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![]() ![]() ![]() Tebboune montre la voie aux walis, loin du folklore médiatique !
par Cherif Ali* ![]() On
imagine parfois la carrière des walis comme une vie reposante et douillette de
hauts fonctionnaires jouissant des ors de la République, dans un confortable
ennui.
On a tort et ce, pour plusieurs raisons : D'abord parce que les walis sont en première ligne pour la mise en œuvre des politiques publiques de l'Etat, au niveau local, notamment pour le maintien de l'ordre public ; dans ce domaine toute faute peut entraîner une révocation immédiate par le pouvoir politique. Ensuite parce que la pression politique sur les walis s'est accentuée avec le temps, ils doivent composer avec une sphère politique locale dont les impératifs ne recoupent pas toujours parfaitement, avec ceux de l'administration dont le wali incarne l'autorité. Enfin parce que le représentant de l'Etat épousant les évolutions de cette dernière, s'impose avec le temps une dimension plus managériale de son action, une obligation de résultats et de rendre des comptes à l'autorité politique, voire à la population, le tout avec des ressources de plus en plus limitées. Il faut savoir aussi que la nomination des walis n'obéit pas à des principes fixes D'ailleurs il n'existe nulle part et, a fortiori, dans la fonction publique, un profil de carrière-type, contrairement à l'entreprise où l'actionnaire principal désigne son dirigeant, ce qui n'a en soi rien de scandaleux. Mais, pour couper court à toute spéculation, on met en avant le principe du pouvoir discrétionnaire qui échoit à l'autorité investie du pouvoir de nomination ; celle-ci n'a pas à justifier son choix. Dans le communiqué qui est rendu public, il n'est jamais expliqué, ni le choix ayant présidé à la désignation, ni le motif justifiant la mutation, encore moins la nature des griefs prévalant à la cessation de fonctions des walis. Tel a été le cas du wali d'Adrar qui a été remplacé par son secrétaire général chargé de gérer les affaires de la wilayas, lit-on dans le communiqué de la présidence de la République. Ceci étant dit et malgré une rente importante, nos walis continuent à gérer le quotidien par des méthodes qui se caractérisent par un sérieux déficit de communication, malgré les exhortations du président de la République, qui aimerait les voir investir le terrain en managers du développement, en médiateurs de la République et, surtout, se rapprocher de la population, tout le temps et non pas le temps d'une visite officielle. A tous les niveaux de la chaîne, tout le monde se couvre ; chacun agit avec l'idée de se prémunir en cas de pépin ! Résultat, une forme de fébrilité s'est emparée notamment des walis; personne ne veut risquer d'être identifié à l'origine d'une faute. Traditionnellement, les walis changent de wilaya, tous les 5 ans, en moyenne. L'idée est d'empêcher qu'ils ne s'attachent trop aux intérêts de leur région ou créent des liens trop proches avec les notables ou les hommes d'affaires locaux. Et à chaque mouvement de walis, il y aura telle ou autre personne, en fonction de sa propre analyse, ne se privera de citer, tel ou tel cas d'abus, de favoritisme, même si cela peut relever parfois du domaine anecdotique ! Ce qui est sûr, c'est que le mouvement provoque des disponibilités et des ouvertures de carrière en chaîne et introduit de la souplesse et crée une nouvelle dynamique dans la sphère où il est opéré. Une remarque toutefois concernant des secrétaires généraux de wilayas qui sont promus walis au bout de 15 à 18 années de fonctions. A l'usure donc ! Alors qu'en stagnant dans leurs postes durant toute cette période, ils ont largement démontré, à l'insu de leur plein gré comme dirait l'autre, qu'ils n'étaient pas éligibles à cette fonction ! Sur un autre plan, s'il est bon de « diversifier » les origines dans la nomination des walis, certains d'entre eux n'ont aucune culture du corps faute, d'avoir effectué des « aller retour » entre l'administration centrale et locale. En plus, l'acclimatation se faisait plutôt chez les chefs de daïras. Après cette formation sur le tas qui durait un certain temps, le concerné était promu wali. Depuis, les nominations de personnalités venues de l'extérieur ont troublé cet ordre, notamment dans les années 1990. Et la greffe n'a pas pris ! Tout comme l'ascenseur pris par certains walis promus ministres puis rétrogradés walis avec statut de ministres. Une incongruité bien algérienne ! Il faut admettre toutefois que les Walis ne sont pas réellement dotés des pouvoirs exorbitants qu'on leur prête ! La première limite, a précisé quelqu'un, se trouve au niveau de la conception - même - de la fonction : leur action est noyée dans une multitude de tâches qui grèvent leurs capacités de réflexion et de planification. Des avaloirs bouchés aux ordures ménagères, en passant par la voierie, leur énergie se consume dans des missions censées être accomplies par les APC et les