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La mondialisation devient un mode régulateur de la gouvernance mondiale

par H. Miloud Ameur

(Première partie)

La mondialisation est-elle la source des maux de la planète ? La fin de l'histoire et le dernier homme (The End of History and The Last Man) que Francis Fukuyama d'origine japonaise a évoquée suite à un article publié dans un magazine américain Washington Post en 1989, mais qui a fait le tour du monde après avoir mis le capitalisme devant le fait accompli notamment lorsqu'il aurait banni le socialisme ainsi que le marxisme qui deviennent par la suite selon lui démodés. Or il s'agit en effet d'une guerre d'idées philosophiques, voire idéologiques ou prise de positions stratégique que les grands Etats recourent pour dominer ? Ainsi, le sens de l'histoire lui faut trouver une autre grille de lecture approfondie pour qu'elle soit revisitée, réinventée et adaptée au service de l'humanité : échec des idées modernes ou triomphalisme de la pensée ancienne ? La modernité politique se nourrit par le poids des sociétés que l'évolution du monde ne soit pas en contradiction profonde avec le sens de l'histoire. L'équilibre doit être assuré sans qu'il n'y ait rupture tragique ni avancée insignifiante.

La mondialisation n'est pas un arrêt de l'histoire car elle caractérise en effet un de ses cycles que les Etats ainsi que les sociétés de pensée ont inventé jusque-là. L'hégémonie américaine veut emporter cette mutation géostratégique à son intérêt globalisé et illimité sans précédent. La fin de l'Union soviétique a trop impliqué le géant américain pour devenir le leader sans concurrent potentiel. De là s'inscrit le manque de stabilité et l'absence de la prospérité que les Etats souffrent après avoir tranché par le biais de la guerre froide. Le sens de la guerre n'a pas été évacué du dictionnaire des Etats, notamment les grandes puissances. Il y a en effet un grand décalage entre ces Etats dits puissants, voire dominants et ceux qui veulent avoir une place à côté d'eux, ceux qu'on appelle les pays émergents et le reste des Etats connus sous le nom du tiers-monde.

La mondialisation ou the Globalization est venue combler ce vide structurel dans les relations internationales. Mais rien n'a été tranché jusqu'alors pour parler de la mondialisation équitable et juste sans qu'il ait une force adverse luttant en ce sens non pas pour bloquer le chemin face à celle-ci mais pour trouver à juste titre l'équilibre afin de réguler la période en cours qui est d'ailleurs pleine de crises, de luttes et de guerres. L'équilibrage est loin d'être fixé autour des puissances, alors il est en décalage pour servir la cause du monde. Cette crise très aiguë ayant de multiples façettes a mis l'ordre mondial en échec, voire pris à l'explosion. Ce qui est d'ailleurs le reflet du niveau de chaque Etat participant peu ou prou par sa contribution à la stabilité ainsi qu'à l'évolution positive du monde dans l'environnement international à travers son comportement quelconque. Quelle est la nature de cette crise frappant l'individu, la famille, l'entreprise, la société et l'Etat, etc., dans le monde entier ? Comment se constituent ses origines ? Enfin, y aurait-il une issue plus proche ou lointaine pour sauver le monde dans lequel on vit ?

Comment imaginons-nous une fin moins douloureuse à cette gestion catastrophique aux affaires humaines sous l'ordre politique mondial ? Autrement dit, l'issue est-elle envisageable à moyen et à long terme? Qui en est responsable : pouvoir politique ou peuple ou l'ensemble entier ? Le droit international n'a pas réussi à mettre sur pieds tous les Etats sans distinction en parfaite harmonie loin de la course aux armements afin d'édifier un terrain sur lequel se positionnent les rapports de force. La course est donc ouverte après avoir déplacé le centre de gravité notamment du centre dominant aux périphéries dominées. Le premier en étant la pièce maîtresse de l'ordre mondial en matière politique, économique, stratégique, militaire, scientifique et technologique, tandis que les seconds constituent le sens opposé afin de forger un ordre moins ignoré, voire reconnu comme tel. Ce classement des pays en dehors de ceux qui y dominent est en crise, en sous- développement et en terrorisme.

