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Quand les intérêts de castes priment

par Yazid Alilat

C'est à un autre épisode d'un genre particulier de prise d'otages que l'on assiste ces dernières semaines en Algérie. Les exemples sont nombreux de ce type de déviance sociale sur fond de mercantilisme, lorsque, par exemple, il s'agit de consommateurs obligés d'acheter la pomme de terre à plus de 70 DA/kg lorsque son prix sur les marchés de gros est inférieur à 45 DA/kg et que les ministres concernés qualifient de marché libre.

Le débat actuel qui chauffe les chaumières est celui de l'école algérienne, avec un zeste de grande inquiétude des parents d'élèves pour leurs enfants. Car le conflit social qui pourrit la situation dans le secteur de l'éducation nationale n'a pas été résolu, loin s'en faut, par les responsables qui sont bien payés pour le résoudre. Bien au contraire, l'annonce de la poursuite de la grève par un des syndicats du secteur a provoqué le désarroi au sein des Algériens, ceux qui ont des enfants scolarisés, et qui se posent avec une grande angoisse comment tout cela va finir. Car les négociations menées la semaine dernière et des semaines auparavant par le ministère, avec en première ligne la ministre elle-même, avec les syndicats ne semblent pas avoir abouti à calmer le jeu, ni à rassurer sur une prochaine sortie de crise.

Non, la peur des parents d'élèves reste entière, à moins de deux mois des périodes d'examens de fin d'année, et les interrogations sur les réelles motivations des acteurs de cette crise de l'école algérienne se posent aujourd'hui en d'autres termes. Il est illusoire de croire que les syndicats des enseignants défendent seulement «leur croûte» quand ils ne font pas grand cas de l'avenir de leurs élèves. Certes, tous les acteurs de cette «tragicomédie» qui a pris en otages parents et élèves ne sont pas dans la même corbeille, mais force est de penser que les «jusqu'au-boutistes» de tous bords ne semblent à l'évidence pas avoir à l'esprit les intérêts des élèves.

 Autant au sein du ministère qui a fermé le jeu, à sa manière, en exigeant la signature d'une charte de l'éthique que lui seul connaît les objectifs réels pour la poursuite des discussions. Autant au sein des syndicats, éparpillés dans la contradiction de leurs revendications, qui sont en train de s'aliéner dangereusement l'opinion publique. Car autant la qualité de l'enseignement actuel est d'une indigence telle que tout le système éducatif national doit être revu, avec au premier plan le départ en retraite anticipée des cadres d'un ministère qui ne sème depuis au moins dix ans que les grèves et les revendications salariales cycliques, autant la pléthore de syndicats est de nature à dévoyer la véritable lutte pour les droits des travailleurs, tous les travailleurs, du secteur de l'éducation nationale.

Car dans cet inextricable fatras de revendications socioprofessionnelles souvent surréelles, il y a un élément qui semble échapper à tous : l'école algérienne, qui provoque aujourd'hui tant de déchirements, a coulé depuis longtemps. Et, le plus déprimant, c'est que ministère et syndicats se battent sur un terrain qui n'est pas celui du développement de l'école algérienne, encore moins de sa réhabilitation. Mais pour de sordides intérêts de «castes».