services spécialisés. À force de s'occuper de tout, le wali donne parfois l'impression de ne s'occuper de rien...comme il se doit. La seconde tient à l'interventionnisme étouffant des administrations centrales à travers un fatras de circulaires et de messages qui entravent leurs actions en compliquant les procédures. Prenons l'exemple de la capacité du wali à affecter des terrains pour l'investissement. Depuis l'été 2011, les wilayas ont attribué des dizaines de milliers d'hectares de terrains d'investissement. En cinq ans, peu de projets ont connu une avancée sur le terrain et un nombre insignifiant a été achevé et mis en exploitation. D'ailleurs, l'explication vient des walis eux-mêmes : complexité des procédures administratives dont les solutions dépendent des multiples intervenants aux niveaux central et local. En résumé, si le wali affecte les terrains, le reste des procédures lui échappe dans une large mesure. Les walis sont « ciblés» : est-ce à dire qu'ils vont continuer longtemps à porter le chapeau, alors que les P/APC qui ont pourtant bénéficié d'une formation appropriée, de l'augmentation de leurs salaires et de l'apport non négligeable de plus de 5.000 cadres entre ingénieurs et architectes vont se tirer indemnes du désastre du développement local ? On leur reproche leur absence de réactivité concernant notamment les attributions de logements sociaux et le retard dans l'exécution dans les opérations de développement local ! On leur a aussi fixé un cap: créer de la richesse et de l'emploi ! On leur a intimé également« la nécessité de rattraper en urgence, les lacunes enregistrées dans le cadre de vie des citoyens et poursuivre les efforts proactifs en prévision des éventuels risques liés à l'automne et à l'hiver ; à prendre toutes les mesures visant à protéger les citoyens et leurs biens ; à élever le niveau de vigilance sanitaire à travers l'ensemble des wilayas du pays ; à intensifier le travail de terrain des bureaux de santé communaux et des commissions locales concernées ». Il faudrait pour cela, que les walis, crise oblige, aillent chercher de l'argent pour investir et créer de l'emploi localement. En un mot, se transformer en « managers » pour faire fonctionner les collectivités locales comme de véritables entreprises ! La tâche n'est pas insurmontable, elle passerait par un choix judicieux des hommes une réforme audacieuse des finances et de la fiscalité locale ce qui conférerait aux édiles plus de pouvoirs en matière de foncier et de recouvrement d'impôts locaux et du code communal et de la wilaya, sachant que pour ce dernier texte, l'administration centrale du ministère de l'Intérieur s'attèle à mettre la dernière touche. Dans un de ses discours, le Président Tebboune avait déclaré « que l'Etat avait pris toutes les mesures pour protéger et soutenir les walis qui sont la cheville ouvrière de l'Etat algérien ainsi que les élus locaux qui ne sont pas de simples gestionnaires ou exécuteurs de décisions, mais disposent de toutes les prérogatives -sous le contrôle de la loi-, des prérogatives que nous œuvrons à renforcer». Dans cet ordre d'idée, les walis ont insisté lors d'un atelier intitulé -le Wali, pilier du processus de développement économique local-, sur l'impératif de les doter d'un Statut compte tenu de la complexité des missions qui leur ont été confiées, notamment en matière de développement locales. Ils ont également mis l'accent sur « la nécessité de réorganiser les services extérieurs de l'Etat placés sous la responsabilité du wali et de les adapter au service des missions économiques des autorités publiques ». Entre autres recommandations, figure « le renforcement des missions de planification au sein des prérogatives du wali afin de réaliser les objectifs de développement tracés et programmés sur les court, moyen et long termes ». Ils ont également souligné « l'impératif d'accorder un intérêt particulier au développement des ressources humaines, à travers la création de mécanismes d'incitation aux cadres relevant de l'administration générale de la wilaya, en permettant au wali de recourir aux expériences et aux compétences à travers la simplification des procédures contractuelles ». Ils ont insisté aussi sur « la nécessité de consacrer le rôle du wali en matière de développement économique local dans le cadre de la révision en cours du code de la wilaya, et ce, en tenant compte de la cohésion des différentes lois et réglementations régissant l'action au niveau local avec les prérogatives confiées aux walis selon une nouvelle approche économique. » Les walis ont plaidé, en outre, pour « le renforcement et l'élargissement du rôle décisionnel du wali en matière de planification et de mise en œuvre des programmes pour concrétiser la décentralisation de la prise de décisions en matière de mise en œuvre des programmes d'investissement public ; l'adoption des outils d'aménagement du territoire en tant qu'outils efficaces dans le processus de prise de décision, à l'instar