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NOUS SOMMES TOUS? DES «FILS DE PUB'»

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Depuis plus de 24 ans, plus de deux décennies, sous cinq chefs d'Etat (Chadli, Boudiaf, Kafi, Zeroual et Bouteflika), la publicité reste, dans le monde de la communication nationale, le terme-clé d'une problématique continuellement posée et jamais résolue.

La publicité (prise ici au sens large du terme, le plus commun, mis à part les cybercafés et les services de photocopie, de saisie et de tirage de polycopes? c'est-à-dire de la petite annonce classée à la grande annonce commerciale, en passant par les actions de relations publiques, la communication institutionnelle, l'organisation d'évènements, le conseil?) constitue, aujourd'hui, pour l'économie et le commerce (et depuis quelque temps pour la politique), un carburant essentiel, un pan important et incontournable de tout investissement, et un mur porteur du développement. L'ignorer ou l'éviter c'est, vraiment, avoir une démarche managériale vieillotte, obsolète? inefficace et parfois même, au-delà des échecs, génératrice de catastrophes. On le voit bien chez nous, avec ceux qui ont réussi à s'implanter dans nos marchés et ceux qui traînent la patte, en attente de continuelles aides et soutiens de l'Etat. Social?isme pas mort !

Le marché de la communication publicitaire ! 2 500 à 3 000 milliards de cts (de dinars) soit environ 300 millions de dollars ? Plus ? Moins ? Contraction ou non de l'économie nationale, crise ou pas crise, la pub est là. Pour booster ou pour relancer. Pour expliquer ou pour convaincre. Pour placer ou pour écarter. Franchement ou subliminalement.

L'économie nationale ne s'étant ouverte que tardivement, il est évident que cette masse reste encore gérée par le secteur public (40 à 60% ?), le secteur privé (surtout commercial) faisant, malgré des hauts et des bas, les facilités et les difficultés, son «trou» doucement mais sûrement.

Source de revenus et, au passage, élément de base d'enrichissement capitaliste, la publicité est nécessaire à la bonne marche des entreprises : les annonceurs d'un côté, car ils investissent pour soutenir leur production et la commercialisation de leurs produits et services et, de l'autre côté, les supports qui font payer, parfois assez cher, le service rendu de (bonne) conception et /ou de diffusion des messages. Pour le citoyen, c'est, malgré toutes les critiques, aussi, de l'information, «bien -ou mal- habillée» certes, mais tout de même de l'information.

Jusqu'ici, tout allait pour le mieux dans le meilleur (sic !) des mondes. Partage des rôles? partage de la manne? partage des coups? partage des mauvaises humeurs? partage des «interdits» dits ou non-dits, tout dépendant des relations entretenues avec les entreprises? publiques, privées, administratives, économiques, culturelles? De temps à autre, une crise, longue ou petite mais toujours passagère. Il n'y a de meilleur onguent que l'argent !

Jusqu'au jour où la politique politicienne s'en mêla. Politicienne, car tout est alors mis au service de la conservation du pouvoir ou de la prise de pouvoir. Le pouvoir politique, tout le monde veut y entrer et personne ne veut en sortir. C'est l'inverse du mariage (ceux qui sont dedans veulent en sortir et ceux qui sont dehors veulent y entrer).

La publicité est alors devenue l' «arme fatale». N'entrons pas dans les détails au risque de fâcher bien des gens.

Le nœud du problème, c'est que plus de cinquante années d'indépendance n'ont pas enfanté de loi - ou de texte réglementaire - sur la publicité. Jusqu'en 1990, le monopole de l'Etat était total-global, à travers des textes réglementaires épars et vite oubliés, par le biais d'une entreprise publique qui régulait (sic !) et contrôlait un marché malingre, mais malgré tout alors assez intéressant pour le peu de supports médiatiques qui existaient. Je m'en souviens assez bien, ayant occupé le poste de directeur général durant une toute petite année. Mais, tout de même assez longtemps pour comprendre les enjeux de l'époque et ceux à venir. Enjeux et défis encore plus grands de nos jours, dans une économie libéralisée et ouverte sur l'extérieur, donc avec une forme communicationnelle objectivement modernisante et passage obligé au «bon commerce».

Le nœud du problème, c'est qu'après plus de deux décennies d'ouverture à l'initiative privée des champs médiatique et économique, l'Algérie reste un des rares pays démocratiques du Sud à ne pas avoir adopté une loi sur la publicité qui, enfin, régulerait en toute transparence et dans le respect des règles de l'éthique et de la concurrence, le marché. Si ! il y eut un texte adopté par l'APN au début des années 2000, mais il fut très vite enterré, à la va-vite, lors de son passage au Conseil de la nation. Comment ? Pourquoi ? Sous la pression de quel (s) lobbie (s) ?

Problématique ! Comment se sortir de ce guêpier économique et commercial «informalisé» qui, tout en facilitant largement les manœuvres politiciennes et en enrichissant les «affairistes», les bons comme les mauvais, empoisonne, hélas, la vie de l'Etat et d'une partie de l'économie nationale, dont les entreprises elles-mêmes, publiques et privées, les bonnes bien sûr. Avec tout ce qu'il y a comme effets immatériels négatifs sur une société obligée (tout en étant attirée, mais n'est-ce pas là l'objectif de toute publicité ?) de subir des messages souvent, hélas, nocifs pour la santé mentale des citoyens et leurs attitudes de consommation, tout particulièrement chez les plus jeunes.

Il ne s'agit nullement de promouvoir un texte réglementaire des activités publicitaires pour réprimer. Honni soit qui y pense. Mais seulement pour réguler, organiser, promouvoir, baliser?

Un texte serait en cours d'élaboration. Bien ! On lui souhaite un bon voyage en espérant, comme pour ceux qui l'ont précédé (trois ou quatre si mes renseignements ne sont pas faux et si ma mémoire ne me trahit pas ), qu'il aille vite et ne subisse pas la «dictature» des bureaux et le «pointillisme» de nos juristes, plus «as» de la virgule stérilisante que du texte nécessaire et utile au pays et aux citoyens. Des citoyens en grand «manque» de «régulation», de «régularisation» et de «visibilité» des activités concernant leur vie quotidienne.