La corporation des
boulangers semble ébranlée une fois encore par la pénurie de la matière
première principalement la farine laquelle est à l'origine d'une grogne qui
persiste depuis plus d'un mois. «Ma production hebdomadaire de pain nécessite
80 q de farine mais à la seule minoterie de toute la région, l'on m'a fixé un
quota de 50 q seulement, ce qui me contraint à combler le déficit par un
appoint à 1260 DA le sac de 50 kg chez les revendeurs au lieu des 1000 DA
officiels, une tare de plus qui amenuise énormément la marge bénéficiaire déjà
maigre », nous dit, révolté, cet unique boulanger des 2 plus importants
quartiers de la ville à savoir Matmore et Ouled Bendamou, avant d'ajouter « à
la minoterie, la justification, avancée est la capacité limitée de production
de farine par rapport au nombre des boulangers qui atteint 76 ». Un ras le bol
semble apparent et général chez les artisans boulangers contactés. Celui est
allé même, calcul à l'appui, nous démontrer la raison de ce mécontentement et
également celle qui force la pratique illicite, à l'origine de la déperdition
d'une bonne quantité de la farine « en général, le boulanger fait un bénéfice
net de 700 DA sur un quintal de farine, payé 2000 DA à la minoterie. Avec
l'appoint payé chez les revendeurs, en moyenne 2520 DA (parfois davantage), le
bénéfice se voit amputé de 520 DA par quintal, ce qui quotidiennement (pour une
production minimale de 8 q), fait chuter le bénéfice de 5600 DA à 4000 DA, une
usure substantielle qui affecte énormément les boulangers ». Celui ajoute qu'en
plus de cela et de la hausse des prix de tous les intrants et équipements, une
fraude flagrante est pratiquée sur le poids, qui tourne autour de 46 kg au lieu
de 50 kg le sac, ainsi que sur la qualité. Dans ce cadre, notre interlocuteur
dénonce « en plus du fait que la majorité des sacs de farine achetés ne pèsent
pas le poids mentionné sur l'emballage, à savoir 50 kg, la qualité de la farine
ne répond pas, par moment, à la norme de la farine boulangère panifiable car
elle ne « monte » pas et des fournées entières sont jetées à la poubelle. Tout
ceci est à la charge du boulanger qui se voit ainsi sa marge s'amenuiser
davantage». Celui-ci explique cette dernière arnaque par le fait que des
minotiers extraient la farine fine qui est vendue plus chère aux pâtissiers et
écoulent le reste, à savoir la farine qui a perdu ses qualités de panification,
aux boulangers qui en paient ainsi les conséquences. Questionné pourquoi il y a
autant de boulangers, bien que, selon lui, la boulangerie «ne nourrit plus son
homme », notre interlocuteur révèle que « la majorité des boulangers trichent
sur le poids de la baguette. Devant la passivité du consommateur et la quasi
absence de contrôle, ces boulangers ont trouvé en cette parade un moyen pour
arrondir indument la marge bénéficiaire ». Cette situation semble avoir
engendré une pratique encore plus alarmante, à savoir l'exportation illicite de
cette farine vers le Maroc. Selon certains témoignages, la farine est devenue
un créneau juteux pour les contrebandiers. Des quantités faramineuses passent
frauduleusement la frontière et le principal fournisseur de ces contrebandiers
est présumé être le boulanger véreux. « Devant la marge bénéficiaire qui est
considérée par, certains boulangers, de faible, ceux-là trouvent plus rentable
la vente en l'état d'une bonne partie de leur quota de farine. Payée 2000 DA le
quintal, il la cède à 2400 DA, ce qui leur permet de soutirer un bénéfice net
de 400 DA par quintal sans effort. Cette quantité vendue ira ainsi gonfler la
quantité amassée par les contrebandiers », explique notre interlocuteur.
Contactés à ce sujet, les responsables de la CCLS affirment que la quantité
livrée quotidiennement à la minoterie est maintenue toujours à 400 q/j et que
l'origine de cette pénurie qui, selon eux, est ponctuelle, est l'arrêt de la minoterie
de Ouled Mimoun qui a une capacité de production de 1000q/j, à cause de
l'installation de nouveaux équipements. Selon eux, cette minoterie, qui
comblera le déficit en farine, sera opérationnelle courant avril. Le retour à
la production de cette minoterie serait-il suffisant pour que la situation soit
redressée et, par conséquent, tout le trafic et la tricherie qui se sont
développés tout autour soient bannis ? Rien n'est moins sûr?