du Plan national d'aménagement du territoire et du Plan d'aménagement du territoire de la wilaya, en adoptant des mécanismes modernes de gestion reposant essentiellement sur le numérique ». Vous êtes le premier pilier de l'État ! Cette phrase prononcée par le président de la République Abdelmadjid Tebboune, à l'adresse des walis, résume tout le rôle qu'il réserve dans la concrétisation de son programme à ce corps de commis de l'État, dont il est lui-même issu. « Vous devriez vous libérer du réflexe de l'hésitation, prendre des initiatives et faire preuve d'audace ; cet esprit doit prévaloir en cette période où nous affrontons beaucoup de défis relatifs à des projets stratégiques comme la sécurité énergétique, la sécurité alimentaire et la sécurité financière.» ! Le chef de l'État qui a, maintes fois, souligné qu'il œuvrait à « asseoir les bases de la nouvelle gouvernance à travers la diversification des sources de financement et l'amélioration des méthodes de gestion », avait précisé que «les méthodes de gestion n'étant pas figées, les walis n'ont pas à attendre les instructions centrales». « Vous devriez imposer votre autorité sans autoritarisme, avec des méthodes civilisées ! » Telles sont les orientations, maintes fois, réitérées aux walis de la République par le Président Tebboune excédé, peut-être, par les agissements d'un certain nombre d'entre eux. Ils sont souvent accusés de se donner en spectacle et d'abuser de leur pouvoir devant les caméras de télévision. L'orientation est claire : ayant fait lui-même sa carrière dans la gestion des collectivités, le Président Tebboune veut impliquer les responsables au niveau locale dans la dynamique de développement du pays ; il recherche surtout l'efficacité des réponses aux préoccupations des citoyens. Loin du «folklore médiatique». Tebboune, le wali des territoires! Avant que son nom ne résonne sous les dorures du palais d'El Mouradia, avant que le poids de la République ne repose sur ses épaules, Abdelmadjid Tebboune fut un homme de route, de poussière et d'écoute. Dans les replis discrets de l'Algérie administrative, là où l'État prend la forme d'un regard, d'un décret ou d'un chantier, il fut wali, ce mot sobre et solennel, chargé de responsabilités silencieuses. L'homme venait du Sud-Ouest, né en 1945 à Mécheria, ville de vent et de pierres, là où les saisons laissent leur empreinte sur les visages. L'ENA d'Alger le forma aux codes de la République, mais c'est la terre qui le forma à l'Algérie. Dans les années 1970, on le nomme à Adrar, au seuil du désert. Là-bas, tout est plus grand, plus lent, plus ancien. Il faut parler moins fort et écouter plus longtemps. Les oasis murmurent leur sagesse sous les palmiers. Tebboune y apprend la politique à la manière des anciens: en silence, avec patience. Il ne gouverne pas, il accompagne, répare, relie. Il regarde l'eau couler sous les «foggaras» comme on lit un livre sacré, conscient que gouverner un territoire, c'est d'abord comprendre sa respiration. Puis vient Tiaret, la fertile, la rebelle, la rugueuse. Il y trouve un peuple attaché à sa terre comme à une promesse non tenue. Il marche dans les plaines, inspecte les silos, serre les mains calleuses des paysans. Ici, on ne croit qu'à ce qu'on voit. Il le comprend vite : les mots ne suffisent plus, il faut bâtir. Il lance des programmes, fait de l'emploi rural un combat personnel. Il y laisse l'image d'un homme droit, pas toujours souple, mais présent Enfin, Tizi Ouzou. Terre fière, frondeuse, vibrante. Rien n'y est simple, rien n'y est neutre. Chaque mot porte un sens politique, chaque geste peut devenir symbole. Tebboune y marche sur une corde raide. Il n'y vient pas en conquérant, mais en veilleur. Il écoute beaucoup, parle peu, agit prudemment. Il sait qu'ici, la légitimité ne se décrète pas : elle se conquiert par le respect, la mesure, la constance. Ces années de wali ne sont pas des étapes secondaires. Elles sont le cœur invisible de son parcours. Là, loin des caméras et des fastes, il apprend ce que veut dire gouverner un peuple multiple, sur une terre immense, avec des ressources parfois chiches mais une volonté ardente. Il quitte ces postes sans fracas, comme il les avait assumés : dans le calme. Mais quelque chose, en lui, est devenue plus vaste. Le pouvoir, il l'a touché, mais à hauteur d'homme. Ce n'est pas un trône, c'est une traversée. Quand, des années plus tard, il s'assied sur le fauteuil présidentiel, on pourrait croire que c'est là le sommet. Mais lui sait que c'est seulement un autre chemin. Il garde en mémoire les visages d'Adrar, les labours de Tiaret, les silences de Tizi Ouzou. Il sait que l'Algérie ne se gouverne pas d'en haut : elle se comprend d'en bas. On peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près. Loin du folklore médiatique vient de le rappeler judicieusement le Président Tebboune, aux ministres et conséquemment aux walis! *Ancien chef de Daïra |
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