La marge de manœuvre est trop réduite pour faire en sorte que le monde devienne très fort pour traiter ses propres affaires en toute sérénité, voire en clarté. Il est ainsi fort parce qu'il est dominé sous la houlette du G20, et moins fort avec le reste du monde sachant qu'il y a 191 Etats inscrits dans l'Organisation des Nations unies. Ce poids significatif est lié plutôt au marché que celui de l'Etat. C'est pourquoi le marché, par le biais du capitalisme, tente le terrain d'exploitation des richesses naturelles face à l'Etat qui, lui, recule au fur et à mesure pour laisser la place plus tard, disent certains, à ?'l'Etat-monde''.

De là s'inscrit en effet le rôle de la mondialisation comme étant un processus historique liée à l'étape précédente et une conséquence logique à l'étape ultérieure. Mais rien n'est acquis d'avance. Le local porte sur le national, tandis que le régional détermine l'international. Le sens de la politique change de cap dont le temps moderne est porteur d'idées, de projets et de stratégie. La guerre actuelle vise à dominer le terrain des richesses, acquérir des marchés et conquérir des clientèles. L'ère est à l'argent, d'où les sociétés géantes possèdent des fortunes plus que des budgets de quelques Etats ne l'ont pas telles que IBM, Microsoft et Schneider et d'autres pour ne citer que celles-ci. La conquête des marchés est un mode de gestion que la mondialisation ne veut que mettre ses pieds à travers tout ce qui appartiendrait à l'Etat sinon en course avec lui pour le déposséder de son monopole public.

La géoéconomique des marchés est le socle du déclenchement des guerres pour s'accaparer des richesses des nations. L'économie est un ordre politique comme la politique ne se distingue plus de l'économie. Les deux vont ensemble sinon l'une complète l'autre à savoir chaque société et ses capacités morales, organisationnelles et culturelles pour s'adapter à la vie qu'elle souhaiterait mener.

L'Etat-nation laisse-t-il la place au marché ? Celui-ci s'organise du point de vue économique derrière celui-là dont la politique est souvent écartée ou affaiblie quand l'économie est riche, mais elle devient rude et complexe, voire enfermée quand l'économie n'est pas exploitée par l'homme. La politique est derrière l'économie quand celle-ci est riche, mais la politique devient par conséquent faible quand l'économie ne crée pas de la valeur ajoutée mais qui s'argumente tantôt par le droit tantôt par la morale.

De la sorte, s'intensifient la violence ainsi que la violence politique comme phénomène nouveau non pas en termes de guerre entre les Etats comme il a été le cas à travers l'histoire, mais à l'intérieur de chaque Etat : plus le numérique est existant et généralisé, plus le manque de dialogue s'avère absent dans le petit village de la mondialisation. Enfin, la mondialisation est un phénomène planétaire né à travers les rapports de force que les Etats-Unis ne veulent pas abandonner le terrain facilement et, que derrière eux serait l'apocalypse. C'est ce qu'affirme l'un des conseillers de la Maison Blanche, Zbigniew Brzezinski en termes de la sécurité nationale.

Est-ce la fin de la guerre et le début des échanges commerciaux entre les Etats contrairement à ce que prévoyaient les néoréalistes ? Souvent, l'histoire n'a pas été autrement entre les puissants et les faibles. Et que les Etats-Unis ne veulent point quitter la scène internationale facilement à une autre force adverse. D'où l'ordre semble trahi pour devenir légitime sans qu'il ait une responsabilité juridique et morale partagée entre les uns et les autres. C'est la raison pour laquelle il y a un recul des valeurs, des principes et des critères qui ont fondé l'essence même des civilisations. Les grands centres de civilisation n'ont pas pu garder leur monopole tant le monde change de figure à chaque cycle d'histoire à travers ses hommes, ses idées et ses Etats par le biais des crises, des guerres et des luttes. A suivre.

(*) Enseignant et chercheur