue : Russie (Wagner), Émirats arabes unis (or, logistique), Turquie (drones et bases) Mali : entre guerre intérieure, blocage économique et fractures communautaires.

Au cœur du Sahel, le Mali traverse une des périodes les plus critiques de son histoire contemporaine. Entre autoritarisme politique, instabilité sécuritaire persistante, blocage économique et fractures communautaires ravivées, le pays semble s'éloigner chaque jour un peu plus du retour à la paix et à la démocratie.

La fin du pluralisme politique

Depuis le coup d'État de 2021, le colonel Assimi Goïta s'est progressivement imposé comme le maître absolu du Mali. Devenu général d'armée, il a désigné un Premier ministre issu des rangs militaires et s'est vu autorisé à se présenter à la prochaine élection présidentielle. Mais c'est la suspension brutale, en mai 2025, de toutes les activités des partis politiques qui a marqué une rupture radicale avec la vie démocratique.

En se retirant de la CEDEAO, aux côtés du Burkina Faso et du Niger, pour créer l'Alliance des États du Sahel (AES), la junte malienne affirme sa volonté de souveraineté, mais au prix d'un isolement diplomatique et économique croissant.

Offensive militaire et crise communautaire

La sécurité du pays reste précaire, notamment dans le nord (Kidal, Ménaka, Gao), où l'armée malienne, appuyée par des éléments russes du groupe Wagner, mène une guerre ouverte contre les groupes armés signataires de l'ex-Accord d'Alger. Cet accord, signé en 2015, visait à stabiliser les régions du Nord en intégrant les Touaregs et d'autres acteurs locaux dans la gouvernance. Sa dénonciation unilatérale par Bamako en 2023 a ouvert une nouvelle phase de confrontation. Ce tournant a ravivé un profond sentiment d'exclusion chez les Touaregs, qui refusent l'assimilation de leur cause autonomiste aux visées djihadistes. Faire l'amalgame entre mouvements touaregs et groupes extrémistes ne fait qu'alimenter les tensions et compromettre toute issue politique.

Dans le centre du pays, les Peuls, souvent victimes de stigmatisation et de représailles, continuent de payer le prix d'une insécurité chronique et de l'absence d'un État de droit.

Blocage économique : une responsabilité directe de la junte

Alors que le Mali disposait de leviers importants pour relancer son économie - ressources minières, agriculture, coopération régionale - la gestion autoritaire et opaque de la junte a provoqué un véritable blocage économique.

La crise de l'électricité, qui plonge les grandes villes dans l'obscurité, est aggravée par une mauvaise gestion des dettes envers la société exploitant le barrage de Manantali. Le secteur minier, autrefois moteur de croissance, est fragilisé par des conflits avec les compagnies étrangères.

À cela s'ajoute une politique économique sans cap, marquée par le repli sur soi et l'abandon de toute concertation avec les acteurs du secteur privé et les partenaires internationaux. En s'écartant des mécanismes régionaux (notamment ceux de la CEDEAO), le Mali s'est privé de leviers de financement et de marchés essentiels.

La junte militaire porte ainsi une lourde responsabilité dans le ralentissement économique, accentuant la précarité des populations, particulièrement dans les régions rurales et du Nord.

Le dialogue, seule voie de sortie

Dans ce contexte, seul un dialogue national authentique et inclusif pourrait permettre de restaurer la confiance et de construire un avenir commun. Il est urgent de rétablir les passerelles entre l'État et les communautés du Nord et du Centre, sans amalgame ni logique répressive. Le Mali ne retrouvera la paix ni par les armes ni par l'autoritarisme, mais par la reconnaissance de sa diversité et le retour à une gouvernance partagée, transparente et respectueuse des équilibres historiques et sociaux.

Situation politique

Depuis le coup d'État de 2021, le colonel Assimi Goïta dirige le pays. En 2025, un dialogue national organisé par la junte a recommandé la prolongation de la transition pour une durée de cinq ans et autorisé la candidature de Goïta à la présidence. Il a consolidé son pouvoir en devenant général d'armée et en nommant un Premier ministre militaire.

En mai 2025, la junte a suspendu tous les partis politiques et interdit leurs activités, supprimant toute opposition organisée. Cela marque une rupture avec le pluralisme démocratique et concentre le pouvoir dans les mains de l'armée.

Le retrait du Mali de la CEDEAO, avec le Burkina Faso et le Niger, a mené à la formation de l'Alliance des États du Sahel (AES), une confédération militaire visant à rejeter l'influence occidentale au nom de la souveraineté régionale.

Situation militaire, sécuritaire et communautaire

L'insécurité reste intense, notamment dans le Nord du Mali (région de Kidal, Ménaka, Gao), où l'armée malienne, appuyée par des combattants russes du groupe Wagner, a lancé des offensives contre des groupes armés touaregs, regroupés dans le Cadre stratégique permanent (CSP-PSD). Cette guerre a éclaté après la dénonciation unilatérale par Bamako des Accords d'Alger en 2023, un texte pourtant crucial dans le processus de paix avec les ex-rebelles touaregs.

La dénonciation des Accords d'Alger a été un tournant : elle a rompu le fragile équilibre entre l'État malien et les communautés du Nord, notamment les Touaregs, qui se sentent marginalisés et trahis par un État centralisateur. Cette stratégie militaire, menée sans véritable dialogue, a ravivé un sentiment d'exclusion et de défiance.

Il est fondamental de ne pas amalgamer les Touaregs et les islamistes armés. Les groupes comme le FLA (Front de libération de l'Azawad) ou le HCUA ne doivent pas être confondus avec les organisations djihadistes comme le JNIM ou l'État islamique au Grand Sahara. Une telle confusion compromet la possibilité de solutions durables et alimente les tensions communautaires.

La communauté peule est aussi fortement touchée. Dans le centre du pays (Mopti, Ségou), les Peuls sont souvent accusés de sympathies djihadistes, ce qui a mené à des violences intercommunautaires graves, y compris des massacres, perpétrés tant par des milices communautaires que par l'armée.

Seul un dialogue national inclusif, respectueux des identités locales et des équilibres ethniques, pourra sortir le Mali de cette spirale. L'option militaire seule, sans reconnaissance de la diversité malienne, ne peut mener qu'à l'impasse.

Situation économique

Malgré les difficultés, la croissance économique a atteint 4,0% en 2024, soutenue par l'agriculture et les services. Cependant, les infrastructures sont fragiles, notamment l'approvisionnement énergétique. Le pays fait face à une crise de l'électricité due à une dette envers le gestionnaire du barrage de Manantali.

Le secteur minier est également sous pression. En janvier 2025, le gouvernement a saisi trois tonnes d'or appartenant à la société Barrick Gold, dans le cadre d'un contentieux fiscal. Cette décision pourrait compromettre la confiance des investisseurs étrangers. Sur le plan commercial, les relations avec l'Algérie se sont tendues. Après la destruction d'un drone malien par l'armée algérienne, Alger a restreint les échanges, affectant particulièrement le nord du pays déjà appauvri.

Le Mali traverse une phase critique, marquée par un pouvoir militaire centralisé, une insécurité persistante et une marginalisation des voix régionales. La dénonciation des Accords d'Alger et l'amalgame entre communautés et djihadistes constituent un grave danger pour l'unité nationale.

Seule une réconciliation nationale inclusive, qui traite les griefs historiques des Touaregs, Peuls et autres groupes ethniques, permettra de restaurer la stabilité. La paix au Mali ne viendra ni par les armes seules, ni par la répression politique, mais par le respect des diversités et le retour à une gouvernance partagée.